Warcraft (premier du nom) fut pour moi la découverte qu'un PC pouvait servir à jouer. C'était en 1994, mon 386SX 33 suffisait à faire tourner sous DOS ce jeu qui allait faire de Blizzard un des développeurs de jeu les plus connus et les plus appréciés sur PC. Huit années plus tard, Blizzard entretient toujours sa réputation de développeur qui n'a pas peur de retarder un jeu s'il considère qu'il n'est pas terminé. Avec Warcraft 3 : Reign of Chaos, nous nous attendons donc à un nouveau bijou.
Allons en campagne
Après un séquence d'introduction en images de synthèse digne d'un film Hollywoodien, nous prenons le contrôle des orques pour une courte mise en condition. Contrairement à ses aînés, dans Warcraft 3 la campagne solo est un "tout". Il n'est pas ici question de choisir une race en début de partie pour la conduire jusqu'au chapitre final. La découverte de chacune d'elles se fait au fur et à mesure de l'avancement d'une seule et unique aventure. Orques, humains, elfes de la nuit et morts-vivants, c'est quatre races que le joueur sera amenés à découvrir au cours de la partie "solo" du jeu qui comprend une trentaine de missions. Sans dévoiler le scénario qui constitue un des points forts de cette campagne disons que le passage d'une race à l'autre se fait dans la continuité de l'histoire. Superbe !Les cinématiques se regardent comme on regarde un film
Pour toutes les races les trois ressources principales sont toujours l'or, le bois et la nourriture. Les constructions et unités sont similaires dans leur fonctionnement mais présentent quelques variations qu'il faut découvrir à chaque changement de race. Rassurez-vous cependant, il ne s'agira pas à ce moment de recommencer à apprendre le B-A BA des unités et des constructions. Les missions sont construites de telle sorte que les structures et unités similaires sont rapidement mises à votre disposition pour qu'il soit possible de se focaliser sur les points de divergences.
Chez les humains, par exemple, ce sont les paysans qui récupèrent l'or et le bois en l'amenant jusqu'au bâtiment principal. Chez les morts-vivants, ce sont d'un côté les disciples qui, après avoir hanté la mine, génèrent de l'or en priant autour d'elle et de l'autre les goules qui transportent le bois mais qui sont aussi des unités de combat de faible niveau.
Chez les morts vivants, la construction de base, la Ziggourat, permet d'augmenter la quantité de nourriture mais peut aussi se transformer en bâtiment de défense alors que chez les autres peuples, il faudra prévoir la construction de deux bâtiments distincts : une "ferme" et une tour de guêt. On se rend ainsi compte en avançant dans les missions que les races possèdent des spécificités, parfois infimes, parfois plus importantes, qu'il est vraiment agréable de découvrir.
You're my Hero
La "grande nouveauté" amenée par Warcraft 3 réside principalement dans le concept des "héros". Ils jouent le rôle principal dans le scénario de la campagne solo mais possèdent aussi une position particulière dans les parties multijoueurs. Un peu à la manière d'un Diablo (du même éditeur), les héros acquièrent, lors des combats, des points de compétence qui peuvent ensuite être investis dans un nombre hélas très restreint de sorts. Les héros disposent donc, comme les unités adeptes de la magie, d'un niveau de "mana" qui sert de base aux lancé de ces sorts.Les héros qui disposent généralement d'une résistance accrue sont donc des pièces maîtresses lors des assauts en permettant de ranimer les unités défaillantes ou d'envoûter les ennemis les plus puissants. Ils sont également capables de transporter jusqu'à six objets magiques. Certains augmentent la mana ou l'énergie, d'autres le niveau de compétence ou la rapidité, on retrouve même le sort de "town portal" de Diablo qui permet de ramener le héros et quelques unités illico au bercail. Ces objets magiques s'obtiennent le plus souvent en éliminant des unités neutres ou des héros ennemis, mais peuvent aussi être monnayés auprès de cupides marchands, voire même découvert dans des coffres ou tonneaux qu'il sera bon de mettre en pièces.
Les unités sont remarquablement travaillées
Ce concept de héros aura certainement ses adeptes et ses détracteurs. D'un côté il ajoute un peu de nouveauté dans un genre qui commence à être éculé, de l'autre il créé des créatures surpuissantes qui réduisent sensiblement l'aspect "collecte des ressources" au profit du "acquisition d'expérience". Le jeu pourra alors paraître moins "stratégique" et davantage "micro-management". Que ce soit en mode campagne ou en mode multijoueurs, il serait en effet inconscient de lancer une attaque sans s'occuper au cas par cas de chacune des unités. La création de groupes et de sous-groupes est indispensable pour espérer, au moins en multijoueur, remporter la victoire.
