Cette relative célébrité, les Américains de Gearbox la doivent à leur participation à des projets aussi médiatisés que Half-Life (ils ont réalisé les extensions Blue Shift et Opposing Force), Halo Combat Evolved (ils se sont chargé de l'adaptation PC) ou encore Counter-Strike Condition Zero, qu'ils ont eux-mêmes développés. En dehors de toute considération qualitative, ces titres ont tous en commun de n'être que des suites ou adaptations de jeux développés par d'autres... Se pose donc la question de leur capacité à concevoir un FPS ex nihilo.
39-45 : six ans de guerre, vingt années de jeu vidéo !
Pour leur première création personnelle, on ne peut pas dire que les petits gars de Gearbox aient fait dans l'originalité débridée. En effet, en plus de reprendre le titre d'une célèbre chanson de Dire Straits, Brothers In Arms n'est autre qu'un jeu d'action basé sur la Seconde Guerre Mondiale : un de plus serait-on tenté d'ajouter. Afin toutefois de se démarquer de l'énorme concurrence sur ce type de jeux, Randy Pitchford et toute son équipe ont décidé de mettre l'accent sur le réalisme des situations. Brothers In Arms prend ainsi le contre-pied de Medal Of Honor ou Call Of Duty et au lieu de nous faire découvrir les quatre coins de l'Europe, ils nous invitent à un petit séjour touristique « normando-normand » : évidemment c'est tout de suite beaucoup moins exotique que l'Afrique du Nord ou la Sicile ! En fait, Brothers In Arms nous place dans la peau d'un « petit » sergent de la 502ème aéroportée, Matt Baker et en 17 chapitres de jeu répartis sur 8 jours, il nous fait découvrir le débarquement sous un angle différent. L'aventure débute par les parachutages précédents le débarquement. Notre sergent et son équipe doivent ensuite sécuriser les têtes de pont avant de se rendre à Fourcarville, nettoyer quelques zones de résistance allemande et prendre la direction du sud vers Carentan. Après la prise de la ville le 12 juin, la campagne s'achève le lendemain sur la contre-offensive allemande de la colline qui donne son nom au jeu.Très réussie malgré des dialogues peu inspirés, la mise en scène emprunte beaucoup au style de certains films
Clairement inspirés par la série Band Of Brothers ou bien Il Faut Sauver Le Soldat Ryan, Brothers In Arms mise énormément sur le rendu « cinématographique » de son récit pour accrocher le joueur. Au fur et à mesure des missions, on a vraiment l'impression d'être Matt Baker et les multiples phases d'action sont régulièrement entrecoupées de séquences cinématiques destinées à mettre dans l'ambiance. Jamais hors de propos, celles-ci permettent de découvrir les différents soldats de l'escouade commandée par Baker. Chacun a une personnalité propre et les dialogues, parfois un peu clichés, rendent globalement assez bien les choses. En plus de ces petits intermèdes permettant de faire une pause au milieu des combats, les 17 chapitres sont tous précédés d'un petit intermède au cours duquel Baker parle brièvement de son groupe et de ses impressions. Si cela permet d'installer un climat qui tranche avec le côté « bourrin » de certains concurrents, on regrettera tout de même que Gearbox n'ait pas prévu d'option pour couper ces séquences lorsqu'on les a déjà vues. Toute cette mise en scène est évidemment là pour servir le côté réaliste du jeu et rendre plus humains des personnages que les Jeux Vidéo ont un peu trop tendance à transformer en surhommes.
« We're fools to make war, on our brothers in arms »
De manière générale, l'escouade de Bake se compose de deux groupes : l'équipe d'assaut et le groupe d'appui feu. Le premier groupe est celui qui se lancera plus volontiers à l'attaque des ennemis, mais il ira vers une mort quasi certaine si le second n'intervient pas pour lui prêter main-forte. Le groupe d'appui feu permet effectivement d'opérer des tirs de suppression afin « d'occuper » les troupes allemandes. Au-dessus de chaque ennemi croisé, un petit indicateur rond détermine son moral. Un tir de suppression utilisé à bon escient permet de maintenir l'adversaire caché et fait chuter son moral. Il est alors possible de tenter une manoeuvre de contournement pour le prendre à revers ou bien carrément de lancer l'assaut. Sur le papier et durant les premières missions, cet amusant schéma se vérifie, ensuite hélas on se rend compte des trop nombreuses limitations et de certaines incohérences qui rendent le tout moins intéressant. Tout d'abord, il faut bien avouer que les Allemands se laissent facilement avoir à ce petit jeu du tir de suppression / contournement. Ensuite, eux-mêmes n'utilisent jamais de tactique pour nous prendre à revers. En même temps, c'est vrai que de leur côté le sergent ne s'appelle pas Baker, mais Schultz : ça fait une petite différence ! Enfin, plus sérieusement, on se demande pourquoi aucun de nos hommes ne sait utiliser les différentes armes lourdes qui peuvent « traîner » : c'est toujours à bibi qu'il revient de jouer avec !
Alors qu'Harstock occupe les deux allemands en face de nous, mon personnage les contourne pour les ajuster sans danger !
