Après exactement dix années de bons et loyaux services, Larry Laffer a été mis au placard et Sierra s'est recentré sur des domaines considérés plus lucratifs comme les jeux d'action et autres titres de stratégie temps réel. Même si depuis environ deux ans, le « point & click » connaît un regain d'intérêt, Sierra a donc surpris tout son monde en annonçant fin 2003, la mise en chantier d'un nouvel opus à la série. Larry Laffer n'était plus au programme, Al Lowe son géniteur non plus, mais Sierra promettait de conserver l'humour décalé et raseur de pâquerettes des précédents épisodes... Face à la pléthore de jeux aussi violents que sérieux, Leisure Suit Larry : Magna Cum Laude serait-il capable de nous dérider ?
Changement de perspective... A tous les points de vue !
Dix ans et six aventures passés à draguer tout ce qui appartient de près ou de loin à la gent féminine ont eu raison de notre vaillant Larry Laffer et, comme nous l'avons précisé en introduction, il est maintenant question de son neveu, Larry Loveage. Inscrit à l'université de Walnut Log, le jeune Loveage reste toutefois très proche de son illustre ancêtre et, fée hérédité étant passée par là, notre nouveau héros est affublé du même corps ridicule, de la même tête gigantesque et du même appétit sexuel insatiable... Enfin surtout « insatié » ! Il faut dire que le petit jeunot n'a pas plus de chance que son oncle avec les femmes et la vie ne lui laisse pas souvent l'occasion de mettre à contribution son imagination on ne peut plus fertile. Une nouvelle va toutefois bouleverser sa vie de séducteur et, du même coup, notre existence de joueur : la venue, sur son campus, de la plus célèbre émission de « date » (rendez-vous amoureux en « youaissien »), Swingles. Véritable show télévisé destiné à faire trembler la fibre sexuelle des étudiants de tout le pays, Swingles propose au mâle vainqueur de choisir parmi trois beautés du campus sa dulcinée... Il n'en faut évidemment pas plus pour que Larry se mette en tête de participer à ce concours.Pour avoir la chance de participer à Swingles, Larry devra découvrir le monde et... changer de look !
Hélas, la vie est cruelle avec les anti-héros et la sexy présentatrice de Swingles, Uma, ne tarde pas à le lui faire comprendre : impossible pour notre Larry de prendre part à l'émission en raison de son manque évident de sex-appeal. Il va donc falloir que notre séducteur d'opérette prouve toute sa valeur en accumulant conquêtes et preuves d'amour ! C'est évidemment à ce moment-là que nous, joueurs, entrons en scène afin de voler au secours du malheureux Larry. Toute l'intrigue du jeu est résumée en ces quelques lignes et votre seul objectif sera d'entraîner le plus de donzelles du campus à batifoler avec ce merveilleux étalon qu'est Larry Loveage... Autant apprendre à un éléphant à jouer à la marelle me direz-vous ? Je comprends volontiers cette attitude hautement négative, mais, à dire vrai, le problème de Leisure Suit Larry : Magna Cum Laude ne se situe pas tout à fait à ce niveau. Le jeu, nous aurons l'occasion d'y revenir, reste ainsi toujours très accessible et le plus gros souci que vous aurez à surmonter pour triompher est l'ennui... Leisure Suit Larry n'est pas compliqué, loin de là même, mais il est remarquablement, terriblement, incroyablement répétitif !
