Sam Fisher par ci, Sam Fisher par là, on peut dire qu'Ubi Soft n'aura pas ménagé ses efforts pour faire connaître son nouveau héros. Il faut reconnaître que l'éditeur français aura beaucoup investi pour développer ce titre qu'il annonce hors du commun et avec lequel il aimerait bien évidemment faire de substantiels bénéfices ! Première bonne surprise : la boîte. Ubi Soft distribue son jeu dans une boîte au format DVD, mais cette fois c'est d'un joli fourreau en carton qu'il est question. D'accord ça ne fait pas un bon jeu, mais on va dire que ça commence plutôt bien !
Metal Gear quoi ça ?
La sortie Xbox de Splinter Cell n'a pas été à proprement parler discrète et pour ne jamais avoir entendu le nom de Sam Fisher, il faudrait soit être un extra-terrestre, soit se ficher du monde du jeu vidéo comme de sa première culotte : dans un cas comme dans l'autre il y a peu de chances que vous fassiez partie du lectorat de Clubic et nous allons donc partir du principe que Splinter Cell ne vous est pas inconnu. Estampillé "Tom Clancy", Splinter Cell rompt avec la routine de ces jeux en proposant un titre nettement plus proche du fameux Metal Gear Solid 2 de la Playstation 2. Solid Snake cède la place à Sam Fisher mais le concept reste assez proche.Employé par la National Security Agency, Sam Fisher inaugure une toute nouvelle unité d'intervention destinée à opérer à l'étranger afin de résoudre certaines crises internationales de manière plus ou moins brutale. Exclusivement solo, Splinter Cell vous permet d'incarner ce héros au cours d'une campagne de neuf missions. Oui, vous avez bien lu, seulement neuf missions. Reconnaissons d'ailleurs tout de suite qu'il s'agit là d'un des principaux défauts du jeu : il est plutôt court et un joueur très expérimenté viendra à bout du mode difficile (il y a deux niveaux de difficulté) en dix heures de jeu. C'est évidemment un défaut important, mais il est hélas commun à la plupart des bons jeux et nous allons justement voir que, malgré cela, Splinter Cell vaut vraiment le détour.
Les prouesses physiques de Sam Fisher sont soulignées par une animation presque parfaite.
Papa, c'est où la Géorgie ?
Vous faites pour votre part connaissance avec Sam Fisher à l'aide d'un petit didacticiel qui s'apparente à un parcours d'entraînement militaire. Vous y apprenez à manipuler le petit gars et remarquerez d'ailleurs rapidement l'étonnante richesse de mouvements qui composent les attitudes du beau gosse. Sam Fisher peut marcher debout (non, tu déconnes ?) ou accroupis, sauter et faire des roulades, rester suspendu à une corniche ou se déplacer sur toute sa longueur. Il peut également courir (c'est un sportif le mec !) et dispose de cinq vitesses différentes pour ses évolutions, vitesses réglables très simplement avec la roulette de la souris. Sam Fisher peut également se coller contre un mur pour passer dans des "couloirs" très étroits. Il peut aussi grimper sur à peu près tout ce qu'il rencontre et y rester accroché (grillages, câbles, canalisations...). Luxe ultime, Sam Fisher peut enfin descendre en rappel le long des parois les plus abruptes et se la jouer "aware" (Jean-Claude Van Damme inside) en exploitant un double saut qui lui permet d'atteindre des endroits très élevés (c'est Jordan maintenant ?) mais aussi et surtout de faire le grand écart entre deux parois relativement rapprochées pour rester à l'abri des regards et surprendre ses adversaires !
Ces facultés, à mi-chemin entre la gymnastique et la danse classique (Patrick Dupont n'a qu'à bien se tenir), permettent à Sam Fisher d'être à l'aise en toutes circonstances et ce ne sera pas du luxe pour faire face à la variété de situation auxquelles il sera confronté. C'est ainsi que le joueur est par exemple amené à infiltrer le plus discrètement possible une ambassade. Dans ce genre de missions, les ordres, très stricts, sont formels : il ne faut tuer personne. Sam Fisher peut heureusement compter sur d'autres moyens pour accomplir les objectifs. Il peut par exemple choisir de rester totalement invisible en passant le plus silencieusement possible à côté des gardes, en utilisant les conduites d'aération pour éviter une salle de repos bondée ou encore attirer l'attention des patrouilles de l'autre côté de la pièce en lançant une bouteille ou un ballon de basket (ça y est le syndrome Jordan qui reprend). A contrario, il est parfois possible de jouer la mission façon John Rambo mais il faudra alors avoir une parfaite maîtrise du "headshot" (tir en pleine tête) car les soldats ennemis ne vous rateront pas eux !
