Ionity est l’un des leaders du secteur de la recharge automobile avec les Superchargeurs Tesla. Présent sur l’ensemble du territoire, il essuie les critiques liées à sa politique tarifaire et sa fiabilité. On fait le point sur le réseau avec ce premier test complet.
D’après le baromètre de l’AVERE France, le pays comptait 53 667 points de recharge ouverts au public fin 2021. Près de 21 000 points ont été raccordés au réseau l'année dernière, soit une hausse de 64%. Voilà un résultat encourageant pour l'avenir de l'électrique, d'autant que la dynamique devrait se maintenir. En tout état de cause, le développement de la recharge publique est en marche et les offres sont nombreuses, avec des prestations disparates et différents niveaux de services. S’y retrouver et comprendre les grilles tarifaires ou spécificités de chacune peut s’apparenter à un parcours du combattant. Nous avons donc décidé de parcourir l’Hexagone pour tester les principaux réseaux de recharge et dresser un bilan pour chaque opérateur.
Réseau de recharge Ionity : rappel historique
Tesla a révolutionné la mobilité électrique en proposant dès le lancement de la Model S un réseau de recharge propriétaire. Dès lors, la concurrence s’est armée pour contrer le petit (à l'époque) mais inquiétant constructeur américain, en reproduisant sa stratégie : développer un réseau de recharge rapide et ainsi démocratiser la voiture électrique.
Pour y arriver, les constructeurs Audi, BMW, Ford, Mercedes et Porsche se sont réunis autour du projet Ionity. Une coentreprise à parts égales qui prévoyait de déployer un important réseau de recharge ouvert à tous, avec des prix imbattables (sinon plus intéressants) pour les voitures des constructeurs partenaires, et une grille tarifaire différente pour les autres. D’autres constructeurs ont rapidement rejoint l’aventure afin de présenter à leurs clients des arguments de vente séduisants.
Maillage : 100 stations sur les autoroutes en France
Si neuf stations ont été inaugurées en Europe au mois de septembre en 2018, Ionity promettait un parc de 400 stations opérationnelles sur le continent en 2020. Mais c’est au mois de décembre 2021, pandémie oblige, que Ionity a passé la barre des 400 sites en Europe. En France, l’opérateur vient d’inaugurer sa 100e station. Voilà une dynamique de développement relativement soutenue par cet opérateur dont l’actualité ne manque pas, et qui ouvre régulièrement des stations.
Comme toujours, en proposant des bornes rapides, il lorgne surtout les autoroutes en s'installant sur les aires de repos. Il profite notamment pour cela d’un partenariat avec Shell, qui met à disposition des places sur ses stations services.
Avec un coup d’avance, Ionity a déjà couvert une bonne partie du territoire, et plus précisément les autoroutes les plus fréquentées. Ainsi, difficile de s’aventurer bien loin de la marque à l’oiseau en Occitanie, dans le Grand Est ou en Bretagne par exemple, poussant parfois quelques constructeurs (pourtant partenaires) à nous déconseiller de faire un trajet vers Brest avec leur voiture électrique…
Aucune règle n’existe pour la disposition des bornes. Selon les concessions accordées, les stations se trouvent de part et d’autre de l’autoroute, sinon dans un seul sens. C’est le cas notamment sur l’autoroute A6, où l’on retrouve deux sites dans le sens sud-nord et une zone parfaitement blanche dans le sens inverse. Si vous utilisez la carte que Ionity met à disposition, pensez à zoomer au maximum.
Technologies : des bornes ABB de 350 kW en France
La plupart des stations sont équipées de quatre ou six bornes (parfois plus, mais c’est un peu plus rare), équipées d’une seule prise. Ionity étant installé en France depuis quatre ans déjà, il est possible de retrouver plusieurs générations des bornes, la plupart fournies par le fabricant helvético-suédois ABB. Leur puissance de recharge maximale peut grimper jusqu’à 350 kW, ce qui couvre les besoins de toutes les voitures du marché à l’heure actuelle.
Il s’agit en général d’unités ABB HP CP500 C, comme le précisent les plaques signalétiques que nous vérifions, mais leur forme peut changer. Les plus vieilles sont reconnaissables avec leur apparence cubique et un écran tactile peu réactif. Les dernières générations sont bien plus fines, avec des arrêtes arrondies et un écran tactile en mode portrait bien plus agréable au toucher et graphiquement. Celles-ci se reconnaissent par leur halo lumineux sur la partie supérieure (éclairé en violet lorsque la voiture est branchée), par un tendeur de câble et par leur silence en fonctionnement.
