1492. Pour l'historien, c'est une date par trop arbitraire pour caractériser le début de la Renaissance. Pour le cinéphile, c'est un ratage complet signé Ridley Scott avec notre Depardieu national. Pour l'amateur de bière, c'est une erreur... Il fallait écrire 1664. Pour ma part, c'est le solde, hélas, bien misérable de mon compte en banque. Enfin pour Paradox Entertainment, développeur suédois peu connu, c'est le point de départ de leur nouveau titre : Europa Universalis.
Il n'est jamais évident de décrire un jeu en quelques mots, mais c'est encore plus vrai dans le cas d'un titre comme celui-ci. S'il est clair qu'on peut le classer parmi les jeux de stratégie, il n'est absolument pas comparable à un StarCraft. On dira donc qu'il s'agit d'un croisement entre Civilization et Imperialism, que c'est un jeu de stratégie en semi temps réel avec un aspect gestion très développé.
Un jeu d'origine française développé par des Suédois...
Le soft est développé par un groupe de Suédois bien peu connus chez nous : Paradox Entertainment. Ils ont à leur actif des titres comme Airfix Dogfighter ou Svea Rike 3, qui n'ont donc pas grand-chose à voir avec Europa Universalis. Celui-ci est basé sur le jeu de plateau éponyme, lui-même crée par un français du nom de Philippe Thibault. Cette paternité française explique en partie le choix des bornes chronologiques, puisque 1492 et 1792 ont beaucoup plus d'écho chez nous, qu'en Suède par exemple. Ce jeu de société a très rapidement acquis une grande réputation et malgré sa complexité de nombreux cercles de joueurs se sont créés. Il est vraisemblable que des gens de Paradox en fassent partie et aient ensuite décidé de le convertir en jeu PC.Cliquez sur les images pour agrandir
Dissipons de suite les malentendus qui ne manqueraient pas de survenir puisque vous n'avez sans doute pas encore entendu parler de ce Europa Universalis. La raison en est très simple, les développeurs n'ayant trouvé que des distributeurs nationaux et non européens. C'est par exemple Koch Distribution qui s'en occupe pour l'Angleterre. Alors que le jeu était déjà annoncé en Allemagne, Suède, Danemark, Norvège, Royaume-Uni, États-Unis ou au Canada, rien n'était encore fait pour la France, et ce n'est que tout récemment qu'Ubi Soft a annoncé son intention de le traduire et le vendre sur notre territoire. Il va donc sûrement falloir attendre encore un peu pour pouvoir en profiter dans notre belle langue...
Un contexte très riche offrant d'innombrables possibilités
Le créateur du jeu de plateau est un mordu d'histoire moderne et cette passion transparaît très largement au travers de son travail. Europa Universalis est ainsi basé sur des faits historiques avérés ayant fait l'objet d'études approfondies. Si cela contribue bien sûr au réalisme du jeu, il devient dès lors très utile d'avoir une certaine connaissance historique de la période pour comprendre les forces en actions et les mécanismes qui en découlent. Afin d'éviter au joueur la lecture de nombreux manuels d'histoire, Paradox Entertainment a inclus avec son jeu vidéo un imposant manuel de 128 pages qui réussit avec brio à présenter au joueur l'essentiel des interactions possibles pendant une partie. En face d'un jeu d'une telle complexité il est vivement conseillé de feuilleter ce manuel en jouant le didacticiel. Celui-ci nous invite à nous faire la main avec quelques missions mettant en scène l'île d'Irlande. Très bien conçu, il offre en très peu de temps un aperçu du très large panel d'actions possibles. Cela va du développement diplomatique (mariages royaux, cadeaux, "vassalisation"...), à l'expansion économique (embargo, monopoles, aide économique...) en passant par la colonisation et l'inévitable aspect militaire.Simpliste, il permet à tous de se préparer tranquillement, avant de se jouer l'un des différents scénarios du jeu. Au nombre de , ils mettent toujours en scène quelques « grandes puissances » pendant un épisode de leur histoire. Il est ainsi possible de contrôler la Prusse, la Russie ou l'Aurtiche pendant les trente ans du démembrement de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle. Les autres scénarios proposent en vrac de régler le problème de la Succession d'Espagne, de remporter la Guerre de Trente Ans ou encore de participer à l'indépendance américaine. À côté de ces scénarios « événementiels », on en trouve que l'on pourrait qualifier de « longue haleine ». Ils invitent à des parties très longues (plus de 10 heures) en se basant sur des périodes historiques plus larges, comme l'Age du Mercantilisme ou l'Age des Révolutions, jusqu'au scénario le plus ambitieux : « La Grande Campagne ». Ce dernier est l'aboutissement du jeu. Sur les trois siècles d'histoire, vous serez amené à jouer un véritable marathon puisqu'une partie peut facilement dépasser les 20 heures. Il existe enfin un scénario imaginaire permettant aux huit puissances en présence de se trouver à égalité afin que personne ne soit « avantagé ».
