Si le jeu vidéo puise abondamment son inspiration du côté du cinéma, les adaptations "littéraires" sont nettement moins courantes. L'arrivée d'une bande dessinée au scénario aussi riche et foisonnant que XIII ne pouvait de ce fait laisser insensibles les amateurs de sensations fortes que nous sommes. Si en plus on ajoute que les dernières productions en matière de jeu d'action à la première personne ne faisaient pas dans l'originalité débridée, l'aventure "cell-shadée" de cet amnésique semblait XIII intéressante...
Une B.B.B.S. (Bien Belle Base Scénaristique)
Adepte ou non de bandes dessinées, il n'est pas possible de complètement dénigrer l'oeuvre de Vance et Van Hamme. Actuellement divisée en quinze volumes, cette pièce majeure est dotée d'un scénario bien construit et suffisamment riche pour que les développeurs du jeu vidéo aient de la matière ! En réalité, ils ne se sont d'ailleurs servi que des cinq premiers volumes pour réaliser l'adaptation vidéo-ludique de la bande dessinée belge. Cinq volumes qui n'auront été utilisés que pour offrir une trame de fond car même si certains événements se retrouvent presque trait pour trait, les développeurs ont dans l'ensemble pris de nombreuses libertés avec l'histoire de Vance et Van Hamme... Les puriste sont prévenus ! Notre aventure débute par la découverte d'un corps inanimé sur une plage. Mais alors que dans la bande dessinée c'est un couple de personnes âgées qui récupèrent notre futur héros, XIII, dans le jeu c'est une jolie naïade tout juste échappée d'un épisode d'Alerte à Malibu : nettement plus glamour comme situation ! La trame scénaristique reste cependant la même et ce XIII, vous donc, est à peu près aussi paumé que dans la bande dessinée. Sans papier ni souvenir, il n'a pour se rappeler de son existence qu'un petit tatouage "XIII" près de la clavicule gauche et pour tout bagage, une clef de la National Trust Bank... Evidemment le premier endroit auquel il va tenter de se rendre, mais, comme dans la bande dessinée, les choses ont tendance à se précipiter et à peine remis de ces émotions, des tueurs se débarrassent de la jolie jeune femme : XIII doit alors sauver sa peau et les éliminer un à un avant de trouver un moyen de transport pour rejoindre ladite banque.L'introduction reprend parfaitement l'histoire de la bande dessinée
Action à bâtons rompus !
Une grande partie de l'intérêt de la bande dessinée repose sur l'identité de XIII. Qui est-il ? Pourquoi veut-on le tuer ? Et surtout, va-t-il pouvoir répondre à ces deux questions en restant en vie ? Dans le jeu, la problématique est un peu différente dans la mesure où, FPS oblige, une dimensions action / survie est intégrée. Le joueur ne se contente plus de se demander si le héros va survivre, il doit le faire survivre. Cette dimension supplémentaire apporte évidemment beaucoup mais, et c'est le premier reproche que l'on pourra formuler à l'encontre du jeu, on perd également un peu de l'intérêt de la bande dessinée. L'aspect scénaristique de la découverte de son identité passe "au second plan" et les interludes relativement courts suffisent à peine à relancer le mystère "XIII". Le joueur est très sollicité lors des scènes d'action et n'a donc plus vraiment le temps de "réfléchir" à ce qui se passe autour de lui. Connaisseur de la bande dessinée, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour juger de cela et pour décider si oui ou non, l'action prend le pas sur le scénario mais une chose est sure : par rapport à l'atmosphère empreinte de mystère qui se dégage de la bande dessinée, le jeu est trop limité. Peut-être qu'en n'étant pas déjà au courant des différents tenants et aboutissants de l'histoire, on se prend plus au jeu de Ubi Soft ? Difficile à dire... Ne soyons toutefois pas trop négatif car XIII reste un jeu vidéo. S'appuyant tout de même beaucoup sur la bande dessinée, il offre une histoire plus intéressante que la majorité des autres titres du moment et même si la comparaison avec la bande dessinée tourne court, le travail réalisé par Ubi Soft et ses développeurs reste à saluer.De la même manière une mission consiste à trouver un fusible pour faire fonctionner un téléphérique. Mais bien sûr la station est occupée par l'ennemi et XIII doit protéger son mentor du feu