De plus en plus médiatisé, le rugby est toujours à la recherche d'une adaptation vidéoludique qui fasse honneur aux qualités de ce sport. Hélas et alors que le football, le hockey sur glace et le basket-ball ont droit à des titres chaque année plus aboutis, les amateurs de rugby devaient jusqu'à présent se contenter de la pathétique tentative d'Electronic Arts pour se faire quelques mêlées. S'imaginant qu'il y avait une opportunité à saisir, Ubisoft a alors tenté de se faire une place au soleil des simulations sportives et en plus des classiques licences, l'éditeur s'est offert les services d'une équipe plutôt réputée en la matière : Swordfish Studios.
Quand Ubisoft « raffûte » ses armes...
Si les simulations de rugby sont peu nombreuses, Swordfish s'est effectivement illustré en réalisant celle qui fût sans conteste la meilleure de toutes, Jonah Lomu Rugby. Hélas, depuis la sortie de ce titre en 1998, les choses n'ont pas vraiment évolué dans le bon sens et après le controversé World Championship Rugby en 2004, le retour de Swordfish était attendu avec une certaine impatience. Du côté des licences tout d'abord, il n'y a pas de souci à se faire. Le soutien d'Ubisoft a permis aux développeurs de bénéficier de quelques facilités et Rugby Challenge 2006 s'avère très complet. Plus de 100 équipes internationales sont ainsi présentes pour disputer les plus grandes compétitions du moment : Coupe du Monde, Tournoi des six nations, Tri-nations... Au niveau des clubs, le choix n'est pas moins large avec des clubs par dizaines et la possibilité de participer au Top 14. D'autres championnats sont disponibles (Angleterre, Écosse...), mais sans que les licences aient été acquises.Si la qualité graphique de l'interface est suffisante, les autres aspects du jeu auraient mérité un meilleur traitement.
L'interface n'est pas très jolie, mais elle compense largement par une clarté remarquable et, associée à la richesse de la licence, elle laisse augurer d'un jeu bien fini. Parmi les différentes rubriques proposées (mode carrière, jeu solo, multijoueurs), Swordfish n'a d'ailleurs pas oublié d'inclure l'entraînement qui permet de maîtriser les commandes. Premier regret toutefois, les développeurs n'ont pas intégré de rappel des règles. Le manuel se charge heureusement de faire un bref récapitulatif, mais il n'aurait pas été difficile de placer ça au niveau de l'entraînement. Ce dernier est d'ailleurs très sommaire et avec lui, les premières craintes apparaissent. Des craintes tout d'abord justifiées par la réalisation. Ce n'est certes pas le plus important dans un jeu vidéo, a fortiori dans une simulation sportive, mais tout de même. Jetez un oeil à nos captures / vidéos pour vous faire une idée de la chose : le rugbyman est tout joufflu, les textures sont sommaires et le décor étonnamment vide.
Au-delà de l'aspect graphique, c'est le contrôle même de l'unique joueur présent à l'entraînement qui inquiète. Ses réactions, son animation ou la gestion de ses courses : tout est assez bizarre, assez schématique. On termine malgré tout sans difficulté ce didacticiel plutôt succinct (même pas d'apprentissage des touches ?!) et le premier match peut commencer. On démarre en douceur avec un amical entre la Nouvelle-Zélande et la France que l'on décide de jouer à Twickenham (l'un des trente stades disponibles aux côtés de Lansdowne Road, Murrayfield...). Quelques secondes de chargement plus tard nous voilà sur la pelouse et, déjà, la déception est au rendez-vous. Les développeurs ont effectivement confié les commentaires à la paire Jean Abeilhou / Jerôme Cazalbou et le résultat est absolument catastrophique. Comme souvent, l'intonation n'y est pas du tout, les remarques tombent à côté et les interventions ne sont même pas liées les unes aux autres !
Et le rugby « es-talonneur » !