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La richesse des situations de la période historique en question est une véritable bénédiction pour les stratèges en herbe que nous sommes. On peut ainsi toucher à tous les aspects géopolitiques et géostratégiques possibles. Pour espérer l'emporter, il faut ainsi savoir guerroyer bien sûr, mais aussi ne pas se mettre tout le monde à dos, développer son industrie, investir à bon escient et comprendre l'enjeu colonial. La moindre des actions peut avoir des répercussions inattendues et comme dans une partie d'échec, il est indispensable d'élaborer une stratégie à long terme. Pour les vieux routards du jeu de stratégie, Europa Universalis est finalement assez classique même si bien peu avant lui n'avaient réunis tous ces éléments en un seul et unique titre. Il est toutefois deux notions propres à Europa Universalis et qui conditionnent tout le reste. La première est d'ordre économique alors que la seconde trouve un écho dans tous les secteurs du jeu. Il s'agit de l'inflation et de la stabilité. L'inflation était très importante à cette époque du fait du développement des théories mercantilistes alors que les gouvernements ignoraient tout des phénomènes de l'inflation et ne savaient donc comment y remédier. La stabilité quant à elle résume en quelque sorte la situation sociale du pays.
De ces deux notions tout à fait fondamentales dépendent les possibilités offertes au joueur. Les effets d'une inflation incontrôlée ne sont pas bien difficiles à imaginer. Les prix montent et les armées, les bateaux, mais aussi l'équipement en général deviennent plus chers, on est alors obligé de restreindre ses ambitions et d'autres nations pourraient en profiter pour se venger. La stabilité est encore plus importante dans la mesure où elle intervient dans absolument tous les éléments du jeu. Une faible stabilité entraînant des révoltes dans vos provinces, vous ne pourrez vous permettre de faire la guerre. Ce sera aussi un facteur de tensions religieuses ralentissant la vie économique et provoquant des troubles diplomatiques. Elle pourra mettre un frein à toute velléité coloniale du fait du mauvais moral de la population. Enfin, une faible stabilité fera de votre pays une cible de choix pour vos ennemis, votre latitude de mouvements étant beaucoup plus faible.
Une réalisation soignée
Ce n'est assurément pas l'aspect le plus important d'un jeu de ce type, mais une réalisation de bonne facture permet de faire la différence et c'est ici le cas. Il n'y a pas de quoi s'extasier, mais réussir à représenter de manière pratique et cohérente autant d'éléments tenait du miracle ! Les cartes, et on en voit un certain nombre, sont très réussies, dotées de belles couleurs et de nombreux détails, elles sont d'une grande lisibilité. Sans être, pour autant, des copies de cartes d'époques (on aurait été mal barré !), elles ont un aspect ancien tout à fait réussi qui participe à l'établissement d'une certaine ambiance bien agréable ! Le reste est bien évidemment plus quelconque et pour cause, en dehors de l'introduction et de la fin de partie, il n'y a pas de vidéo. Les bruitages sont réduits à leur plus simple expression en ne servant qu'à illustrer discrètement les différents événements (bataille, construction, alliance...), et il n'y a tout simplement pas de musique ! Dans de telles conditions, il est difficile de faire de réels reproches à cette réalisation : ce qui est important pour ce genre de jeu ne comporte aucun défaut et le facultatif (vidéos, musiques...), est simplement passé à la trappe !Cliquez sur les images pour agrandir
À la portée de tous ?
Les défauts d'Europa Universalis sont vraiment peu nombreux et pour les amateurs c'est sans aucun doute un jeu indispensable. Il faut toutefois signaler qu'il ne s'adresse pas à tout le monde et les joueurs peu habitués à ce genre de soft risquent de s'ennuyer ferme. La raison en est extrêmement simple et provient directement de la richesse du programme. En effet, qui dit richesse, dit aussi nombreuses interactions, nombreux mécanismes, or pour comprendre comment tout ce petit monde réagit il est indispensable de s'investir un minimum. Le fonctionnement d'un tel jeu n'a rien de commun avec un Quake-like et il ne faut pas s'attendre à tout assimiler avant un certain nombre de parties. C'est tout à fait regrettable, mais il est certain que nombre de joueurs auront lâché avant même d'avoir entrevu les incroyables possibilités offertes par Europa Universalis.Ce défaut est bien entendu le principal et les quelques-uns qui vont maintenant être énumérés sont bien anodins en comparaison. On peut ainsi faire quelques reproches à l'ergonomie pas toujours exceptionnelle et qui rend difficile la sélection d'unités sur des territoires très chargés. Il n'est pas non plus évident de jongler entre les différents écrans et l'obtention de la carte religieuse, par exemple, n'est pas des plus simples. La résolution du jeu n'est pas réglable et les possesseurs de grands écrans (19" et plus) ont de quoi se plaindre, car cela leur aurait évité d'avoir à jouer avec le zoom. Enfin on regrettera un bug dans les sauvegardes qui sera je l'espère corrigé avec des mises à jour : lorsque vous chargez une sauvegarde pendant une partie où vous dirigiez un autre pays, le jeu se mélange un peu les pédales et vous donne souvent une mauvaise nation !
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