La taca taca tac tac tiqu' du G.I., c'est d'être toujours là...
Malgré ces petites remarques, on se prend assez facilement au jeu. Le concept est dans l'ensemble assez bien maîtrisé et donne à Brothers In Arms une petite touche d'originalité qui n'est pas désagréable. D'un autre côté, l'aspect tactique des choses reste sommaire, très loin de ce que propose Operation FlashPoint par exemple. Il ne s'agit cependant pas d'une critique et permet, au contraire, de combler un manque dans la logithèque PC. En revanche, les choses se corsent dès lors que l'on creuse un petit peu. L'absence de tactique chez les Allemands a déjà été abordée, mais le problème est plus général. Certes, les soldats de Brothers In Arms font mieux que ceux de Call Of Duty, mais on reste très loin des discours de Randy Pitchford. Ici, ils resteront sans tirer alors que l'ennemi est dans leur ligne de mire et là, ils iront se placer n'importe comment derrière un mur et ne comptez pas sur les ennemis pour anticiper la moindre manoeuvre de contournement... Vous aurez dans ce dernier cas tout le temps pour les ajuster presque à bout portant ! Dans le même ordre d'idée, on regrettera l'incroyable manque de précision du tir. Les armes n'étaient évidemment pas aussi précises que celles d'aujourd'hui, mais ça va tout de même un petit peu loin et on ne peut même pas retenir la respiration de son héros pour stabiliser un peu son Parkinson latent. Au fur et à mesure des missions, on apprend à faire avec ce problème de visée, mais cela nuit tout de même pas mal au réalisme du jeu : séparés d'à peine 20 mètres, vos hommes et les Allemands peuvent ainsi échanger plusieurs salves sans qu'un seul type ne soit que blessé !Dans ce domaine, les concepteurs ont effectivement joué la carte de l'authenticité en exploitant de nombreux documents d'époque, mais la région normande n'est pas réputée pour sa diversité et rien ne ressemble plus à une ferme qu'une autre ferme ! En outre, on ne peut pas dire que le jeu impressionne vraiment par la qualité de sa réalisation. Non qu'il soit moche, mais les textures sont un peu grossières et les arêtes des polygones un peu trop saillantes. De la même manière et c'est tout à fait perceptible sur les différentes captures / vidéos, un effet de « Bloom » a été appliqué à l'ensemble du jeu. Cet effet masque certains défauts derrière un flou pas forcément du meilleur goût et donne aux différentes scènes un éclat, une lumière franchement exagérés. Puisque nous en sommes à parler technique, autant continuer dans cette voie pour parler de la bande-son qui alterne le meilleur (musiques) et le moyen (doublage), mais reste globalement très satisfaisante. L'un dans l'autre, le jeu s'avère moins gourmand qu'on ne pouvait le craindre et une machine à base d'Athlon XP 2000+ / Radeon 8500 devrait permettre de jouer dans de bonnes conditions.
Et voilà, Garnett est mort... En même temps, ça ne fait jamais que la douzième fois depuis le début de la campagne : plus fort qu'un chat ce G.I. !
Conclusion
Présenté comme tel par ses créateurs, Brothers In Arms est assurément un FPS original. Son concept basé sur l'aspect cinématographique de la mise en scène et sur le déroulement plus « tactique » des missions n'a à l'heure actuelle aucun équivalent. Gearbox est parvenu à rendre une ambiance vraiment intéressante où le « petit » sergent que l'on incarne reste à son niveau. Brothers In Arms prend ainsi le contre-pied de titre comme Medal Of Honor ou Call Of Duty, où notre personnage se transformait systématiquement en John McLane. Durant les premières missions, on découvre ainsi le système d'ordres, on manipule la carte tactique et on s'amuse finalement beaucoup à contourner les Allemands. Hélas, le plaisir de jeu est un petit peu gâché par quelques absurdités. Un peu moins bêtes que dans la majorité des FPS, les soldats font malgré tout preuve d'une certaine incohérence dans leur placement. On regrette également le manque de précision des tirs ou encore certaines limites qui transforment, par exemple, de vulgaires portes ou haies en obstacles infranchissables.Alors que l'on finit par s'habituer à ces défauts, le reste de la campagne reste moins amusant. Ici, c'est davantage l'aspect répétitif des missions qui est en cause. La tactique de contournement est amusante les premières fois, mais devient vite monotone et comme il n'en existe pas vraiment d'autre, il faut sans cesse procéder de la même manière pour progresser. Les développeurs ont bien intégré un peu de changement dans les objectifs, mais cela ne constitue que des intermèdes de courte durée. Un joueur un petit peu expérimenté devrait terminer la campagne solo en une douzaine d'heures et malgré l'originalité du jeu, il ne devrait pas avoir envie de s'y replonger tant les possibilités tactiques s'avèrent finalement limitées. Gearbox tenait là un excellent concept, mais il n'a pas vraiment su en tirer parti. Le développeur texan nous propose finalement un jeu correct, à découvrir, mais qui ne fera sans doute pas parler de lui bien longtemps.
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