Un équipement conséquent et surtout très original !
Sam, t'as quoi dans ton sac ?
Ces nombreux gadgets donnent tout son sens au jeu et il sera toujours préférable de les exploiter plutôt que de se lancer dans un combat. Mais les développeurs sont allés encore plus loin grâce au fusil multifonctions. En apparence simple fusil d'assaut automatique, le SC20K permet en fait d'utiliser une ribambelle d'accessoires tous plus pratiques les uns que les autres. A la place de tirer les classiques munitions 5.56mm, on peut en effet l'équiper de "shockers" afin de se débarrasser des gardes sans les tuer (une décharge électrique les rend inconscients). Les balles assommantes ont la même fonction mais sont moins efficaces (en particuliers avec certains soldats bien protégés). La caméra de diversion est sans doute l'une des moins utiles mais sa soeur dite "d'exploration" est très pratique pour découvrir des zones encore inaccessibles. Enfin l'intérêt des grenades fumigènes est à peu près aussi évident que celui des grenades explosives !
L'utilisation de ces différents gadgets ne tombe pas toujours sous le sens et nous saluerons donc la clairvoyance des développeurs qui ont intégré un dernier outil : la montre ordinateur réglementaire de la NSA en 2004. Elle permet de prendre connaissance des objectifs de missions, de noter différentes informations relevées sur le terrain ou d'obtenir une carte des lieux. Elle offre surtout un petit guide d'utilisation pour chacun des accessoires ! Avec ça, impossible de se planter ! Dans le sac à malices de Sam Fisher enfin nous trouvons l'outil qui fait fureur dans les jeux d'infiltration : la lunette de vision nocturne / vision thermique. Grâce à elle, on voit aussi bien de jour que de nuit et les vapeurs épaisses ne risquent pas de vous arrêter. Ultime raffinement : les parois les plus fines ne pourront même plus dissimuler vos agresseurs potentiels.
Une vraie réussite technique
Splinter Cell dispose d'une aventure intéressante, de petites surprises régulières pour relancer l'intérêt et offre aux joueurs une variété d'actions rarement atteinte, Si c'est déjà suffisant pour faire un grand jeu, les développeurs ne se sont pas contentés de cela. Il fallait en effet que Splinter Cell puisse servir de vitrine technologique pour la Xbox de Microsoft ! Les gars de chez Ubi Soft Montréal ont donc mis le paquet sur les effets graphiques, sur les animations et sur l'ambiance sonore afin de nous offrir une expérience vraiment efficace.On ne peut tout d'abord qu'être un peu déçu face aux textures du jeu. Elles sont certes réussies mais finalement pas plus que ce que l'on peut voir avec Unreal 2, Hitman 2 ou d'autres titres récents. On remarque par contre très rapidement le soin incroyable apporté aux détails. Pour une fois lorsque vous regardez un ordinateur sur un bureau, vous pouvez voir les câbles, le clavier, la souris et même avoir un petit aperçu du système d'exploitation utilisé ! Les bureaux des différents employés sont toujours bien garnis et les intérieurs se ressemblent assez rarement. Ces "détails" permettent de se plonger beaucoup plus rapidement dans le jeu et l'ambiance en profite évidemment. Les animations des différents personnages sont presque parfaites. On regrettera bien sûr que les ennemis marchent de la même manière sur un sol plat ou dans un escalier, on regrettera aussi qu'ils restent parfaitement raides même si leur corps est en grande partie dans le vide mais voir se déplacer Sam Fisher puis le voir se saisir d'un adversaire dans le dos est un tel régal ! Les bruitages et la musique ne sont pas en reste et soulignent à la perfection les actions de votre personnage. Lorsque Sam Fisher est repéré, la musique devient carrément stressante et on prend soin de surveiller les bruits de pas ou les discussions avant de visiter une nouvelle pièce. Précisons d'ailleurs que les voix (le jeu est entièrement en français) sont très réussies même si j'ai toujours un peu de mal lorsque Daniel Berreta double quelqu'un d'autre qu'Arnold Schwartzenegger.
Unreal 2 nous avait déjà impressionné par sa gestion des ombres dite dynamique, mais Splinter Cell va encore plus loin et les éclairages agissent tout le temps sur l'environnement. Il faut voir l'ombre de Sam Fisher lorsqu'il grimpe sur un grillage ou celle d'un garde s'allonger sur le mur à mesure qu'il s'approche de vous. Mention particulière enfin pour certains effets visuels absolument fantastiques. Les flammes tout d'abord font parti des plus réussies jamais vues dans un jeu. Si leurs mouvements sont un peu bizarres, l'impression d'incendie dans les immeubles est proprement saisissante : on en viendrait presque à composer le 18 ! Plus délirants encore sont les deux effets disponibles lorsque vous utilisez la vision nocturne ou la vision thermique. Les développeurs ont alors appliqué des filtres graphiques qui non seulement remplissent très bien leur rôle, mais permettent encore de profiter de la qualité graphique du jeu. Heureusement me direz-vous car avec certaines missions on les a sur les yeux 90% du temps !