Un peu, beaucoup toujours la même chose
A des années lumières du « point & click » de ses origines, le nouveau Larry repose sur un concept pour le moins simple à assimiler. Aux commandes d'un Larry tout de 3D vêtu, nous devons ainsi arpenter le (minuscule) campus de son université afin de rencontrer diverses beautés. Larry doit en effet ramener à la belle Uma des « marques d'affection » (preuves que lui aussi peut parvenir à séduire des « canons ») or ces fameuses marques sont en possession de diverses demoiselles du campus que Larry doit donc rencontrer. Ces rencontres ne se font pas tout à fait au hasard et le jeu se trouve en fait découpé en plusieurs parties qui donne chacune accès à de nouveaux lieux et de nouvelles filles... Selon un principe finalement très linéaire : on doit tout d'abord réussir avec Sally Mae (sorte de didacticiel pour apprendre les bases du jeu) pour avoir le droit de découvrir l'extérieur du dortoir principal et pouvoir tenter sa chance auprès d'Annalisa, Ione et Harriet. Une fois que l'on a décroché suffisamment de « marques d'affection », on peut aller voir Uma et ainsi débloquer d'autres zones (les rues mal fréquentées, la supérette, le dortoir des filles, la confrérie des garçons, la galerie d'art, le club de danse...), mais surtout d'autres filles (Béatrice, Morgan, Koko, Barbara Jo, Zanna...).Le problème, nous le disions précédemment, est que l'ensemble du jeu s'avère particulièrement répétitif. Chaque approche est en effet l'occasion de petits jeux d'arcade pour triompher des épreuves imposées par les belles et, ensuite, de séquences plus ou moins victorieuses. Hélas, on ne dénombre en tout et pour tout qu'une petite dizaine de ces jeux ! Les développeurs ont donc été contraints de réutiliser les mêmes ficelles un très grand nombre de fois. La plupart de ces phases arcades sont tirées de vieilles gloires du jeu vidéo des années 80 et on retrouve par exemple le principe du Dragon's Lair (avec une touche à appuyer au bon moment), celui du Simon (série de touches à répéter après l'adversaire), l'antédiluvien Pong ou le Tapper (servir quatre rangées de personnages avant que l'un d'eux n'arrive à votre hauteur). Quelques autres un tout petit peu plus originaux complètent la liste, mais ils sont finalement au moins aussi répétitifs : le t-shirt mouillé, la course-poursuite, le lancer de pièces dans un verre et, plus difficile à expliquer, celui qui pimente chaque conversation et qui consiste à diriger un spermatozoïde sur trois files afin qu'il ramasse les bonus et évite les malus.
Quelques uns des jeux disponibles, ils sont hélas beaucoup trop répétitifs... Heureusement qu'il y a Béatrice (ci-dessous) !
Ni vraiment drôle, ni vraiment sexy... Ennuyeux en somme
Les rencontres avec les différentes créatures de rêve ne se déroulent évidemment pas systématiquement dans le même ordre et pour avoir le droit d'accéder à certaines parties du jeu, certains dialogues ou certains personnages, il faut disposer d'objets particuliers, mais le canevas général de l'aventure reste malgré tout identique et on finit par s'ennuyer. De temps à autre, une répartie plutôt bien trouvée ou une situation particulièrement incongrue parvient à relancer un peu l'intérêt du jeu, mais cela ne dure que très peu de temps et on finit par enchaîner les épreuves sans vraiment réfléchir à ce que l'on fait. C'est d'autant plus vrai que les exercices sont finalement très simples, car ils ne reposent que sur l'adresse, les réflexes du joueur. A mesure que la partie avance, l'aventure n'est pas plus complexe, les objets pas plus délicats à trouver : les concepteurs ont simplement augmenté la vitesse de ces jeux d'arcade qui, de fait, donneront beaucoup de fil à retordre aux moins habitués d'entre nous. Notons d'ailleurs que le clavier ne se prête pas particulièrement aux exercices de types « Simon », qui se transformeront bien souvent en autant de massacres consciencieux de ce pauvre « 105 touches » qui n'a jamais rien demandé à personne !Mais le pire est encore à venir puisque le concept même de la série, ce mélange de sexe (plus suggéré que vraiment montré) et d'humour, est ici complètement dévoyé. L'humour tout d'abord tombe le plus souvent à plat. On note bien quelques scènes un peu plus amusantes que le reste et quelques passages à même de nous faire sourire, mais on doit le plus souvent se contenter de blagues éculées, voire de pas de blagues du tout. Le jeu sombre alors dans une succession de grossièretés que la version française n'arrange vraiment pas. Il n'y a pas la moindre finesse, pas le moindre sous-entendu : tout est dit, redit et même rabâché jusqu'à l'overdose du joueur. L'apparition de la « fée Porno » fait évidemment partie de ces surprises qui font sourire, mais très rapidement, elle n'est plus qu'un prétexte absolument inutile. Au cours du développement, les concepteurs avaient parlé de leurs sources d'inspiration parmi lesquelles on retrouvait des films franchement particuliers comme American Pie... Peut-être est-ce la raison de ma consternation et peut-être que les amateurs de ces films sauront apprécier l'humour de Leisure Suit Larry : Magna Cum Laude à sa « juste valeur »... Peut-être en effet.
