Drakensang : l'Oeil Noir à l'heure du test

Jean-Marc Oliveres
Publié le 24 avril 2009 à 14h38
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Moins connu par chez nous que Les Royaumes Oubliés, l'Aventurie reste une terre très appréciée par de nombreux rôlistes papier. « Das Schwarze Auge », l'Oeil Noir en version française, est un jeu de rôle d'origine allemande imaginé en 1984 et dont la première apparition chez nous s'est faite en 1985 dans la collection des « Livres dont vous êtes le héros ». Ceci lui a valu une réputation (imméritée) de jeu de rôle pour les jeunes, alors qu'en face, le mastodonte Donjons & Dragons s'imposait comme référence. Sur ordinateur, après la trilogie Realms Of Arkania (de 1992 à 1996, ressortie en 2008), Drakensang nous propose une nouvelle incursion dans cet univers.

Des Draps en sang ? Mon œil !

Comme dans tout jeu de rôle papier, les choses commencent par la création de son personnage. En effet, même s'il est possible de recruter de nombreux autres compagnons de route ultérieurement, seul notre héros doit être défini. On regrettera d'emblée le manque de personnalisation, car cette création se limite à la classe de personnage (qui détermine automatiquement son ethnie : Semiréalmiens, Tulamide, Thorvalien, Elfe ou Nain) et à son patronyme (aléatoire ou manuel). Par contre, le choix des classes est vaste avec une vingtaine de possibilités (guerrier, mage de combat, bandit, voleur, metamage, pirate, forestier, combattant ou sapeur n'en sont qu'un faible aperçu). Un mode Expert, à réserver aux puristes de l'Oeil Noir, permet d'affiner manuellement certaines des nombreuses caractéristiques présentes dans la fiche de personnage.

Cette dernière est l'une des plus complètes qu'il nous ait été donné de voir dans une adaptation vidéoludique d'un jeu de rôle papier. Elle nous ouvre l'accès aux caractéristiques très complètes et à l'inventaire. Mais aussi aux talents (normaux, de combat, spéciaux et de mage) et aux recettes d'artisanat (alchimie, forge et archerie). Le bouton droit permet, à tout moment en cours de partie, de faire apparaître un descriptif des caractéristiques ou des talents. Cela permet de se familiariser avec les règles et les formules de calcul de l'Oeil Noir quatrième édition. Il est vrai que les règles de l'Oeil Noir sont assez complexes à assimiler et cette fiche très riche et fidèle en est le parfait exemple. Et, comme nous le verrons plus avant, chaque caractéristique, chaque talent, est exploité et ne sert pas juste à remplir l'écran de valeurs abstraites.



Notre héros créé, nous découvrons (par l'intermédiaire d'un courrier) que l'un de nos amis souhaite nous rencontrer dans la ville de Ferdok. Malheureusement, une série de meurtres mystérieux sévit et les accès à la ville sont bloqués, sauf à prouver que nous sommes dignes de confiance en trouvant des personnes pouvant témoigner de notre probité. C'est donc dans un petit village en lisière de la forêt que nous faisons nos premiers pas, discutons avec de nombreux personnages non joueur et obtenons nos premières quêtes.

En dehors de la trame principale du scénario, les très nombreuses quêtes secondaires sont assez variées. Pour ne pas lasser, leur déroulement mélange l'action traditionnelle aux moments plus aventureux où écoute et recherche d'indices permettent d'avancer jusqu'au but demandé. Par exemple, si la victime d'un meurtre avait l'habitude de donner du poisson à son chat, pourquoi ne pas tenter d'amadouer la bestiole avec du poisson pour voir quelle conséquence cela pourrait avoir. Vraiment intéressantes et bien écrites, elles en viennent presque à faire oublier la quête principale.

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Cette dernière reste très linéaire dans son déroulement et se révèle malheureusement peu palpitante. L'histoire principale nous conduira dans la ville de Ferdock, point d'ancrage de nos futures investigations. Après quelques quêtes, nous découvrons que notre destin est bien particulier et l'aventure, un peu longue à se mettre en place, débute réellement. Nous obtenons également une demeure qui nous permet d'accueillir nos futurs compagnons de route. Le monde à explorer est découpé en diverses zones comportant chacune leurs lots de quêtes. Une fois ces dernières épuisées (et la zone quittée), il ne sera plus possible d'y revenir. Ainsi, le journal garde une trace des quêtes réussies, mais aussi de celles ratées.