Du fait de leur épaisseur avec leur système de refroidissement liquide, les câbles acceptent peu les contorsions et ne sont pas toujours manipulables facilement. Il faut parfois saisir la poignée des deux mains pour se brancher correctement.
Dans toutes les stations où nous avons posé nos roues se trouvait également une borne tristandard, de type Terra 54 CJG, un peu plus rustique dans sa présentation. Ces bornes proposent une prise CCS 50 kW DC (en courant continu), une prise CHAdeMo 50 kW DC et une prise Type 2 de 43 kW AC (en courant alternatif). Pour tout comprendre aux systèmes de recharge, rendez-vous sur notre guide.
Sachez toutefois que c’est la voiture qui limitera la puissance de recharge. Et qu’en présence de courant alternatif, aucune voiture ne chargera à la puissance de 43 kW, exception faite de la première Renault Zoé. Pour les autres, elle s’échelonnera de 22 kW (dans le meilleur des cas) à moins de 7 kW. Ne faites pas la confusion au moment de vous raccorder.
Stations Ionity : des équipements perfectibles
A en croire la configuration des stations, le conducteur de voiture serait un être imperméable qui ne craint aucune intempérie, que ce soit selon Ionity ou bien d’autres opérateurs. Les stations brillent par l’absence d’auvents de protection qui pourraient se révéler utiles le temps de brancher la voiture (ce qui peut prendre un peu de temps avec la reconnaissance du badge) et protéger le matériel. Lors de l’un de nos derniers passages chez Ionity, les poignées des prises étaient recouvertes de sable ! Un autre jour, nous avons été obligés de rester devant une borne avec l’assistance au téléphone, sous la pluie. Notons aussi que les petits auvents prévus sur les dernières stations en date ne se montrent pas suffisamment efficaces en raison de leur surface réduite.
En matière d’équipements, il ne se distingue pas des autres opérateurs. Les utilisateurs devront utiliser les installations des aires de repos pour s’asseoir s’il ne veulent pas patienter dans leur voiture.
Il n’y a pas de règles concernant la disposition des bornes. Certaines sont les unes derrière les autres avec des places de chaque côté, mais la plupart sont positionnées en ligne avec des bornes presque centrées sur les places. Selon la position de la trappe de recharge, il faut se garer en marche avant ou en marche arrière. Les emplacements sont suffisamment larges pour permettre aux plus gros véhicules de manoeuvrer et aux occupants d’ouvrir les portes sans cogner les voitures à côté.
Utilisation : la puissance au rendez-vous, mais une fiabilité discutable
Nous avons eu l’occasion de brancher différentes voitures sur plusieurs stations Ionity au cours de nos essais autos. A chaque fois, l’utilisation des stations s’est révélée plutôt simple : il faut appuyer sur le bouton start, brancher le véhicule puis identifier le moyen de paiement, soit par une carte RFID à passer sur la borne, soit via l’application. La charge se lance ensuite.
Selon les générations de bornes ABB, les informations affichées sont plus ou moins précises. Les premières bornes présentent l’énergie délivrée au centième près. Ce qui n’est pas le cas des dernières générations, qui préfèrent la simplicité avec des nombres entiers. Pour finir la charge, il faut appuyer sur la touche stop sans avoir à valider à nouveau le badge. C’est pratique, mais n’importe qui pourrait arrêter la recharge de votre véhicule sur une aire. Il n’y a pas de raison que cela arrive, mais c’est du domaine du probable avec un plaisantin passant par là.
Contrairement aux rumeurs qui voudraient que les bornes de l’opérateur allemand rechargent moins vite les VE en raison d’une tarification à la minute, nous avons toujours observé des puissances de recharge respectées, sinon un peu plus élevées que chez les concurrents.
En revanche, tout n’est pas si limpide avec Ionity, puisque les dysfonctionnement sont nombreux. Nous avons ainsi rencontré plusieurs fois des problèmes d’identification des badges en raison de « problèmes informatiques », des bornes hors service et des coupures de charge inopinées.
