Depuis plusieurs années, les deux camps se renvoient la balle, chacun accusant l'autre de soutenir son avionneur plus que de raison.
Cela fait désormais une quinzaine d'années que l'Union européenne et les États-Unis ont du mal à s'entendre s'agissant du comportement à adopter envers Boeing pour l'une, et envers Airbus pour les autres. Les deux constructeurs aéronautiques, mastodontes des airs, se disputent le leadership depuis des années, chacun essayant de prendre le dessus sur l'autre. Les enjeux étant d'importance, ce sont souvent les États qui s'en mêlent, parfois en lançant des procédures ou des requêtes, et d'autres fois en instaurant de façon unilatérale des taxes, au milieu desquelles on peut facilement se perdre. Tentons alors, ensemble, de comprendre sur quoi porte le conflit, comment s'illustre-t-il aujourd'hui, et surtout, si celui-ci peut s'apaiser, à l'approche d'une nouvelle présidence américaine.
2004-2018 : Airbus et Boeing, épinglés chacun leur tour
Avant le déchirement et les taxes à gogo, tout avait si bien commencé… En 1992, l'Union européenne et les États-Unis signent un accord permettant aux États d'octroyer à Airbus et Boeing des avances remboursables, à hauteur de 33% des frais de recherche et développement, avec un remboursement devant être effectué avant 2020.
Les relations entre les deux blocs ont commencé à se tendre sérieusement en 2004. Cette année-là, Boeing dégaine en premier, et va jusqu'à déposer plainte contre Airbus devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au motif que le constructeur européen bénéficie de prêts et de subventions qui deviennent injustes pour son concurrent. Chacun accusant l'autre d'être « trop aidé », l'Union européenne dépose à son tour une plainte contre Boeing. Et le 27 juin 2005, les Communautés européennes demandent l'ouverture de consultations avec les USA au sujet des subventions prohibées et de celles pouvant être accordées au constructeur américain. Comme pour tenter d'apaiser rapidement un conflit qui ne peut s'éterniser. Sauf que…
En juillet 2010, l'OMC demandera à l'UE de retirer toute subvention jugée comme prohibée destinée à Airbus. Boeing, qui obtient gain de cause auprès de l'organisation internationale, se satisfait alors du fait que son concurrent européen va devoir rembourser 4 milliards de dollars d'aides qui auraient été perçues illégalement, pour propulser celui qui, à l'époque, est le fleuron de l'avionneur : l'A380. Deux ans plus tard, face à la grogne de l'Union européenne, qui dénonce les subventions octroyées par l'État fédéral américain, Boeing est rattrapé par la patrouille. L'OMC, encore elle, estime que le constructeur a perçu plusieurs milliards de dollars d'aides illégales.
En 2016, l'OMC affirme que le groupe Airbus ne s'est pas conformé à la précédente décision de l'OMC. Elle autorise ainsi les USA à prendre des mesures à l'exportation pour un total de 10 milliards de dollars, un montant qui correspond aux aides illégales perçues par l'avionneur européen. Deux ans après, l'OMC, saisie en appel, confirme qu'en bénéficiant de subventions, Airbus a bien porté préjudicie à Boeing. L'entreprise européenne indique alors être enfin entrée en conformité.
2019-2020 : l'escalade et les taxes
Après une période d'accalmie relative, en octobre 2019, Washington reçoit le feu vert de l'OMC pour appliquer des taxes douanières sur l'importation de produits de l'Union européenne, pour un montant fixé à 7,5 milliards de dollars. À l'époque, les États-Unis fixent les taxes sur les avions importés depuis l'UE à 10%. Dans le même temps, les USA surtaxent le fromage, le vin, le café et les olives à hauteur de 25%. Au total, ce sont plus de 150 produits de l'UE qui sont frappés par ces taxes supplémentaires.
Toujours motivés par les subventions illégales accordées par les pays européens à Airbus, les États-Unis décident de relever, au premier trimestre 2020, les droits de douane imposés aux avions Airbus provenant du Vieux Continent de 10 à 15%. Les relations entre les USA et l'Europe ne sont pas optimales, avec une France dans le viseur de Washington et de l'administration Trump.
Le 10 juillet, les États-Unis annoncent l'instauration de droits de douane supplémentaires : cette fois sur les produits de luxe français et les cosmétiques, pour environ 1,3 milliard de dollars. Les USA annoncent alors que ces droits additionnels sont conditionnés au maintien ou non de la taxe GAFA française, dont les prélèvements ne doivent reprendre qu'en décembre.
Un peu plus tard, le mardi 13 octobre 2020, on apprend que l'Organisation mondiale du commerce autorise cette fois… l'Union européenne à surtaxer les importations américaines, pour 4 milliards d'euros. Et alors qu'elle pouvait infliger ces droits de douane à compter du 27 octobre, les mesures ne sont finalement entrées en vigueur que le 10 novembre 2020, avec une taxation supplémentaire de 15% sur les avions moyen et long-courriers américains, mais aussi 25% sur certains produits agricoles, agroalimentaires et biens industriels.
L'Union européenne et la France, par l'intermédiaire du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire, affirment être prêtes à suspendre les tarifs douaniers supplémentaires si les USA suspendent totalement les leurs. L'élection du nouveau président élu américain, Joe Biden, pourrait changer la donne, et peut-être même mettre fin à une guerre commerciale de plus de 15 ans d'âge, qui a connu son apogée avec son prédécesseur, Donald Trump, et fait plus de mal que de bien à la compétitivité des deux géants de l'aviation.