Advanced Donjons And Draken

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Si les premières impressions font très rapidement penser à ce bon vieux et cultissime Baldur's Gate, malgré une représentation entièrement en 3D, ou au premier Neverwinter Nights, le titre de Radon Labs propose également une interface proche des titres massivement multijoueurs à la mode en ce moment de même que quelques-uns de leurs principes. Ainsi, en bas de l'écran se trouve une barre d'action dans laquelle viendront se placer les compétences et actions spéciales, les potions et sorts utilisables en combat.

Emprunté à Baldur's Gate, un système de pause active, entièrement paramétrable, permet de faire ses choix tactiques. Les combats, avec le système de pause, se révèlent assez tactiques (il est même possible de changer son équipement en cours de combat), mais plutôt mollassons et peu impressionnants. L'intelligence artificielle de nos adversaires est assez basique et les batailles consistent principalement dans un échange de coups plus ou moins efficaces selon les valeurs de talents de chacun. La caméra suit notre groupe et il arrive assez fréquemment qu'elle soit un peu en retrait lors des affrontements, allant parfois jusqu'à réellement nuire à la lisibilité de l'action.

Malheureusement, en raison peut-être d'une trop grande fidélité aux règles et calculs de la version papier, un même affrontement peut-être une superbe victoire comme un véritable fiasco selon les lancers de dés virtuels générés par l'ordinateur. De même, une grosse partie des affrontements est basée sur les caractéristiques ; ainsi, de nombreux facteurs (comme les sorts ou les blessures) viennent les réduire. Un paramètre déstabilisant est la notion de blessures. En effet, il est tout à fait possible de mourir alors qu'il nous reste encore tout un tas de points de vie, car trop de blessures critiques ont été reçues (basé sur un test de volonté). D'un autre côté, les barres de vie et de mana se régénèrent seules avec le temps.

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L'usage des sorts est déstabilisant au début. Pas spectaculaires visuellement, ces derniers sont également peu dévastateurs, l'essentiel de leur action consiste à agir sur les caractéristiques des personnages alliés ou ennemis plus que sur les dégâts occasionnés. À noter enfin de gros soucis de pathfinding : nos personnages se retrouvent souvent bloqués ou à chercher leur chemin pour atteindre leur adversaire, accomplissant des mouvements inutiles ou se retrouvant coincés dans un couloir, notamment dans les lieux assez étroits.



Une fois la victoire remportée, une fouille des victimes s'impose et permet de récolter divers objets. Les animaux, quant à eux, peuvent être dépecés afin d'obtenir des objets artisanaux de qualité supérieure à de simples débris de peaux par exemple. Certaines plantes pourront être récoltées. La revente permettra d'améliorer son pécule, mais tout cela pourra être utilisé de façon plus élaborée comme ingrédients de recettes artisanales qu'il sera possible d'apprendre.

Cet apprentissage est nécessaire et obligatoire pour progresser, car ici, ce n'est pas avec les changements de niveaux que nous devenons soudainement doués pour l'attaque défensive, pour la collecte des plantes ou le crochetage des serrures. Il faut en effet trouver un Maître et dépenser ses points d'expérience gagnés par les victoires et les résolutions de quêtes. Tout l'artisanat, les compétences particulières ou l'apprentissage des sorts sont basés sur ce principe. Par exemple, impossible de dépecer un animal ou encore de récolter une plante si les talents zoologie ou herboriste ne sont pas connus. Ainsi, chaque nouvelle compétence apprise demandera aussi une attribution de points d'expérience pour pouvoir être performant.

En Aventurie, tu ries avant tuerie

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L'évolution de ses personnages est assez déroutante dans les règles de l'Oeil Noir, notamment pour des joueurs plus habitués à pratiquer celles de Donjons & Dragons ou les jeux de rôles japonais. Deux éléments sont à distinguer. Les points d'aventure qui permettent de changer de niveau une fois une certaine quantité atteinte et les points d'expérience qui peuvent être dépensés à tout moment pour améliorer ses caractéristiques ou ses talents. À chaque changement de niveau, la limite maximale des points à attribuer aux compétences est accrue.

Aucune valeur n'augmente automatiquement par défaut. Ainsi, pour accroître les points de vie, il faut attribuer un certain montant de points d'expérience de plus en plus important pour ajouter un point de vie supplémentaire. L'équilibre est donc à trouver entre talents et caractéristiques. Ce système permet de choisir un personnage de base et de le former dans la direction que nous souhaitons et non en fonction d'un archétype prédéfini et immuable. Cela oblige aussi à spécialiser ses compagnons, car tous ne peuvent pas être compétents dans toutes les disciplines.

