Le principe y était pourtant redoutablement simple. Sur une carte représentant les principales îles de l'archipel japonais, le joueur devait dans un premier temps s'occuper de toutes les questions économiques afin, ensuite, d'avoir les moyens militaires suffisants pour repousser / envahir les opposants. Suffisamment riche pour nous changer les idées, la partie gestion restait malgré tout très simple, alors que l'aspect militaire mettait très fortement l'accent sur la gestion des troupes et du moral. Grisé par le succès, Creative Assembly allait nous offrir en 2002 Medieval Total War avant, cet automne, de nous initier à la Rome des Imperators... La recette est-elle toujours aussi efficace ?
Pour la gloire de Rome !
Les plus anciens d'entre nous se souviennent peut-être avec émotion d'un titre édité par Electronic Arts et développé par certains rescapés du projet Defender of the crown : Centurion Defender Of Rome. En 1990, ce jeu incroyablement novateur avait déjà posé les bases de ce qu'allait être la série des Total War, ce fameux mélange de gestion, de stratégie et de tactique militaire. Après le Japon des Shoguns et un détour du côté de l'Europe Médiévale, Rome Total War peut donc être vu comme une sorte d'hommage à ce vénérable précurseur encore qu'honnêtement, je n'en sache en fait rien du tout (NDLR : donc tu meubles ?)... Toujours est-il que Rome Total War reprend donc le canevas des précédents volets de la série, eux-mêmes inspirés du lointain Centurion Defender Of Rome. Ce canevas transposé en l'an 329 av. J.-C. nous invite à une campagne solo retraçant les débuts de l'Empire romain, alors qu'il n'était encore qu'une jeune et fragile République dirigée par un Sénat tout puissant. Un petit prologue remarquablement conçu précède la campagne solo du jeu. Ce prologue sert en fait de didacticiel et vient appuyer les nombreuses informations disponibles dans le manuel. Il permet une prise en main finalement très rapide de Rome Total War, ce qui n'est pas un mince exploit compte tenu de la richesse de son contenu.Remarquablement conçu, le didacticiel permet d'étudier un à un, tout en douceur, les très nombreux éléments de jeu
Un conseiller nous dirige tout au long de ce didacticiel afin de nous présenter chacun des aspects du jeu. C'est ainsi qu'on y apprend à déplacer ses unités sur la carte du bassin méditerranéen, à entamer quelques petites négociations diplomatiques ou bien encore à définir des priorités en matière d'urbanisation des cités. Un conseiller militaire prend même rapidement le relais pour nous expliquer les mouvements de troupes sur le champ de bataille et quelques manœuvres relativement basiques afin de détourner l'attention de l'ennemi, de le prendre en tenailles ou bien encore d'utiliser correctement ses archers. La bataille terminée, on revient à la carte principale pour apprendre encore quelques fonctions avant que notre guide annonce la fin du didacticiel. On peut alors, au choix, continuer la partie ou bien attaquer le gros morceau de Rome Total War : la campagne solo. Il est important de souligner combien cette phase de didacticiel est bien faite à une époque où les développeurs ont un peu trop tendance à faire l'économie de cette partie pourtant bien pratique pour les joueurs occasionnels. Elle permet de comprendre tous les grands principes du jeu et, ce, d'autant plus qu'Activision a particulièrement soigné la localisation française.