Pourtant l'éditeur semblait avoir pris le chemin de plus d'assistance dans la basse besogne en améliorant sensiblement le déplacement des unités, celles-ci se mettent désormais automatiquement en formation lors des déplacements avec les unités de jets en arrière et les soldats de base au front. Les problèmes de "pathfinding" (le cheminement des unités) existent parfois mais restent bien rares.
Bienvenue dans la troisième dimension
L'utilisation de la 3D dans Warcraft 3 constitue la nouveauté la plus alléchante. Elle permet à l'éditeur d'offrir une plage de résolution impressionnante (du faible 640x480 en 16 bits au très élitiste 1920x1200 en 32 bits) et d'utiliser le même moteur dans les séquences animées qui ponctuent les missions que dans le jeu. Du côté du joueur, l'apport de la 3D n'est finalement pas si net.D'accord c'est beau, explosions, sorts, unités, la 3D apporte ses multiples effets pour transformer les combats en de véritables feu d'artifices. Mais côté gameplay, l'effet 3D est proche de zéro, la seule interaction possible concerne la possibilité de tourner le terrain de jeu pour, par exemple, regarder derrière un bâtiment ou bien de faire un zoom. Le simple fait de relâcher la touche repositionne la carte en position initiale.
Interface et décors sont bien travaillés
Même si la plage de résolution permettra à chaque configuration de trouver son bonheur, il faut bien avouer que le moteur 3D est bien gourmand. Avec un GeForce3 et un processeur à 1Ghz, il n'est pas rare en 1024x768 que les combats se transforment parfois en scènes au ralenti lorsqu'on fait office de serveur en multijoueur. Il est ainsi presque impossible pour une petite configuration d'espérer jouer en multijoueur dans une partie impliquant un grand nombre d'équipes contrôlées par l'ordinateur.
Warcraft 3 : Play the World ;-)
Après le succès de StarCraft, Blizzard se devait de franchir un nouveau cap avec cette troisième version de Warcraft. L'ajout d'une quatrième race en fait partie mais la principale nouveauté, outre les éléments déjà inclus dans le jeu solo, est constituée par la liberté de composer des parties par équipe variées. A six joueurs, on peut aussi bien créer un "Free For All" qu'un 2 x 2 x 2 qu'un 3 x 3, voire même qu'un 2 x 4 ou un 1 x 5 et ce en mixant les races à loisir. Les alliés en plus de partager la vision du terrain peuvent s'échanger les richesses (or et bois) ce qui amène un paramètre supplémentaire au teamplay.En multijoueur, les unités neutres jouent un rôle important en tout début de partie. Elle permettent de protéger les mines d'or, évitant du même coup les "rush". Pour prendre le contrôle d'une mine protégée, il faut disposer au minimum de quelques forces à même d'éliminer ces gardiens. Ces unités neutres prennent également la forme de mercenaires ou de marchands à qui l'on peut acheter des services moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.
Les démons vont déferler sur le monde !
Bien loin d'un Cossacks, Warcraft 3 ne permet de créer que jusqu'à 90 unités de nourriture. Sachant que certaines unités (héros, chevaliers ou catapultes) en consomment plus d'une, il ne faut pas s'attendre à des batailles dignes de la première guerre mondiale : chaque unité compte. Blizzard a décidé de limiter encore la création de larges armées défensives en mettant en place la notion d'"entretien" qui attribue une partie de l'or extrait des mines aux unités déjà en place. Il en résulte qu'à partir de 40 unités, seul 70% du précieux métal est réellement disponible et qu'à partir de 70 unités, ce taux tombe à 40%. Il faut alors parvenir à jongler entre production aurifère, construction et armée. Le jeu par Internet (Battle.net) a de son côté été vraiment peaufiné et il ne faut pas longtemps pour qu'à partir du type de partie souhaité des adversaires vous soient désignés. Si ce n'était pour tisser des liens, l'outil de "chat" intégré au jeu pourrait presque se révéler inutile.
Tout le monde ne possède pas forcément une connexion Internet permanente et ne fait pas non plus partie d'une famille nombreuse, Blizzard y a pensé. L'ordinateur est donc capable de jouer le rôle des opposants, quelque soit leur nombre et la configuration de la partie. Deux point viennent toutefois entacher cette bonne nouvelle. Il faut une machine puissante pour espérer jouer des batailles d'envergure impliquant beaucoup d'unités contrôlés par la machine et surtout l'ordinateur est beaucoup trop rapide pour la grande majorité des joueurs débutants. Les jeux de stratégie Blizzard nous ont habitué à miser sur la rapidité d'exécution, et bien les choses ne sont pas différentes avec Warcraft 3, où la vitesse est un des éléments clef.