Ces premiers pas sur la pelouse viennent aussi confirmer les craintes graphiques formulées au moment de l'entraînement, et voir les joueurs bien en rang au moment des hymnes est tout de même assez risible. Ils sont loin de ressembler à leurs modèles et les visages sont très simplistes, mais c'est surtout la morphologie des rugbymen qui est ridicule... On essaye de se reconcentrer, car le jeu est sur le point de commencer. Dégagement des Néo-Zélandais, les Français récupèrent et tentent de construire une offensive, mais là encore, on est frappé par les faiblesses techniques du jeu. Les animations sont vraiment limitées et les joueurs courent finalement tous de la même manière, qu'il s'agisse du demi de mêlée ou d'un trois-quarts centre. Pourtant et malgré ces premières critiques, le jeu est plus prenant, l'action plus vive que dans les dernières productions Electronic Arts. Sur une mauvaise passe française, le premier regroupement a d'ailleurs lieu et on peut dire que durant quelques instants, on s'y croit.Les regroupement sont les éléments les mieux réalisés du jeu. Ils sont faciles à maîtriser, mais ne compensent pas les autres lacunes
Dans le cas d'une mêlée, il faut appeler suffisamment de joueurs pour que le pack contre celui de l'adversaire alors que si un maul se forme, la situation nécessite d'appuyer régulièrement sur une touche pour simuler la poussée. De manière générale, les développeurs ont réussi la prouesse de rendre les techniques de jeu assez simples d'accès et en quelques touches on peut réaliser une passe, une chandelle, un coup de pied à suivre... Hélas et même si ce n'est déjà pas si mal, c'est à peu près tout ce que l'on peut dire de positif du jeu, la suite n'étant qu'une longue liste de défauts plus ou moins gênants. Rugby Challenge 2006 est ainsi handicapé par des coups de pieds fantaisistes, des joueurs aux caractéristiques physiques étonnantes et un système de plaquages tout simplement... à côté de la plaque : il faut voir le trois-quarts aile stopper sa course et se vautrer par terre parce qu'un défenseur adverse, situé à plusieurs mètres, a réalisé un plaquage !
De la même manière, il ne faut pas cinq minutes avant de pester contre le système de passes à la fois surréaliste et limité, contre les regroupements trop systématiques ou contre le manque de réalisme des relances. Pour ne rien arranger, l'ambiance sonore n'est pas au rendez-vous et les possibilités tactiques sont faibles. Impossible d'indiquer quoi que ce soit aux joueurs : ils suivront les mêmes schémas, invariablement. Du coup, les parties multijoueur sont répétitives alors que les matchs en solo sont gâchés par une intelligence artificielle qui a un peu trop tendance à toujours défendre / attaquer de la même manière. Enfin et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, Rugby Challenge 2006 est entaché de divers bugs. Citons par exemple celui qui fait buter les joueurs de l'IA contre les poteaux ou, plus gênant, celui qui fait durer les parties « jusqu'à ce que mort s'ensuive ». Comme les arbitres ne peuvent siffler tant que le ballon n'est pas sorti, un match peut durer longtemps et notre vidéo « transformation » est éloquente... nous jouions alors la 177e minute !
Conclusion
Si la tentative d'Ubisoft est beaucoup plus proche des poteaux que celle d'Electronic Arts, on ne peut pas dire que la transformation soit encore pour cette fois. En l'absence d'autre simulation de rugby, on est évidemment plus indulgent et certains joueurs pourraient se contenter du travail de Swordfish Studios. On retrouve plus ou moins le rythme / l'accessibilité de Jonah Lomu Rugby, le mode carrière est un plus sympa et la licence officielle est bien exploitée. Seulement voilà, aussi intéressants soient-ils, ces éléments ne suffisent pas à faire un bon jeu et pour être tout à fait honnête, ils ne suffisent même pas à faire un jeu correct. Sans entrer dans les discussions sans fin des tenants du réalisme face aux amateurs de « l'arcade », on ne peut contester les approximations trop fréquentes des développeurs.Après seulement quelques parties, plusieurs éléments sautent ainsi aux yeux : l'ensemble s'avère très pauvre tactiquement parlant, les pénalités sont rarissimes et les mouvements des joueurs sont pour le moins schématiques. D'un côté nous avons des arrières beaucoup trop vifs, trop rapides et de l'autre, il faut faire avec des plaquages complètement surréalistes : à plusieurs mètres de distance, le défenseur parvient à plaquer un trois-quarts aile alors qu'il ne le touche même pas ! Pour ne rien arranger et même si c'est finalement secondaire, la réalisation accuse trois bonnes années de retard et quelques bugs sont à déplorer. Alors qu'Electronic Arts doit sortir dans quelques semaines son Rugby 06, il m'est impossible de conseiller le titre de Swordfish. Le mieux est encore d'attendre avant de faire son choix et d'opter, en connaissance de cause, pour le plus convaincant des deux.
N'oubliez pas de jeter un oeil à nos quatre vidéos exclusives qui vous permettent de voir plus en détail certains aspects du jeu (transformation, maul, essai, touche...).
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