Il y a bien eu la double tentative d'Akella (Sea Dogs, Pirates Des Caraïbes) et Sid Meier s'apprête également à sortir un remake de son vieux succès (Pirates!) mais en dehors de ces quelques exceptions, seul Ascaron semble vraiment se prendre de passion pour cette période. Après Port Royale en 2002 et Tortuga l'an passé, l'éditeur allemand maintient sa moyenne d'un titre par an avec la sortie il y a quelques jours de Port Royale 2 qui reste fidèle au concept gestion/stratégie caractéristique de la série.
Entreprendre, construire... Conquérir
Véritable accroche marketing fièrement présentée sur la boîte du jeu, ces trois mots résument assez bien le but de tout joueur de Port Royale 2. Fraîchement débarqué aux Caraïbes en l'an de grâce 1600, vous incarnez l'un de ces nombreux marins à l'ambition démesurée, à l'ego surdéveloppé, mais à la bourse anorexique. Armé d'un navire pas très impressionnant, de quelques hommes et surtout d'une volonté inébranlable, vous aurez à cœur, tout au long de la partie, de gravir une à une les marches du succès jusqu'à devenir une figure incontournable redoutée du Golfe du Mexique à l'embouchure de l'Orénoque. La base de cet ascension, son fond de commerce si j'ose dire c'est la loi du marché, la sempiternelle théorie de l'offre et de la demande. Port Royale 2 gère ainsi quelque 19 produits qu'il faudra acheminer des zones de production aux zones de consommation pour générer un maximum de profit. Plus les marges dégagées sont importantes, plus vous vous enrichirez et cette spéculation réalisée sur le cours des matières premières vous permettra rapidement d'investir pour encore plus de bénéfices.Le commerce constitue un excellent moyen de s'enrichir sans danger : il suffit de suivre les événements importants et profiter des opportunités
L'investissement le plus évident que permet Port Royale 2 est bien sûr l'acquisition de nouveaux navires afin de transporter de plus grandes quantités de marchandises, mais nous reviendrons tout à l'heure sur les bateaux disponibles dans le jeu, car Port Royale 2 permet beaucoup d'autres choses. C'est ainsi que le joueur a la possibilité de construire différentes structures dans les nombreuses villes accessibles. Du simple entrepôt destiné à se prémunir contre les fluctuations du marché aux fabriques de cordes en passant par les plantations de maïs ou les bâtiments résidentiels, c'est plus de vingt structures qu'il est ainsi possible de construire, d'acheter ou bien même de vendre. Certains bâtiments n'ont pas de réelle valeur commerciale, ils n'améliorent que votre prestige, votre réputation, mais d'autres en revanche permettent de devenir pour ainsi dire « autosuffisant » sur certains produits. Il est ainsi tout à fait possible de faire l'acquisition de nombreuses plantations de chanvre pour ensuite construire quelques fabriques de corde et détenir un quasi-monopole.
Les mécanismes qui régulent l'offre et la demande sont assez sommaires, mais du coup facilement assimilables par le joueur. C'est ainsi que certaines villes (les plus importantes de la région) reçoivent des marchandises directement d'Europe et peuvent de fait proposer des produits manufacturés plus délicats à dénicher aux Caraïbes comme des vêtements ou du vin. En dehors de cela, c'est principalement la consommation des entreprises et personnes établies dans la ville qui va déterminer le prix d'achat dans ladite cité. Des événements particuliers peuvent cependant chambouler tout ce petit monde et faire flamber le cours de certaines denrées, c'est par exemple le cas d'une épidémie de peste ou bien de la découverte d'une mine d'or. Dans l'ensemble, le cours des principales marchandises reste tout de même assez stable. On se rend assez rapidement compte de l'influence que l'on peut avoir sur eux et il est ainsi possible de s'enrichir assez tranquillement même si cela prend du temps. Les plus pressés ou les plus courageux des joueurs auront d'ailleurs tôt fait d'exploiter d'autres voies que le commerce pour gagner leur vie.
Après le simple commerce, il faut savoir se diversifier et construire des plantations, des fabriques voire des bâtiments publics
Bombarder, aborder... Piller !
