Alors que Peter Jackson a réalisé ce que l'on pourrait appeler l'adaptation ultime de l'ouvrage de Tolkien, Le Seigneur Des Anneaux : La Bataille Pour La Terre Du Milieu se présente, pour sa part, comme le jeu vidéo ultime basé sur cet univers. Electronic Arts a mis les petits plats dans les grands et à chaque présentation, le public était impressionné par ce jeu de stratégie dont on ne retenait toutefois bien souvent que la dimension proprement hollywoodienne de la réalisation : ce véritable spectacle son et lumière qui semblait faire honneur à Peter Jackson... Est-ce à dire que La Bataille Pour La Terre Du Milieu n'est qu'une jolie coque toute vide ?
Isengard toujours le meilleur pour la fin...
Commençons si vous le voulez bien par le commencement et donc par l'installation du titre qui, DVD oblige, s'avère relativement conséquente : 3.2 Go seront en effet mobilisés sur votre disque dur. Remarquons par contre que la procédure s'avère étonnamment rapide compte tenu de la taille de l'ensemble. Une fois cette formalité accomplie, il est possible de démarrer le jeu et d'assister au défilement des logos : Electronic Arts, New Line Cinema, Intel (avec une splendide faute d'orthographe), THX... Heureusement, l'introduction arrive alors pour nous faire entrer de plain-pied en Terre Du Milieu. Cette longue séquence reprend le préambule du film de Peter Jackson et nous conte l'ultime alliance des Elfes et des Hommes qui conduisit à la première défaite de Sauron. L'introduction enchaîne alors sur la réapparition de l'Anneau Unique et la mission confiée à Frodon Sacquet : rejoindre la Montagne du Destin, en plein cœur du pays de Sauron, pour y détruire l'Anneau et libérer la Terre Du Milieu. Sympathique, cette séquence reprend nombre de scènes du premier film, cette fois « tournées » avec le moteur du jeu et le résultat met d'ailleurs en confiance !L'introduction reprend assez joliment le préambule du premier film de la Trilogie
Terminée, cette séquence laisse place à une page d'accueil absolument superbe. Tout à la fois sobre, élégante et très claire, celle-ci permet bien sûr d'accéder aux différentes composantes du jeu. Du réglage des options au générique des développeurs en passant par les modes solo et multi-joueurs, rien d'essentiel n'a été oublié. Laissons pour le moment de côté le mode multi-joueurs, pour nous concentrer sur le gros morceau du mode solo : les deux campagnes. Plus ou moins scénarisées, elles nous permettent de prendre en main l'un ou l'autre des camps à savoir les forces du Bien ou l'armée de Sauron. La campagne du Bien reprend l'histoire originelle et débute avec l'arrivée de la Communauté de l'Anneau aux mines de la Moria. Nous y incarnons les neuf membres de la Communauté (Aragorn, Gandalf...) et le seul objectif est de traverser sain et sauf les mines. Différentes créatures font barrage et quelques bonus peuvent être récupérés avant que le groupe n'atteigne le tombeau de Balin. Respectueux, les développeurs ont plutôt bien reconstitué l'attaque des gobelins, et ce, même s'il leur a fallu intégrer trois trolls des cavernes.
Une gestion simplifiée pour toucher davantage de joueurs
Après la Moria, la Communauté pénètre en Lothlorien et c'est pour nous l'occasion d'une seconde mission « didacticiel ». La Dame de la Lorien, Galadriel, est débordée par une invasion de gobelins et nous demande de lui porter secours. Il s'agit d'un prétexte pour nous apprendre à contrôler des unités « basiques » en sus de nos neuf héros : les archers elfes. Une fois cette seconde mission remportée, la campagne du Bien peut véritablement commencer et l'immense majorité des missions qui suivront se présenteront sous la même forme : l'armée du joueur (Rohan ou Gondor, mais aussi Isengard ou Mordor du côté du mal) arrive sur un territoire contrôlé par l'ennemi et l'objectif principal est d'éliminer tous les camps adverses. Cette relative simplicité se retrouve en fait dans toutes les composantes du jeu et nous montre bien la volonté des développeurs qui souhaitaient clairement proposer un jeu de stratégie accessible à tous... Alors évidemment, il fallait bien faire des concessions et une partie gestion du monde à la Rome Total War ne pouvait par exemple pas être intégrée.Les objectifs des différentes missions se devaient de rester simples à comprendre, bien sûr, mais aussi simples à mettre en oeuvre. C'est ainsi que tout l'aspect collecte / production a été singulièrement allégé par rapport aux pointures du genre. Lorsque nous débutons une mission, notre armée est située dans un des quatre coins de la carte, tout près d'un emplacement propice à l'établissement d'une base. À la manière d'Age Of Mythology, il faut des emplacements spécifiques pour construire les camps. Quatre tailles d'emplacements sont disponibles dans La Bataille Pour La Terre Du Milieu. Le plus petit ne permet que de bâtir une ferme ou apparenté alors que le second autorise l'établissement d'un avant-poste. Les deux plus gros permettent de faire des petites et des grandes bases. Chaque camp a un certain nombre de « zones de construction » qui permettent de bâtir autant de structure. La construction est d'ailleurs simplifiée à l'extrême puisqu'il suffit de cliquer sur une zone, de choisir la structure dans le cercle qui apparaît et le bâtiment s'érige en quelques secondes.
