Depuis déjà quelques temps habitué aux jeux d'aventure très classiques, Microïds vient de recevoir un signe très favorable de la part du public avec le succès remporté par son précédent titre : l'excellent Sybéria. L'éditeur français poursuit dans cette voie avec un nouveau jeu d'aventure marqué par une certaine linéarité mais surtout par une ambiance toute particulière dans le Paris des Années Folles.
Tout en adoptant un style de jeu plus ou moins proche de ce que proposait Sybéria, Post Mortem se démarque d'entrée de jeu par un côté plus adulte et une ambiance plus oppressante. Cette histoire de meurtre, de mensonges et de rituels plus ou moins sataniques n'est effectivement pas destinée aux plus jeunes même si Microïds a tenu à rendre la partie la plus accessible possible comme nous allons le voir.
Double meurtre à l'Orphée !
Paris, années 20. La Grande Guerre est terminée depuis quelques temps et la Capitale se remet petit à petit. Gus MacPherson, détective new-yorkais reconverti, s'y est installé pour s'adonner à son autre passion, la peinture, lorsqu'il reçoit la visite d'une prétendue compatriote au moins aussi mystérieuse que l'affaire qui l'amène. Sofia Blake propose en effet d'engager le privé pour élucider une enquête que la Police semblait tenter d'étouffer : celle du meurtre de sa soeur et de son beau-frère, Ruby et Roger White.Souvent victime de rêves plus ou moins prémonitoires, mais assurément très sombres, McPherson s'était retiré pour être plus tranquille. Le manque d'argent et sa grande curiosité ont cependant vite fait de le convaincre. Heureusement pour l'intérêt du jeu, il accepte donc finalement la proposition et se lance sur la piste d'un tueur bien particulier. Le fonctionnement du jeu rappelle sans peine les jeux d'aventure dans le genre de Myst. Les décors se présentent sous la forme de tableaux en 2D très travaillés sur lequel le joueur manipule la souris à la recherche d'indices. Il faut cliquer à certains endroits pour zoomer sur une serrure par exemple, ou à d'autres endroits pour atteindre un autre lieu.
La venue de Sofia Blake aura suffit pour que MacPherson reprenne la loupe du détective.
La caméra offre alors un nouvel écran 2D sur lequel il faudra effectuer de nouveaux clics de souris. Si l'angle de caméra choisi pour certains plans est un peu étrange, ce système a l'avantage de mettre en place relativement facilement l'aspect mystérieux de l'aventure. On aurait aimé plus de précisions dans certains décors et en particulier une finesse plus importante dans des lieux comme le Bar de l'Alambic où les personnages qui ne servent pas l'action sont bien flous. Il faut en revanche reconnaître que si ce mode de déplacement décontenancera certains joueurs, il s'adapte très bien au thème de l'enquête policière et de la recherche d'indices.
Elémentaire mon cher MacPherson
La recherche d'indices constitue évidemment une part essentielle du travail d'enquêteur et vous aurez souvent à courber l'échine pour ramasser des objets capitaux pour la suite de vos investigations. Cette quête d'objets à utiliser ensuite à bon escient est l'une des deux grandes parties de l'aventure, la seconde étant constitué par les nombreux interrogatoires que vous aurez à faire passer aux différents protagonistes de l'affaire. En tout, ce ne sont pas moins de 20 personnages aux réactions très différentes que vous pourrez rencontrer.Tous sont plus ou moins impliqués dans l'affaire et auront bien sûr leur rôle à jouer. Les interrogatoires se déroulent de manière relativement simple puisqu'il suffit de choisir parmi les thèmes proposés celui qui a votre préférence et ensuite de sélectionner votre manière d'aborder le sujet (curieux, direct, confus, sympathique, charmeur...). De celle-ci et de beaucoup d'autres éléments dépendent la réaction de votre interlocuteur. Certains d'entre eux seront très serviables alors que d'autres feront au contraire preuve d'une évidente mauvaise foi... A vous de réussir à leur tirer les vers du nez !