Ces autres voies, inutile de sortir de Polytechnique pour les imaginer : il s'agit bien sûr de tout ce qui se rapproche de près ou de loin de la piraterie. Au cours des XVIème et XVIIème siècles, les Caraïbes aiguisaient les appétits de nombreuses puissances colonisatrices européennes et si les Portugais se sont rapidement concentrés sur leur Brésil, Espagnols, Anglais, Français et Hollandais ont bataillé pendant des années pour asseoir leur domination sur la région. Au début d'une partie vous êtes, selon votre port de mouillage, en meilleur termes avec l'une de ces nations, mais vous ne lui devez rien du tout. Vous êtes indépendant et choisissez votre allégeance comme vous l'entendez : on peut tout à fait imaginer changer de « camp » plusieurs fois au cours d'une seule et même partie ou bien carrément jouer les « purs » et attaquer n'importe quelle nation à vue. De votre attitude avec les navires et cités d'une nation aura cependant une influence non négligeable sur le déroulement de la partie et il est donc important de faire les bons choix... Au bon moment !La réputation de votre personnage a en effet une importance cruciale tout au long du jeu. C'est cette réputation qui lui permet d'obtenir des tarifs avantageux dans les villes « amies » ou bien de décrocher des permis de construire pour les structures dont nous parlions précédemment : sans ces précieux sésames, impossible d'étendre son empire commercial ! Elle s'améliore petit à petit en fonction de vos actions et peut être séparée en deux catégories disctinctes. Tout d'abord, il y a ce qu'on pourrait appeler la « réputation commerciale » qui permet d'avoir de meilleures relations avec les nombreuses cités (de votre pays ou non) et ainsi de construire des structures. Elle progresse tout simplement avec le nombre des échanges commerciaux que vous faites avec la cité en question. À côté de cela, il y a la « réputation générale » qui elle dépend des contrats que l'on vous confie et des coups d'éclat que vous pouvez avoir accomplis de votre propre chef. C'est par exemple la capture d'un pirate demandée par un gouverneur local, le pillage de bateaux d'une nation ennemie ou bien carrément la prise de cités adverses !
Plutôt bien réalisés, les combats en mer font partie des moments les plus agréables du jeu
Pillages ou captures de cités et navires permettent de briser un peu la monotonie de Port Royale 2 puisque l'on passe alors à de petits jeux plus « arcades » censés représenter les assauts. En mer, on dirige ses bateaux de combat face à ceux de l'adversaire. On peut au choix décider de les couler ou bien de les affaiblir pour ensuite les aborder et les capturer. Selon le type et le nombre de navires prenant part au combat, vos chances de succès varient et il est évidemment plus difficile de couler une frégate lorsque l'on contrôle un sloop, que l'inverse ! En tout, Port Royale 2 compte une vingtaine de bateaux différents du galion lourdement équipé à la petite pinasse en passant par l'inoffensive flûte ou navire de transport. Sur terre, les combats sont différents et s'apparentent à un jeu de stratégie temps réel très simplifié où il suffit de diriger ses hommes en direction du fort et en évitant/massacrant les troupes ennemies. Abordages ou assauts terrestres mènent à la même conclusion : un duel au sabre contre le capitaine adverse qu'il faut bien sûr défaire pour emporter la bataille.
Fluctuat et mergitur ?
