Dreamfall interprétation d'un rêve

Jean-Marc Oliveres
Publié le 22 mai 2006 à 09h50
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Sorti en 2000, The Longest Journey, un jeu d'aventure point & click « à l'ancienne », avait marqué toute une génération de joueurs captivés par des personnages attachants, un scénario innovant et très bien ficelé. Six ans plus tard, nous retrouvons les mondes jumeaux de Stark et d'Arcadia. Le style a bien changé, la 3D est de mise et le mélange des genres s'installe. Le voyage sera-t-il toujours aussi long ? Le rêve risque-t-il de s'effondrer ?

Marche ou rêve

Zoë Castillo, une jeune fille de 20 ans, a arrêté ses études en biotechnologie. Désoeuvrée, elle ne sait quoi faire et se laisse vivre chez son père à Casablanca. Nous sommes en 2219, dix années se sont écoulées depuis l'Effondrement et les évènements relatés dans le précédent épisode. April Ryan, l'héroïne de The Longest Journey n'est pas revenue sur Stark, le monde de la technologie, et est restée sur Arcadia, le monde du rêve et de la magie. Depuis quelques temps, d'étranges phénomènes se produisent sur Stark, les communications se brouillent, les objets tombent en panne sans raison évidente. Alors qu'elle regarde la télé, l'image se déforme et une étrange jeune fille s'adresse à Zoë, lui demandant de trouver et de sauver April Ryan. Zoë n'y prête pas attention. Contactée par son ex-petit ami journaliste, Reza, elle accepte de lui rendre service afin de récupérer un objet. À son retour, Reza a disparu, une jeune femme est retrouvée morte dans son appartement et la police embarque Zoë. Un long voyage aux frontières de la réalité, du rêve et de la magie est sur le point de commencer.

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Zoë, April et Kian, trois destinées bien différentes qui vont se croiser et se rencontrer sur Arcadia le monde de la magie et du rêve

Dreamfall rompt complètement avec ses origines dans sa façon d'aborder l'aventure. Le point & click tant apprécié disparaît au profit d'une vue à la troisième personne, et la 2D est remplacée par de la 3D. On sent tout de suite les conséquences d'un développement simultané sur PC et sur Xbox, non pas en terme de qualité, mais plutôt en terme de jouabilité. Les déplacements et les actions des trois protagonistes principaux de Dreamfall s'effectuent soit avec le couple clavier/souris, soit à la manette. Disons-le tout de suite, le couple clavier/souris est assez pénible à prendre en main, même en passant un peu de temps à tout reconfigurer. Durant les phases de combat par exemple, il faut trois mains au moins pour réaliser les quelques mouvements d'attaque et de parade disponibles. Par défaut, la caméra se place derrière Zoë. Les déplacements au clavier sont corrects, mais bouger la caméra avec la souris est peu agréable. Par contre, après avoir pris le temps de configurer la manette, le jeu devient tout de suite très agréable et la maniabilité confortable.

Le mélange des genres ne rêve-olutionne pas le jeu

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Zoë en infiltration à la WATIcorp
Les lieux visités sont très agréables à regarder, très colorés et de nombreuses animations les rendent bien vivants. Certains paysages d'Arcadia sont tout simplement féeriques. Les atmosphères et ambiances sont magistralement bien rendues comme Casablanca avec son soleil radieux et ses ruelles très colorées, Newport avec sa grisaille et son rendu presque post-apocalyptique, sans oublier Marcuria avec son style très médiéval fantastique, ses souterrains étouffants. Certains passages arrivent à nous mettre la pression avec, par exemple, le côté glauque et délabré de certains lieux comme l'hôtel Victory de Newport (l'ancienne Border House de The Longest Journey) ou l'usine de Saint Petersbourg. D'autres, au contraire, nous offrent de grandes bouffées d'oxygène comme l'arrivée d'April dans le royaume du Gardien de l'Équilibre. Tous ces espaces sont détaillés et les développeurs ont mis au point un système pour repérer rapidement les objets et endroits intéressants, grâce à l'utilisation d'une sorte de rayon de vision avec lequel on balaye les lieux. Très pratique, son usage reste facultatif, sauf pour certains passages particuliers où son utilisation est obligatoire pour pouvoir avancer.

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Newport, hôtel Victory, Zoë en train de se battre. Ces phases de combat sont brouillonnes, mais heureusement certaines peuvent être évitées, d'autres non...


Afin de se démarquer encore plus du précédent épisode, Dreamfall mêle à l'aventure des phases de combat et d'infiltration. Autant l'idée a le mérite d'exister, autant sa réalisation est loin d'être satisfaisante. Les phases de combat, très simplifiées, autorisent une attaque légère, une lourde, et une parade. Les réactions sont lentes et la combinaison des actions possibles est laborieuse, rendant les combats hasardeux et surtout basés sur la chance. Au final, on se retrouve à n'utiliser uniquement que l'attaque lourde en espérant que ça passe. Il est dommage que ces phases ne puissent pas être sautées, un peu comme les séquences avec le léopard dans Paradise. Par contre, il est possible d'en éviter une grande partie, soit à l'aide des dialogues soit grâce à l'infiltration, la seconde phase implémentée dans Dreamfall. Tout comme les combats, ces phases d'infiltration sont très limitées et n'ont, au final, d'infiltration que le nom. Cela consiste principalement à se déplacer lentement tout en évitant de marcher sur des morceaux de verre ou de bousculer des caisses. Cela sert surtout à arriver discrètement derrière certains personnages ou à se cacher pour éviter des robots de reconnaissance. Rien de bien poussé là-dedans, il suffit d'être bien positionné pour être « invisible » même si la personne est en face de nous, son regard braqué dans notre direction. Ces phases, pas indispensables et à la réalisation moyenne, ont cependant le mérite de rajouter à l'ambiance et à l'immersion dans le scénario.