Le nombre d'unités simultanées est limité à 12 et nous l'avons dit, il faut donc en passer par la manipulation des groupes et des sous-groupes. L'ordinateur n'aura une fois encore pas ce problème et il sera donc bien plus à son aise qu'une majorité de jeunes joueurs lors des gros affrontements. Cette difficulté est d'autant plus problématique que la campagne est globalement beaucoup plus accessible. Un joueur qui aura pris son pied sur cette campagne aura donc bien du mal à prolonger la durée de vie du soft sans en passer par Internet.
Conclusion
La campagne solo de Warcraft 3 a pour moi débuté tout doux avec comme un sentiment de trahison. Dans ce jeu qui était annoncé comme révolutionnaire, il était toujours question de construire des "barracks" et d'envoyer les "peons" au bois et à la mine. Et puis le scénario a pris le dessus... Les missions ne sont pas de simples "cartes" à terminer mais font partie de l'histoire. Ici il faut empêcher la peste de se répandre, là il faut résister en attendant des renforts pendant trente minutes. Difficile lorsqu'on a terminé une mission de ne pas se laisser tenter par la cinématique de la suivante qui se regarde comme un film de cinéma. La cinématique passée, difficile encore de ne pas poursuivre sur la mission suivante... Le contrôle successif des différents peuples redonne envie de continuer la découverte et à mon sens, JAMAIS un scénario de jeu n'avait autant porté le gameplay.Le concept du héros s'intègre parfaitement à cette campagne solo et apporte un peu de gestion individuelle à un genre qui privilégie normalement le collectif. Cela plaira a certain et en énervera d'autres. Un petit conseil à ceux qui se sont (vont se) rués(er) sur le jeu : le mode de difficulté "normal" conviendra à n'importe quel joueur occasionnel. Il ne trouvera pas les classiques difficultés infranchissables bien souvent synonymes de mise au placard prématurée du jeu. Les adeptes du RTS devront assurément s'orienter vers la campagne en mode "difficile" s'il ne veulent pas "atomiser" le jeu en quelques petits jours/nuits.
Le multijoueur m'a moins fait l'effet d'une bombe. La diversité apportée par les quatre races et leurs spécificités ne s'est pas fait au détriment de l'équilibre et c'est bien appréciable. Il semble difficile voire impossible d'en qualifier une de supérieure, la phase de béta test a parfaitement joué son rôle. Mais, et c'est peut être une question de goût, les batailles me semblent un peu trop privilégier la rapidité sur la réflexion et les rushs risquent bien de constituer encore et toujours un bon moyen de victoire.
Ne boudons toutefois pas notre plaisir. Warcraft 3 n'est certes pas LA révolution en matière de RTS, mais il apporte tout de même son petit lot de nouveautés et il faudra certainement de très nombreuses nuits avant d'en faire le tour... Dah bouh !
Second avis : Nerces
Ne boudons toutefois pas notre plaisir ? Moi j'ai quand même envie de le bouder un peu mon plaisir. Warcraft 3 n'est certes pas un mauvais jeu, mais il me semble que pour l'un des studios de développement à l'origine du genre, tout cela est un peu léger. La beauté du jeu m'apparaît somme toute assez relative. C'est un style particulier qui a bien sûr ses adeptes mais qui a aussi ses détracteurs. Il me semble en tout cas que tout le monde sera d'accord pour dire que la 3D n'apporte rien en termes de gameplay et que l'ensemble est même parfois très confus (en particulier lors des mêlées).
Les innovations se comptent sur les doigts d'une main et ne sont à mon sens pas toutes intéressantes. L'upkeep apportera certainement quelque chose entre humains mais je pense que contre l'ordinateur (seul moyen de rallonger la durée de vie d'un joueur solo), c'est surtout un handicap terrible pour les joueurs "faibles". L'aspect jeu de rôle est ridiculement développé et je ne pense pas qu'il puisse apporter quoi que ce soit au jeu une fois la campagne terminée.
Warcraft 3 possède effectivement la meilleure campagne solo qu'on ait jamais vu dans un RTS. Elle est un peu trop hollywoodienne (ceux qui auront assisté à la séquence de fin de la partie Orc sauront de quoi je veux parler), mais extrêmement prenante et relativement longue. Cela fera donc une bonne vingtaine d'heures de plaisir pour les futurs acheteurs (ce qui n'est pas mal du tout), mais l'aspect multijoueurs ne m'a pour sa part pas convaincu plus que cela et je dirais même qu'il m'a donné envie de rejouer... A Starcraft.