Construction de campements, choix de mission et utilisation des pouvoirs : l'aspect gestion reste très superficiel
La simplicité est toujours de mise en ce qui concerne le choix des bâtiments (huit par clan) ou la gestion des matières premières. En réalité, il n'existe qu'une seule matière première baptisée « ressources » : elle permet tout à la fois de bâtir les bases et d'acheter les unités. Pour en obtenir rien de plus facile : il suffit de construire quelques fermes (abattoirs ou scieries selon votre clan) sur différentes « zones de construction » et d'assurer leur survie. À moins d'être détruites, celles-ci généreront en effet et sans la moindre intervention du joueur des ressources que l'on pourra ensuite dépenser dans d'autres structures ou d'autres unités. Pour ces dernières, il existe une autre contrainte, celles de points de commandement. Ils définissent en fait tout simplement le maximum d'unités utilisables à la fois sachant qu'un unique groupe d'archers absorbe bien sûr plusieurs points de commandement. Ces points ne se trouvent pas sous les sabots d'un cheval fût-il du Rohan et s'acquièrent en fait à la faveur des succès : une mission rapporte un bonus en ressources, en points de commandement et en points de pouvoir.
Des pouvoirs aux effets impressionnants
Le système de récompense nous amène à voir le cas des points de pouvoir étroitement liés d'ailleurs à l'expérience des différentes unités. En effet, les points de pouvoir s'obtiennent soit en « bonus » après la réussite d'une mission, soit au fur et à mesure des unités éliminées. Alors que les unités obtiennent de l'expérience à chaque adversaire envoyé ad patres, notre camp engrange lui des points de pouvoir. Ces points servent ensuite à acquérir des... Je vous le donne en mille, des pouvoirs bien sûr ! Ces pouvoirs fonctionnent comme des sorts surpuissants capables de faire basculer une bataille (perce nuage ou pluie acide, invocation d'Ents ou de Balrog). Ils sont évidemment à utiliser avec parcimonie, car ils mettent plus de temps à se régénérer qu'il n'en faut pour tuer un âne à coup de figues molles (merci Goscinny) ! De leur côté, les unités profitent de l'expérience acquise en combat pour augmenter points de vie, puissance d'attaque et, dans le cas des héros (les neuf de la Communauté plus quelques autres comme Eowyn, Faramir...), débloquer des aptitudes spécifiques fonctionnant à la manière des pouvoirs de clan.Si dans leur majorité, les missions sont de type « escarmouche », on en trouve de temps à autre qui sortent un peu de ce cadre et qui alternent le meilleur comme le moins bon. Ainsi, revivre la bataille du Gouffre de Helm ou l'attaque de Minas Tirith est un grand moment de bonheur, alors que diriger Sam dans l'antre d'Arachne est profondément ennuyeux... Surtout que les développeurs se sont permis de réaliser une mission qui n'a plus rien à voir avec l'histoire originelle et Sam doit délivrer de nombreux soldats du Gondor prisonniers des toiles de l'énorme araignée. Globalement, les deux campagnes solo apportent beaucoup de satisfaction aux joueurs de part l'ambiance qu'elles retranscrivent : il faut dire que les développeurs ont bénéficié du soutien de New Line Cinema. Nous profitons ainsi de petites séquences tirées des films pour présenter chaque lieu et les héros, qui apparaissent sous les traits des acteurs, sont le plus souvent doublés par les voix françaises officielles. On regrettera simplement que certains ne se soient pas prêtés à l'exercice (Gandalf, Théoden).
Quelques Pippin techniques, mais nous Sauron faire avec...