J'ai eu un rêve

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Zoë et une bien mystérieuse jeune fille
Ce dernier, tout comme dans le précédent opus, est particulièrement travaillé, aussi bien en ce qui concerne l'histoire et sa jonction avec l'épisode d'avant, que dans la psychologie des divers personnages interprétés ou que l'on rencontre. C'est là que la différence va se faire par rapport à d'autres jeux dans le même esprit, car une très grande part est accordée aux dialogues et au développement des trois personnages que l'on va diriger : Zoë, April et Kian. Ceux qui ne connaissent pas The Longest Journey vont être fréquemment perdus lors des rencontres avec des personnages censés leur être connus ou lors des dialogues, souvent très longs, car il n'est pas rare d'assister à des échanges verbaux pouvant parfois durer plusieurs minutes. Mais pour les autres, quel bonheur de retrouver Charlie, Emma, Marcus, Benrime Salmin (la tenancière de l'Auberge du Voyageur), le dragon blanc, Gordon (le Gardien de l'Équilibre), Roper Klacks (l'alchimiste maléfique repenti), Brian Westhouse ou même Crow, l'ex-partenaire d'April, corbeau parlant toujours aussi volubile. Si vous ne vous intéressez pas à l'histoire de fond dans un jeu ou si les longues périodes de dialogues vous ennuient, passez votre chemin. En effet, certains passages ne sont là que pour développer la trame principale sans que l'on ait véritablement à jouer, les seules actions consistant à se déplacer pour rencontrer une personne et lui parler.

Après un petit temps d'adaptation nécessaire au début du jeu, Dreamfall est rapidement pris en main et ne nous oppose pas une très grande résistance quant à la résolution des énigmes. Ces dernières ne sont pas nombreuses et reviennent régulièrement dès qu'il s'agit de forcer un système de sécurité. Cette relative facilité se ressent jusque dans l'inventaire, où seulement six emplacements sont disponibles, et dans le système de sauvegarde automatique (très bien pensé et discret). Mais là où Dreamfall nous plonge complètement dans son histoire, c'est dans la manière d'aborder les nombreuses embûches. Il est courant d'avoir plusieurs façons de se sortir d'une situation délicate : soit par la force, soit par la ruse, soit encore en utilisant l'environnement (comme se faufiler aux yeux et à la truffe d'un chien en se déplaçant uniquement quand un train dissimule les bruits que l'on peut faire ou utiliser des cailloux pour détourner l'attention d'étranges créatures gardiennes). Mais je n'en dirai pas plus. Il est cependant dommage que le rythme du jeu soit beaucoup trop haché en raison des chargements très fréquents. Le monde est découpé en une multitude de petites zones, ce qui entraîne de nombreux chargements dès que l'on passe de l'une à l'autre. De plus, de très nombreuses cinématiques, réalisées avec le moteur du jeu, déroulent le scénario et provoquent aussi un chargement.

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Ambiance futuriste, souterrains étouffants ou paysages enchanteurs, cette variété nous émerveille et nous enchante

Un des points forts de Dreamfall réside en sa bande sonore. Les bruitages sont très nombreux et variés, ils tiennent bien compte des divers lieux et environnements visités. Les musiques sont somptueuses et collent à la perfection avec ce qui se passe à l'écran. Les thèmes sont envoûtants et j'avoue avoir versé une petite larme en écoutant le morceau de piano à la fin. Le doublage est un des meilleurs que j'ai pu entendre à ce jour, certains doubleurs étant les même qu'au premier épisode. On sent bien qu'ils croient en leur personnage et à l'histoire. Attention cependant, ici pas de langage châtié ! Les termes et expressions un peu crus ne nous sont pas épargnés, tout comme certains thèmes abordés qui ne sont pas forcément destinés à un jeune public.

Conclusion

Dreamfall est clairement pensé comme un film, avec un découpage en plusieurs séquences alternant chacun des protagonistes, les faisant se croiser puis se rencontrer. D'avoir joué à The Longest Journey aide énormément à entrer dans l'histoire, mais n'est pas indispensable pour apprécier pleinement ce titre plein de magie et de rêve. Il ne faut pas aborder Dreamfall uniquement par son côté technique et sa réalisation, qui sont très corrects. Il faut s'imprégner de son scénario captivant et de ses personnages attachants pour vivre une formidable aventure. La progression se fait rapidement, mais, malgré tout, comptez une bonne vingtaine d'heures avant d'en voir la fin. Passer outre les dialogues revient à se priver d'une grande partie de l'intérêt de Dreamfall. On pourra effectivement lui reprocher sa relative facilité, ses phases de combats peu intéressantes ou celles d'infiltration plutôt moyennes, mais ce n'est pas ce qui enlève au charme évident présent au cœur de cette intrigue. Dreamfall est un rêve éveillé bien agréable.

Dreamfall The Longest Journey

6

Les plus

  • Le scénario captivant
  • Le doublage parfait
  • Les musiques merveilleuses
  • Les lieux détaillés, colorés et vivants

Les moins

  • Les phases de combat et d'infiltration
  • Les chargements très fréquents
  • Très peu d'énigmes
  • Prise en main délicate au début

0

Réalisation7

Prise en main7

Durée de vie8



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Jean-Marc Oliveres
Par Jean-Marc Oliveres

Né deux ans après la naissance des jeux vidéo, j'en suis passionné depuis ma plus tendre enfance. j'ai commencé avec l'Atari 2600 et les Game & Watch et enchaîné avec divers micro-ordinateurs (Oric-Atmos, Amiga 500 et 1200, PC) et autres consoles (Atari 2600, PlayStation 1, PlayStation 2).

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