Un peu excessive, cette déformation de la devise parisienne reflète tout de même assez bien les faiblesses de Port Royale 2. Jusque-là, nous nous sommes contentés de présenter les différentes caractéristiques du jeu le plus objectivement possible, sans jamais entrer dans la critique. Pourtant, ce Port Royale 2 n'est pas exempt de reproches et le principal d'entre eux est sans aucun doute son manque absolu d'originalité. Les amateurs du premier volet ou de Tortuga ne seront pas dépaysés tant les développeurs ont recopié, presque à l'identique, le fonctionnement de ces précédents titres. Le concept des trois jeux est le même et cela ne pose aucun problème, mais, plus gênant, le fonctionnement de Port Royale 2 est calqué sur celui de ces prédécesseurs : il accumule ainsi les mêmes problèmes de lenteur, de monotonie et de répétitivité des actions. Du fait de la présence de didacticiels plutôt bien pensés, le néophyte ne devrait pas avoir trop de mal à rentrer dans le bain encore que certains problèmes de traduction rendent ces premiers scénarios d'apprentissage plus délicats (une partie du texte explicatif est souvent tronquée).De vos relations avec les différentes nations dépendent les missions que les gouverneurs pourront vous confier
Une fois ces didacticiels assimilés, il faut « voguer de ses propres voiles » et c'est à partir de ce moment là que les ennuis commencent. Tout d'abord, le néophyte regrettera régulièrement que certains éléments n'aient pas été plus abondamment expliqués, mais le manuel, très complet, vient heureusement à la rescousse. Ensuite, les tâches à accomplir sont en début de partie particulièrement répétitives. Pas assez puissant pour se lancer dans les combats, il faut faire presque obligatoirement débuter sa carrière par le commerce et l'horrible monotonie de l'achat/vente des différentes marchandises peut commencer. Évidemment, il faut chercher les meilleurs prix, constamment réajuster sa stratégie en fonction des cours du marché sur les différentes places, mais à moins d'être vraiment amateur, il me semble impossible d'accrocher à cette partie du jeu qui risque pourtant de vous occuper pendant de nombreuses heures avant d'être assez puissant et réputé pour solliciter des missions auprès des différents gouverneurs ou simplement vous lancer dans la piraterie.
Cette seconde « phase » du jeu (en fait, tout est entremêlé au cours de la partie) est plus intéressante en particulier du fait de sa plus grande variété. Qu'il s'agisse de missions commandées ou bien d'actions personnelles, les actions qu'il devient possible de réaliser apportent une nouvelle dimension au jeu : combat en mer ou sur la terre ferme, découverte de trésors ou sauvetage de naufragés, poursuite de la flotte au trésor espagnole ou capture de villes ennemies sont quelques-unes des possibilités offertes. Cela insuffle indiscutablement une certaine vie au jeu, mais interviendra hélas beaucoup trop tard pour de nombreux joueurs. Ce n'est d'ailleurs qu'après de longues heures de jeu, que les « seconds » peuvent de leur propre chef emprunter une route commerciale, vous déchargeant ainsi de la partie la moins amusante, la plus répétitive... Mais pourquoi aussi tard dans le jeu ? Enfin et malgré la variété que cela confère à la partie, certains n'apprécieront sans doute pas les combats terrestres ou les duels au sabre beaucoup trop simplistes : seules les batailles navales restent vraiment amusantes.
Le pillage rapporte beaucoup d'argent, mais attention à ne pas avoir la folie des grandeurs : la Flotte au Trésor est un gros poisson !
Conclusion
En 2002, Port Royale avait surpris plus d'un joueur du fait de son concept plus ou moins inspiré du Pirates! de Sid Meier. L'originalité du thème abordé avait rendu les joueurs relativement indulgents, mais cette indulgence ne peut hélas jouer une nouvelle fois en faveur d'Ascaron qui nous ressert pour ainsi dire la même chose depuis deux ans. D'abord avec Tortuga l'an passé et maintenant avec Port Royale 2, on ne peut pas dire qu'Ascaron se soit trop cassé la tête. L'interface est très proche de ce que nous connaissons déjà, les mécanismes de jeu n'ont pratiquement pas changé et les objectifs à poursuivre non plus : Port Royale 2 n'est en réalité qu'une mise à jour du premier volet. Une mise à jour au concept toujours aussi intéressant et à la durée de vie tout à fait correcte c'est vrai, mais une mise à jour malgré tout !Dans ces conditions, je ne vois que deux types de joueurs susceptibles d'être intéressés par Port Royale 2. Évidemment, il y a les fous furieux de gestion maritime qui n'auront sans doute aucun problème à replonger dans un monde qu'ils connaissent déjà, à repartir de zéro dans un univers qu'ils affectionnaient déjà avec Port Royale et qu'ils retrouveront ici légèrement remanié. Le second public potentiel est au contraire constitué de nouveaux venus, ces joueurs qui n'auraient jamais eu Port Royale ou Tortuga entre les mains et qu'un titre de gestion un peu aride, souvent répétitif n'effraie pas. Pour tous les autres, testez toujours la démo jouable, mais n'ayez pas trop d'espoir.
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