De l'importance de la famille
A l'époque de Shogun, certaines voix s'étaient élevées pour regretter le manque de profondeur de l'aspect gestion du jeu. Les Anglais de Creative Assembly ont visiblement entendu cet appel et depuis, cette partie du jeu n'a cessé de progresser au point de devenir aujourd'hui, sur Rome Total War, l'élément principal de la partie. Même si les batailles, nous aurons l'occasion d'y revenir, restent nombreuses, elles passent malgré tout au second plan. Le joueur doit impérativement se pencher sur les questions d'intendance pour l'emporter. Il n'était toutefois pas question pour les développeurs de nous ensevelir sous des dizaines de tableaux insipides. Rome Total War conserve ainsi l'interface tout en sobriété, clarté et efficacité des précédents opus et la carte, véritable centre névralgique de cette interface, en est le plus parfait exemple. Toute de 3D vêtue, elle représente le bassin méditerranéen, les multiples factions en présence, les différentes cités, certains lieux particulièrement importants et, bien sûr, les unités tant navales que terrestres. Tout au long de la partie, c'est grâce à cette carte que l'on peut suivre la croissance ou la chute des autres peuples et c'est bien sûr elle qui permet également de suivre les évolutions de son propre empire, ou plutôt devrais-je dire, de sa propre famille.Plus la famille est nombreuse, plus vous aurez de bras pour vos opérations... Nous n'avons hélas que rarement notre mot à dire
En fait d'Empire, Rome Total War insiste en effet beaucoup sur la notion de famille qui se trouve en définitive au cœur de toute la partie gestion du jeu. Peu importe le camp choisi en début de partie (Julii, Brutii ou Scipii), le but final est toujours d'œuvrer pour la grandeur de Rome, mais attention, pas de manière désintéressée... Loin de là même puisque le Sénat Romain, au centre de toutes les luttes de pouvoir, n'est pas avare de primes, de récompenses et autres postes tantôt honorifiques, tantôt rémunérateurs. A ses débuts, votre famille est à l'image de votre Empire. tout à fait réduite. Avec une province (et donc une unique ville) sous votre contrôle et un seul homme à même de gouverner, il faut savoir rester modeste dans les premiers temps. Cet homme, qui est de fait le chef de votre faction, peut prendre à votre guise deux casquettes : celle de général de vos maigres troupes ou bien celle de gouverneur. Le général permet de mener vos troupes sur le champ de bataille avec beaucoup plus d'efficacité, alors que le gouverneur est tout simplement indispensable pour avoir le droit de gérer directement l'économie de vos cités. Sans lui, le jeu ne vous permet de choisir que parmi quelques grandes orientations peu précises (militaire, financière, culturelle, démographique).
Trouver l'équilibre
De fait, le joueur peut ainsi se retrouver bloqué faute d'avoir assez d'hommes vaillants sous la main... Plutôt gênante, cette situation ne devrait toutefois pas se produire très souvent. Les développeurs se sont en effet arrangés pour que des événements plus positifs surviennent lors de ces moments délicats. Lorsqu'un gouverneur est en place, la gestion de la ville vous est donc dévolue et vous aurez ainsi l'occasion de lever des troupes pour organiser les défenses ou bien pour former une nouvelle armée de conquête. Vous aurez également la possibilité de construire différents bâtiments aux effets évidemment très variés. Certains d'entre eux accéléreront la croissance démographique (aqueducs, bains) alors que d'autres dynamiseront le commerce et vos rentrées d'argent (routes, forums). Un troisième groupe, enfin, permettra d'enrôler de nouveaux types de soldats ou d'améliorer leur équipement. Le joueur aura donc la lourde charge de naviguer entre ces trois possibilités de construction selon ses villes afin d'un côté de maintenir la puissance économique de sa famille, mais aussi de se donner les moyens d'une politique étrangère agressive. Les postes de gouverneur ou de général ne sont évidemment pas fixes et tout au long de sa vie, un membre de votre famille pourra très bien alterner entre ces deux positions, l'important étant toujours d'avoir les meilleurs éléments aux positions les plus critiques et éviter par exemple d'attaquer Carthage avec un commandant de pacotille !Positions sénatoriales, mouvements des troupes, gestion économique : le joueur n'a pas l'occasion de se tourner les pouces !
Depuis Shogun, la gestion économique n'est pas le seul élément à avoir progressé et les armées elles-mêmes ont beaucoup plus de possibilités. Avant de se lancer à l'assaut des ennemis, un général pourra ainsi fort bien construire des forts afin de sécuriser certaines régions particulièrement troublées, ou bien établir des tours de guet. Bien que ces options soient importantes, la finalité d'une armée reste cependant la guerre et la conquête. De ce côté-ci les progrès depuis Shogun sont beaucoup moins évidents, même si le résultat est malgré tout de très grande qualité. Globalement, on retiendra l'importance des préliminaires tactiques. Il faut savoir organiser ses troupes au mieux sur le champ de bataille, les manœuvrer avec prudence et surtout bien avoir à l'esprit les forces et faiblesses de toutes ses unités. De l'infanterie de base, à la cavalerie lourde en passant par les archers, les auxiliaires et toutes les déclinaisons de ces grandes catégories, le jeu gère un nombre impressionnant d'unités différentes et comme le moteur graphique permet d'afficher plusieurs milliers d'hommes à l'écran, il vous faudra quelques batailles d'entraînement avant de tout maîtriser. Ceci est d'autant plus vrai, que les assauts souffrent du même travers que les précédents Total War : une certaine confusion dès lors que l'affrontement passe au corps à corps.