A la partie aventure inexistante et à l'humour digne des Grosses Têtes, s'ajoute une réalisation technique... Non, finalement ne s'ajoute rien du tout, car si une chose doit surnager de cette déception, c'est peut-être bien la réalisation technique. Certes les voix (le jeu est en français) sont caricaturales et les modèles 3D des personnages de rencontre plutôt simplistes, mais cela donne à l'ensemble un côté cartoon qui n'est pas désagréable et ne trahit pas complètement les précédents opus. High Software n'a jamais caché ses intentions et a opté dès le début du développement pour un « tout 3D » qui n'est sans doute pas la meilleure idée. Mais, en définitive, il s'en est plutôt bien sorti d'autant que le jeu reste relativement léger et, pour une fois, la configuration minimum inscrite au dos de la boîte (processeur à 800 MHz, 256 Mo de mémoire et carte graphique 32 Mo) me semble concevable. Hélas, il ne faut pas non plus s'attendre à des miracles graphiques et notre préférence ira presque systématiquement aux mannequins de chair et de sang des planches de chargement plutôt qu'à leur représentation 3D. Enfin, pour ne pas finir sur une bonne note, critiquons justement ces incessants écrans de chargement : s'ils permettent de découvrir de jolies jeunes femmes peu farouches, ils sont beaucoup, beaucoup trop nombreux, comme pour achever le plus persévérant (pervers ?) des joueurs !
Plusieurs fins, plusieurs modes de jeu, mais rien à faire et même la fée Porno n'y peut rien : on s'ennuie
Dommage...
Inutile de vous faire un dessin, vous l'avez sans aucun doute déjà tous compris : Vivendi et High Voltage ont réussi à gâcher l'une des rares licences « humoristiques » du monde du jeu vidéo. Leisure Suit Larry : Magna Cum Laude n'a pour ainsi dire rien à voir avec les précédents volets de la saga et, globalement, c'est une belle déception. Quelques dialogues et certaines scènes feront sans doute mouche, mais il ne s'agit que de rares îlots perdus dans un océan de mauvais goût. Les développeurs d'High Voltage enchaînent sans complexe les situations les plus lourdes et les moins originales qui soient. Alors que la galerie de portraits stéréotypés aurait pu être l'occasion de franches rigolades, nous n'avons droit qu'à une succession de lieux communs rendus encore plus pénibles par l'aspect répétitif des choses. Pour faire avancer le schmilblick, les concepteurs n'ont rien trouvé de mieux que d'enchaîner les petits jeux d'arcade auxquels tout le monde a sûrement déjà joué. Encore une fois, l'idée n'était pas forcément mauvaise, mais il n'aurait fallu les utiliser que comme clins d'oeil et ne surtout pas faire reposer l'ensemble du jeu sur ces séquences qui en deviennent agaçantes.En août dernier, Vivendi a fermé les locaux de Bellevue. Ces locaux dans lesquels Ken et Roberta Williams avaient créé Sierra On-Line avec le succès que l'on connaît. Aujourd'hui, Vivendi avec la complicité de High Voltage vient de torpiller Leisure Suit Larry. Au delà des regrets, il en est un qui doit quand même bien rigoler, c'est Al Lowe dont Vivendi n'a visiblement pas voulu pour diriger les opérations... Larry méritait assurément beaucoup mieux.
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