La manière dont vous aborderez certains personnages pourra rendre votre progression beaucoup plus délicate. Il faudra donc choisir avec soin les questions qui vous trottent dans la tête car même s'il est toujours possible d'obtenir tous les renseignements, il serait dommage de devoir faire des pieds et des mains pour obtenir une information capitale alors qu'un autre témoin vous l'aurait donnée si vous aviez simplement fait preuve de plus de tact ! Ces différentes approches possibles pour chacun des témoins permettent d'ailleurs un certain renouvellement du jeu. Sans pouvoir dire que le jeu se refait plusieurs fois avec plaisir (l'intrigue, elle, ne change pas), on peut toutefois être certain que le déroulement de deux parties sera bien différent.
Investigation délicate !
La parti pris technique pourra déplaire à certains joueurs, mais comme nous l'avons déjà dit, il se prête très bien à ce genre de jeux et permet la mise en place d'une ambiance très réussie. En revanche certains aspects auraient sans aucun doute pu être améliorés. Les "tableaux" 2D qui constituent la majeure partie du jeu sont très travaillés et souvent très beaux mais on regrettera qu'ils ne soient pas un peu plus animés, un peu plus vivants. C'est d'autant plus gênant que certains d'entre eux présentent par exemple la salle principale d'un bar où se trouvent plusieurs clients. On aurait également souhaité un peu plus de finesse dans certains cas où l'ensemble donne une impression de flou un peu gênante.Quelques-uns des nombreux protagonistes de l'histoire.
Le plus gênant reste cependant l'incrustation des personnages 3D à ce monde 2D. Les différents protagonistes sont effectivement entièrement modélisés en 3D puis intégrés aux décors. Le résultat est parfois très convenable, mais dans l'ensemble, les personnages ressortent beaucoup trop. Leur animations, plutôt riches, sont parfois un peu trop caricaturales et répétitives. Il faut voir notre fin limier passer son temps à se frotter le bouc, ou Sofia Blake mettre la main devant ses yeux quand elle parle de sa soeur.
Malgré leur importance, les deux défauts que venons de décrire ne gâchent pas vraiment le plaisir de jeu. On passe assez facilement outre et ce sont deux autres problèmes beaucoup moins perceptibles de prime abord qui retiennent finalement l'attention. Il faut tout d'abord mentionner des incohérences dans le déroulement de l'enquête qui amènent certains personnages à parler de sujets que nous n'avons même pas mentionnés dans notre interrogatoire. Ces quelques incohérences rajoutent évidemment à la difficulté d'un jeu parfois un peu confus et au déroulement pas toujours facile à suivre. Ce défaut de clarté est d'ailleurs renforcé par le manque de rythme que l'on pourra parfois observer.
Le jeu n'en reste pas moins très agréable en grande partie grâce au climat oppressant qu'il parvient à mettre en place. La bande son est à ce titre digne de toutes les éloges et les voix sont particulièrement bien choisies. Les personnages ont dans l'ensemble des intonations tout à fait à propos et seul l'accent américain de notre héros surprend quelques peu (il sonne un peu trop germanique à mes oreilles). Le style de réalisation adoptée par les développeurs permet enfin de faire tourner Post Mortem sur des machines très modestes et un processeur à 600 MHz accompagné de 128 Mo de mémoire devrait s'en tirer sans problème à condition que vous possédiez une carte graphique dotée d'au moins 16 Mo de mémoire.
Rapport d'enquête
Post Mortem est un jeu d'aventure comme on en fait hélas de moins en moins. Sans parvenir à se hisser au niveau de Sybéria, il offrira tout de même un défi très intéressant aux Sherlock Holmes en herbe et, par son thème plus adulte, se destine d'ailleurs à un public relativement différent. La réalisation un peu bancale ainsi que le relatif manque de rythme risquent bien sûr de décourager toute une frange de joueurs, mais de nombreux autres devraient être happés par cette enquête à l'ambiance feutrée.Certaines énigmes proposées sont particulièrement ardues et les nombreux cheminements possibles ont provoqué quelques incohérences mais dans l'ensemble l'enquête est tout simplement passionnante... Un titre à découvrir pour se changer un peu des sempiternels doom-like !