La palme revient à une opération réalisée un jour de pluie à l’aire du Jardin des arbres sur l’A77. Ce jour-là, après deux coupures de charge et l’impossibilité de faire reconnaître notre badge Chargemap (qui fonctionnait pourtant une dizaine de minutes avant), l’intégralité de la station s’est éteinte, alors que nous étions au téléphone avec l’assistance ! Heureusement, le niveau de charge de la batterie du véhicule était suffisant pour nous permettre de rejoindre une borne de secours sur le réseau secondaire. Bref, des expériences regrettables que même Herbert Dises, le patron de Volkswagen lui-même, a pu remarquer lors d’un long trajet.
Difficile d'affirmer que la fiabilité n'est pas au rendez-vous en l'absence de statistiques : les bornes Ionity étant nombreuses et parmi les plus utilisées, les dysfonctionnements ont le plus de chance d'être rencontrés. Reste donc à savoir si, comme avec la SNCF, l'utilisateur ne retient pas uniquement les pannes, oubliant les autres expériences sans problèmes. Mais bien que les dysfonctionnements sembles représenter une faible part par rapport aux recharges sans accros, ils existent.
Application : simple et facile d'utilisation
L’application Ionity se veut accessible. Dès l’ouverture, une carte permet de visualiser rapidement les stations autour de soi et de lancer une navigation via Google Maps ou Waze. Une fois devant la borne trouvée, il est possible de la sélectionner et de lancer une charge depuis le smartphone si vous avez renseigné vos données bancaires au préalable. Une fonction de reconnaissance automatique par scan du QR Code ou par la saisie manuel de l’ID de la borne est aussi possible. Certains concurrents proposent bien plus d’option et de menus interactifs, mais la solution de Ionity à l’avantage de se montrer facile d’utilisation.
A noter que depuis peu, certains véhicules des marques partenaires proposent une fonction Plug&Charge. C’est le cas de la nouvelle génération de Mercedes électriques, mais aussi des électriques Volkswagen, via une prochaine mise à jour à distance des véhicules.
Prix et facturation : ça se complique, mais….
Arrivé sur le marché avec un forfait au prix de 8€ la session de recharge quel que soit le temps passé ou l’énergie consommée, l’opérateur a rapidement revu sa politique en annonçant un prix de 0,79 €/kWh dès janvier 2020. Six mois plus tard, Ionity allait plus loin en appliquant un prix de 0,79 €/min : un grand coup de massue dans le monde de la recharge des voitures électriques. Ionity explique ce changement par une réglementation qui impose aux opérateurs de disposer d’un compteur d’énergie certifié : en l'absence d'outil de mesure spécifique et homologué, c'est le temps qui prévaut.
Pour bénéficier d’un prix plus bas, il fallait choisir l'une des voitures des marques partenaires du réseau et de souscrire à un abonnement. Cela permet ainsi d’obtenir un tarif de 0,29 €/min au plus bas avec les offres de Kia/Hyundai, et un abonnement à 13 €/mois. Mais toutes les marques ne sont pas logées à la même enseigne, ce qui n’est pas acceptable : comptez par exemple 0,35 €/min (abonnement de 12,99 €/mois) avec Volkswagen ou 0,31 €/min (abonnement de 18 €/mois) avec Ford.
Cependant, un nouveau rétropédalage a (encore) eu lieu en 2022 : Ionity a en effet annoncé revenir à la facturation au kWh. Dès juillet, l’opérateur appliquera un prix de 0,69 €/kWh sur les bornes les plus puissantes et de 0,39 €/kWh sur les tristandards. Les deux abonnements publics seront reconduits, mais les grilles tarifaires respectives n’ont pas encore été communiquées.
Précisons en revanche que cette tarification à la minute, bien que perturbante, n’était pas forcément une mauvaise chose en fonction de la taille de la batterie d’un véhicule et de ses puissances de recharge : nous avons très régulièrement observé un prix plus avantageux à la minute que si nous avions été facturés au kWh consommé. C'est variable selon les véhicules, mais en général ces derniers n'offrent pas une autonomie qui leur permet d'aller s'aventurer sur l'autoroute. Précisons qu'il conviendra toujours de débrancher votre voiture avant la barre des 80%, où les puissances de recharge chutent drastiquement… sauf si vous avez besoin de plus d’énergie pour atteindre la prochaine borne.