Cet aspect véritablement cinématographique impressionne tout au long du jeu et à défaut de sortir de la masse des autres RTS par son « gameplay », La Bataille Pour La Terre Du Milieu se distingue, évidemment, par le thème abordé. De ce fait et compte tenu de la sortie simultanée avec le dernier DVD de la Trilogie, les développeurs n'avaient pas le droit à l'erreur. Bien que ce ne soit pas toujours l'extase, on peut globalement dire qu'ils ont fait du très bon travail. Tout d'abord, nous le disions dans le paragraphe précédent, les voix et les petites séquences des films font leur effet. Ensuite, l'interface est tout à la fois d'une grande sobriété, splendide d'élégance et remarquablement claire : même le débutant s'y retrouve en quelques clics. Enfin, au niveau des missions et donc du moteur de jeu à proprement parler, c'est plus que correct. Les décors, variés, rendent bien les différents environnements de Fangorn, du Rohan ou encore du Mordor. Les unités sont bien dessinées et les effets spéciaux qui émaillent les batailles sont superbes.Le siège de Minas Tirith est sans aucun doute l'un des grands moments de la campagne du Bien !
Il faut voir l'attaque de l'armée des Morts ou le sort explosif de Gandalf pour s'en convaincre, c'est impressionnant et de toute beauté. En revanche, il faut reconnaître que l'ensemble est assez lourd, surtout lorsque comme moi vous avez autour de 160 cavaliers pour charger sur la Porte Noire (comptez un bon XP2000+ / 512 Mo avec une Radeon 9800 Pro pour jouer en 800x600 de manière satisfaisante) ! Puisque nous en sommes revenus à quelques critiques, il est important de signaler que la relative lourdeur graphique ne simplifie pas des combats déjà brouillons et bourrins à la fois. Certains joueurs regretteront également le niveau de zoom qui ne permet pas d'avoir une vue très large des choses, alors que d'autres pesteront sur la taille des cartes souvent bien réduites. Enfin et cela rejoint la volonté de simplification des développeurs : les unités manquent singulièrement de variété. Ce défaut n'est pas trop gênant lors des campagnes solo, mais il se fait vite sentir (de même que la taille des cartes) lors de parties multi-joueurs entre habitués du RTS.
Ces défauts sont symptomatiques de la position inconfortable des développeurs. Véritablement « le cul entre deux chaises », ils ont dû faire des compromis pour plaire à tous les types de joueurs, du débutant à l'acharné en passant par celui qui voue un culte à Tolkien et à son oeuvre. De fait, les joueurs émérites trouveront le niveau de difficulté trop faible pendant les trois quarts des deux campagnes solo et, tout en se faisant cependant plaisir, ils se plaindront des missions trop répétitives ou du manque de profondeur tactique de l'ensemble. De leur côté, les amoureux du Seigneur Des Anneaux pesteront contre les choix destinés à rendre le jeu plus accessible, plus fluide, plus jouable en somme. Sans être particulièrement pointilleux, on ne s'expliquera tout de même pas la survivance de Boromir, l'intégration ratée d'Arachne ou encore le choix des « héros » du mal qui comptent un drôle d'inconnu, Lurtz, mais font par contre l'impasse sur les deux grognons que sont Grishnak et Ugluk.
Merry Christmas !
Basé sur les deux derniers films de la Trilogie portée à l'écran par Peter Jackson, La Bataille Pour La Terre Du Milieu était un projet particulièrement ambitieux qui provoquait crainte et émerveillement. Les développeurs ne s'en sortent finalement pas mal du tout en réalisant un titre qui mise tout de même beaucoup sur la magie que peut exercer le monde de Tolkien revu par Peter Jackson. De fait, si vous êtes complètement allergique à Viggo Mortensen ou que ces histoires de Hobbits vous ennuient, il me semble évidemment inutile de tenter l'aventure. Plus gênants en revanche sont les partis pris des développeurs. Partis pris qui feront le bonheur des débutants ou des joueurs occasionnels, mais qui risquent de décevoir les aficionados du genre, en particulier sur le long terme. Ces joueurs expérimentés feront sans doute avec un certain plaisir les campagnes solo, mais il y a peu de chances qu'ils bataillent sur les cartes « escarmouche ». Le mode multi-joueurs me semble également limité du fait de la taille des cartes et du faible nombre d'unités, mais, pour en être sûr, il faudra attendre encore un peu. D'un autre côté, les fans de l'univers de Tolkien prendront sans doute beaucoup de plaisir à chevaucher aux côtés d'Eomer, mais reprocheront les nombreux écarts que se sont permis les développeurs quand une simple cinématique aurait pu les tirer d'affaire.Sans parvenir à être totalement convaincant, La Bataille Pour La Terre Du Milieu ne déçoit jamais non plus véritablement. Il offre un défi intéressant, quoiqu'un peu répétitif, et permet de revivre les deux batailles les plus célèbres du roman de manière assez exceptionnelle. Son ergonomie, repensée pour être accessible au plus grand nombre, lui permet de toucher un public plus jeune que de coutume pour un jeu de stratégie temps réel sans que les habitués y trouvent vraiment à redire... Pas de doute, Electronic Arts connaît son affaire et nous propose finalement un cadeau de Noël rudement bien pensé.
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