adverse. Ces missions d'escorte reviennent fréquemment et permettent d'ajouter un peu à la tension que doit affronter le joueur car malgré certains passages bourrins, XIII demande beaucoup de concentration : il faut parfois prendre quelqu'un en otage, faire diversion, utiliser son grappin ou son fusil de sniper, les kits de soin sont relativement rares et, enfin, les ennemis visent assez bien (au moins au niveau le plus dur). Il faut en outre mentionner le système de sauvegardes adopté par Ubi Soft qui rajoute sa dose de tension. L'éditeur français n'a pas choisi le classique fonctionnement par "sauvegardes" des autres jeux mais plutôt un système emprunté au monde console avec des "checkpoints". Au cours d'une mission, lorsque XIII atteint certains points très précis, le message "checkpoint" apparaît à l'écran. Si le joueur perd la vie, il sera alors possible de reprendre à cet endroit là plutôt qu'au tout début de la mission. Problème, il faut tout de même penser à appuyer sur la touche de sauvegarde rapide ou bien utiliser un emplacement de sauvegarde avant de quitter la partie car le jeu ne procède à aucune sauvegarde automatique... Même lorsque la mission est réussie ! Ceux qui comme moi utilisent abondamment les touches de sauvegarde / chargement rapide (F5 / F9) en seront pour leur matricule : nombre de fois il m'est arrivé de mourir quelques secondes après le début d'une mission... Pris dans le jeu... Pression rapide sur F9 pour retourner au feu et... Misère ! Je n'avais pas appuyé sur F5 juste après le début de la mission et me voilà reparti au dernier "checkpoint" de la précédente !!!
Point de détails pour certains, l'utilisation des vignettes apporte pourtant beaucoup à l'atmosphère
Un titre "cel shiadé" ?
Ce problème d'absence de sauvegarde automatique m'est tout de même arrivé sept fois durant toute la partie solo du jeu ! Sept fois, je peux vous garantir que ça en fait des hurlements face à l'ordinateur... Plus généralement et même s'il n'est pas aussi contraignant que celui de Project IGI par exemple, le système de sauvegardes adoptée par Ubi Soft risque de frustrer pas mal de joueurs PC habitués au F5 / F9 : si on meure juste avant un "checkpoint", il faudra recommencer tout le passage et c'est parfois aussi long que difficile ! Certains joueurs apprécieront à n'en pas douter de ne pas avoir à penser aux sauvegardes mais c'est aussi une autre raison qui fait que l'on ne rentre pas autant dans l'histoire que l'on aurait pu croire. En effet, on recommence souvent certains passages (pour peu que l'on mette la barre un peu haute) et ce qui devait être une mission d'infiltration, se transforme par exemple en 1/ j'explore et regarde où sont les ennemis, 2/ je tente de passer en force, 3/ je retente de passer en force, 4/ je passe en force. Encore plus gênant quand le passage en question est interrompu par une séquence cinématique (comme les flash-backs par ailleurs si réussi) car celles-ci ne peuvent être coupées !Au niveau de la configuration nécessaire et sans doute du fait de l'emploi de l'Unreal Engine, XIII ne nous a pas semblé particulièrement gourmand malgré certains jolis effets "BD" (apparition de texte pour les explosion, les cris ou les déplacements). Notre machine de test (Pentium 4 3.2 GHz, Radeon 9700, 512 Mo DDR) n'a bien sûr pas rencontré le moindre problème pour le faire tourner de manière parfaitement fluide en 1280x1024, mais même avec une machine moins puissante, XIII doit être très jouable. Le Pentium III 700 MHz recommandé par Ubi Soft nous apparaît bien sûr beaucoup trop faible et il faudra plutôt compter sur un Athlon XP1800+ épaulé par 384 Mo de mémoire et une carte 3D GeForce 3 pour être tranquille. A noter que XIII occupe au maximum pas loin de 2.5 Go sur le disque dur du fait des quatre CD-ROM que contient la boîte. Pour les plus créatifs, un éditeur de niveau est également de la partie et, enfin, sachez qu'un mode multijoueurs a été intégré. Nous n'avons pas eu le temps de l'essayer de manière très approfondie, mais il n'offre à première vue rien de bien original (deathmatch, team deathmatch, capture the flag) à l'exception de trois modes moins habituels mais passés sous silence dans la documentation du jeu : "la faucheuse", "sabotage" et "power-up".