Un peu léger en multi-joueurs
La campagne solo de Rome Total War suit ainsi son cours alternant phases plus dédiées à l'intendance et longues campagnes militaires pour, par exemple, défaire l'ennemi gaulois. La guerre n'est cependant pas toujours la seule solution pour remporter d'éclatantes victoires et de bons diplomates auront de temps à autre l'occasion de s'illustrer. On peut ainsi corrompre des troupes ou carrément des cités adverses, mais, sans aller jusque-là, la diplomatie peut s'avérer très pratique pour accélérer la phase de reconnaissance géographe ou encore améliorer le potentiel commercial de son empire. Très régulièrement, vos plans de conquêtes pourront être bouleversés par le Sénat romain qui vous confiera des missions à remplir. Tout à fait facultatives, ces dernières permettent d'améliorer votre influence auprès de la noble institution, mais aussi auprès du peuple romain. Plusieurs types de missions sont disponibles et cela peut même aller contre vos alliances actuelles : le Sénat peut par exemple vous demander de faire le blocus d'un port ami. Il est alors important de peser le pour et le contre avant de prendre une quelconque décision, sachant que comme nous l'avons dit précédemment, le Sénat récompense toujours ses loyaux sujets.Malgré un grand nombre batailles disponibles, le multi-joueurs souffre de l'absence de toute la partie gestion
Rome Total War mise énormément sur cette campagne solo pour convaincre les joueurs et il faut bien avouer qu'en plus d'être particulièrement riche et bien conçue, cette dernière s'avère particulièrement longue. La durée de vie du jeu se compte de fait en dizaines d'heures, et cela, sans même tenir compte des trois autres modes de jeu disponibles : le multi-joueurs, les batailles personnalisées et les batailles historiques. En réalité, ces trois modes ne sont pas très différents les uns des autres et permettent d'entrer dans le vif du sujet en laissant de côté l'aspect gestion. Il faut en effet savoir que si la campagne solo permet de laisser certains aspects gérés automatiquement par l'ordinateur (gestion des villes, recrutement, batailles), il est toujours mieux de tout faire soi-même : l'intelligence artificielle aussi compétente soit elle ne peut deviner la stratégie du joueur ! Batailles personnalisées et batailles historiques permettent de ne gérer que les combats. Alors que les batailles personnalisées permettent de définir à peu près n'importe quoi, les batailles historiques reprennent de manière assez précise de grands affrontements du passé : du siège de Sparte par Pyrhus d'Epire à la défaite de Crassus contre les Partes, c'est une petite dizaine de batailles qui sont ainsi disponibles.
Vae victis
Remarquable, tout simplement remarquable. Rome Total War n'est évidemment pas le jeu à offrir en cadeau au petit neveu qui vient de se casser la patte en imitant les Jackass. Trop stupide pour en saisir toute l'essence, cet imbécile aura tôt fait de jouer au frisbee avec ses amis demeurés et les trois précieuses galettes que contient la boîte. Non, laissez donc le petit Kevin jouer à Counter-Strike avec toute la subtilité qui le caractérise, déposez trois ou quatre jours de congé et laissez-vous bercer par la douce litanie du Senatus Populus Que Romanus. Rome Total War est de ces titres que je qualifie de rares. Il demande évidemment un certain investissement de la part du joueur, mais celui-ci est très rapidement récompensé au centuple par des développeurs qui se sont vraiment donné du mal pour peaufiner leur oeuvre. Depuis Shogun et Medieval, l'aspect gestion a été largement revu. Plus riche et plus complet, il le dispute maintenant aux meilleurs titres du genre que sont Europa Universalis 2 ou Victoria.Mais, moins aride et beaucoup plus clair, Rome Total War ne devrait pas décourager les amateurs occasionnels : le didacticiel est d'ailleurs un modèle du genre et la localisation française est irréprochable. Rome Total War conserve sans trop y toucher la partie tactique de ses ancêtres. L'intelligence artificielle et la réalisation graphique y ont été améliorées, mais dans l'ensemble on retrouve les mêmes petits défauts de confusion et de pathfinding que l'on déplorait par le passé. Enfin, on ne peut s'empêcher de regretter la simplification du mode multi-joueurs qui est intéressant, mais beaucoup moins que s'il n'avait pas été limité aux seuls combats. Rome Total War reste malgré ces quelques défauts un très bon titre, qui aura sa place dans toute logithèque. Merci donc à Activision et Creative Assembly qui restent fidèles à leur ligne de conduite.
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