Les effets des visions de nuit et thermique : saisissant !
Le temps des regrets
Se pose aussi la question de la "rejouabilité" d'un tel titre. Très linéaire dans son déroulement, Splinter Cell ne permet pas au joueur de découvrir beaucoup l'univers qui l'entoure. Si pendant le jeu cela ne pose aucun problème tant le rythme est soutenu, il en va tout autrement une fois le jeu terminé une première fois. Reconnaissons alors que le seul intérêt est de le finir différemment : si vous étiez plutôt "rentre dedans", pourquoi ne pas essayer la méthode douce, alors qu'au contraire les as de l'infiltration tenteront sûrement une approche "bas de plafond". La durée de vie n'en demeure pas moins LA faiblesse de Splinter Cell.
Techniquement le jeu est très efficace mais les puristes ne pourront s'empêcher de regretter certains défauts. Citons en premier lieu les vidéos : elles sont tout simplement affreuses avec leur pixélisation outrancière ! Si les animations des personnages sont assez exceptionnelles, on ne peut pas en dire autant de la modélisation des visages. Ils manquent certes de détails mais il faut vraiment n'avoir que ça à faire pour le remarquer : en général si vous voyez leur visage, c'est que vous êtes mort dans la seconde qui suit ! On regrettera également que la mission sur la plate-forme pétrolière soit à ce point ratée. Elle est très courte (30 minutes montre en main), très facile (il suffit de suivre un type et de tuer un à un les membres de son escorte) et finalement inintéressante. Enfin, remarquons le manque de réalisme de certaines situations. Le bâtiment de la CIA à Langley n'est gardé que par une seule sentinelle ? Il y fait aussi noir que dans un four et les gardes y patrouillent pourtant sans torche ? Nous ne pouvons pas choisir l'équipement à emporter pour une mission et devons donc faire avec les deux pauvres grenades fumigènes choisies par les développeurs !
Critiquons enfin les quelques bugs graphiques qui émaillent les pérégrinations de Sam Fisher. Jamais très gênants, ils restent fort regrettables, d'autant que la première mise à jour déjà disponible n'en vient pas à bout. Nous sommes exigeants, c'est sûr mais lorsque l'on tient un titre de la trempe de Splinter Cell, il est vraiment dommage de laisser traîner ce genre de coquilles. Rassurez-vous, ce n'est toutefois pas ça qui risque de gâcher votre plaisir d'autant que malgré sa qualité graphique, Splinter Cell n'est pas aussi gourmand qu'on aurait pu le craindre. Il faudra tout de même compter avec un processeur à 1.2 GHz, 256 Mo de mémoire et une carte 3D 32 Mo pour jouer dans de bonnes conditions, mais avouez que ça aurait pu être bien pire !
Les graphistes s'en sont vraiment donné à coeur joie, malgré des visages manqués.
Mission accomplie ?
Après avoir tâté le terrain des jeux d'action à la première personne avec la série Rainbow Six, on peut dire qu'Ubi Soft vient de réaliser ici un coup de maître. Déjà très réussi sur Xbox, on peut en effet dire sans trop se tromper que la version PC des aventures de Sam Fisher est un titre que tout joueur digne de ce nom doit avoir dans sa ludothèque. Bien sûr, il est toujours possible de ne pas accrocher à un jeu beaucoup plus orienté infiltration qu'action, mais vraiment ce serait faire preuve d'un manque certain d'ouverture.Splinter Cell est un plaisir de tous les instants. Ses missions sont variées et permettent de mettre en pratique de très nombreuses techniques. Sam Fisher dispose d'une foule de gadgets qui en font un espion tout à fait exceptionnel et l'histoire, même si elle reste relativement convenue, offre quelques très bons moments. On regrettera évidemment un réalisme parfois franchement défaillant, quelques bugs inacceptables même s'ils ne gênent pas vraiment le joueur et enfin une faible durée de vie, mais le plaisir de jeu est présent comme rarement dans un jeu vidéo. Alors si je n'ai qu'un conseil à vous donner ce serait de télécharger rapidement les deux démos disponibles sur Clubic afin de voir un peu de quoi il retourne.
Dernière chose : bravo aux développeurs d'Ubi Soft Montréal pour leur second degré... Il est rassurant de voir un peu d'humour après la "leçon de propagande" donnée par Electronic Arts.