Entre infiltration et séquences "bourrinage" : XIII varie les situations avec bonheur
Conclusion
Que dire en substance de cette tentative originale de renouveler le jeu d'action à la première personne sinon qu'elle n'est pas totalement satisfaisante. Des qualités, le XIII de Ubi Soft en a sans conteste mais pour chacune d'entre elles, on trouve un défaut, une maladresse voire une véritable erreur de la part des développeurs. Les choix graphiques sont par exemple pleinement justifiés et contribuent pour beaucoup à donner un cachet très particulier au jeu. Non que le cell-shading soit une nouveauté en lui-même mais plutôt que XIII est le premier jeu d'action PC à en faire usage à ce point. Usage d'autant plus impressionnant qu'il est parfaitement adapté à l'atmosphère évidente que Ubi Soft a voulu recréer. Hélas, cette atmosphère toute particulière n'est, en définitive, pas totalement convaincante. Est-ce que cela tient au rythme généralement beaucoup trop rapide des missions ou aux interludes "cinématiques" trop brefs ? Difficile à dire et difficile également de dire si c'est parce que je connais bien la bande dessinée que j'ai eu un peu de mal à véritablement rentrer dans l'aventure. Durant mes heures de jeu, j'ai toujours ressenti comme une distance entre l'histoire qui m'était contée et les péripéties de mon héros.Ce relatif manque d'immersion dans l'histoire pourrait également provenir de l'utilisation du système de sauvegarde par checkpoints. Certains joueurs apprécieront de ne pas avoir à penser aux sauvegardes et d'autres au contraire s'en trouveront frustrés, c'est une affaire de goût. Mais par contre il est à peu près sûr que de devoir refaire plusieurs fois un même passage nuit à l'installation de l'atmosphère "XIII". Je critique, je critique et vous allez finir par croire que XIII ne vaut pas un clou alors que les développeurs d'Ubi Soft ont tout de même fait du bon boulot. La réalisation est impeccable et l'utilisation du cel shading pour ainsi dire parfaite. Les graphistes ont régulièrement fait usage de petits effets graphiques pour donner un aspect plus BD à l'ensemble : interjections, incrustation d'images... Enfin, les voix françaises et la bande son dans son ensemble est de grande qualité. Les scènes d'action sont nombreuses, plutôt bien conçues et surtout suffisamment variées pour que la lassitude ne s'installe pas. Pour résumer on pourrait dire que XIII accuse en fait deux défauts : un relatif éloignement de la bande dessinée qui lui fait perdre une partie de son caractère "intriguant" et un système de sauvegarde qui pourrait nourrir la frustration de nombreux joueurs.
Alors que Splinter Cell semblait plus équilibré, avec XIII Ubi Soft semble en réalité s'être un peu trop focalisé sur l'aspect technique, négligeant légèrement le "fun"... Là où Splinter Cell est un excellent titre, XIII ne récolte que la mention "bien". Un titre réussi mais qui risque bien de décevoir les amateurs de la bande dessinée qui espéraient sans doute retrouver toute la force des aventures de Vance / Van Hamme.