Jusqu'à trois compagnons pourront nous accompagner dans l'exploration des divers lieux et donjons. Nombreux et à chercher un peu partout, ils possèdent tous une histoire intéressante et pour les obtenir, il faudra trouver la bonne méthode ou leur rendre service. Une fois recrutés, ils nous attendent bien sagement dans notre demeure. Certains pourront regretter l'absence d'alignement des compagnons, mais cela est inhérent aux règles de l'Oeil Noir. L'adaptation se voulant avant tout fidèle à ces règles, cet aspect n'y déroge pas.

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Les compétences de chacun sont un des éléments importants de Drakensang. Nous évoluons dans un monde vivant et cohérent qui fourmille de personnages discutant entre eux ou vaquant à leurs occupations. Un menu contextuel est affichable sur les personnages non joueurs (comme sur les créatures vaincues ou les coffres) et permet de réaliser des actions spécifiques en fonction de ses compétences, comme le vol à la tire, mais les conséquences ne sont pas trop visibles en cas d'échec (une petite remontrance et on continue à discuter comme si de rien n'était). De même, il est possible de crocheter un coffre devant son propriétaire sans que ce dernier ne s'offusque le moins du monde de la chose. Durant les dialogues, ces capacités permettent d'obtenir des choix supplémentaires comme l'intimidation, la corruption ou la persuasion.

Techniquement, Drakensang est visuellement très agréable avec des environnements travaillés et vivants, aux atmosphères captivantes, aux petites animations diverses et variées très présentes. Le titre reste fluide en toutes circonstances, même au cœur des conflits (Core2 Duo E8400 3 Ghz, NVIDIA GeForce GTX 280, 2 GO RAM, Windows Vista). A noter que lors de l'installation, il nous est proposé d'installer un pack de textures haute résolution. Au niveau maniabilité, les déplacements se font en cliquant avec la souris là où nous désirons ou en utilisant le clavier et la souris comme dans tout bon MMO.

Une bonne partie des dialogues parlés sont en français, mais pas dans leur intégralité. Les voix françaises sont convaincantes, aussi bien lors des discussions avec les personnages principaux rencontrés qu'avec ceux que nous ne faisons que croiser lors de nos déplacements. La bande-son quant à elle est de bonne facture et très agréable à écouter. La modélisation des personnages est satisfaisante et permet de rendre suffisamment les expressions de nos interlocuteurs. Les animations de nos héros ainsi que celles des créatures sont assez fines et détaillées également.



Conclusion

Essentiellement basé et axé sur les talents et les principes de calcul des règles de l'Oeil Noir, Drakensang est peut-être trop calqué sur une mécanique de jeu version papier. La volonté est peut-être celle de se rapprocher le plus fidèlement possible d'une partie réelle. Le titre présente un aspect nostalgique qui plaira certainement aux amateurs de Baldur's Gate ou de Neverwinter Nights, mais risque de laisser indifférents ceux désirant plus de rythme dans un jeu de rôle sur ordinateur. Pour autant, avec un univers riche (quêtes secondaires, artisanat, nombres de compétences, etc.), un développement des personnages très réussi et une durée de vie conséquente d'une bonne quarantaine d'heures (à beaucoup plus), Drakensang est passionnant malgré son intrigue principale linéaire peu passionnante et son absence de mode multijoueurs.

Drakensang : L'Oeil Noir

6

Les plus

  • Jeu très riche
  • Développement des personnages réussi
  • Bonne durée de vie
  • Visuellement très accrocheur
  • Des lieux vivants
  • Fluide en toute circonstance
  • Musiques et bruitages

Les moins

  • Forte linéarité
  • Caméra parfois capricieuse
  • Pas de mode multijoueurs
  • Trop respectueux des règles papier ?
  • Combats brouillons

0

Réalisation8

Prise en main7

Durée de vie9




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Jean-Marc Oliveres
Par Jean-Marc Oliveres

Né deux ans après la naissance des jeux vidéo, j'en suis passionné depuis ma plus tendre enfance. j'ai commencé avec l'Atari 2600 et les Game & Watch et enchaîné avec divers micro-ordinateurs (Oric-Atmos, Amiga 500 et 1200, PC) et autres consoles (Atari 2600, PlayStation 1, PlayStation 2).

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