Respectivement en 1989 et 1991, SimCity et Civilization ont complètement révolutionné la gestion sur ordinateur. Dehors les interminables pages de chiffres, les interfaces laborieuses et les réalisations on ne peut plus sommaires. Maxis et Microprose prouvaient alors avec brio qu'un jeu de gestion n'était pas forcément synonyme de grisaille et, bien sûr, les deux références ont fait des dizaines de petits. De clones en suites à répétition, jamais un seul de ces descendants n'avait cependant essayé de marier le meilleur des deux mondes... Enfin, jusqu'à ce que FireFly se penche sur la question et se lance dans la conception de CivCity Rome.
CivCity Rome : un jeu du voyage ?
Si comme nous le soulignions en introduction, tout a été fait pour que le client potentiel s'imagine un jeu à mi-chemin entre Civilization et un SimCity antique, il est important de préciser d'emblée que CivCity Rome n'a finalement que très peu de points communs avec l'illustre titre de Sid Meier. Le logo Firaxis apparaît bien au chargement du jeu, mais c'est bel et bien Firefly qui s'est chargé du développement et le studio s'est bien davantage orienté vers un city builder de facture assez classique. Comme son nom le laisse supposer, CivCity Rome nous invite à bâtir une cité à l'époque de l'Empire romain. Pour parvenir à son objectif qui est, grosso modo, d'établir la ville la plus moderne, la plus grande et la plus riche possible, le joueur devra faire avec une donnée essentielle : les besoins de sa population.Le jeu s'ouvre sur une Civilopédie un peu simpliste qui n'est pas sans rappeler la série Ainsi vivaient les hommes
En début de partie, la carte est vierge et il faut construire un forum, pierre angulaire de la cité. Ce forum accueille tous les visiteurs qui souhaitent s'installer dans la ville. Il faut alors leur trouver travail et logement en échange de quoi, ils exercent une profession utile à la cité et payent des taxes liées à la taille de leur demeure. Pour les joueurs que nous sommes, une cabane est beaucoup moins rémunératrice qu'une villa, cela dit, les besoins non plus ne sont pas les mêmes. Une cabane se contente d'être proche d'un puits, alors qu'une « grande masure » a besoin d'eau, de viande, de pain, de tuniques, d'huile d'olive et d'un lit. Mais ce n'est pas tout, car il faut aussi qu'elle soit à proximité d'un temple, d'un théâtre et de thermes... Imaginez les besoins d'un palais, dernière d'une longue série d'habitations toujours plus exigeantes.
Tant que ces besoins ne sont pas satisfaits, inutile d'espérer voir prospérer la cité : elle restera « primitive ». Pour évoluer, il faut donc bâtir des structures toujours plus complexes telles que plantations de lin, boucheries, aqueduc, thermes, hôpitaux, amphithéâtres, j'en passe et des meilleures. Ensuite, il est important de bien organiser les choses, car il faut savoir qu'une habitation a un « rayon d'action » relativement réduit. Il faut donc que votre population puisse trouver tout ce dont elle a besoin proche de son lieu de résidence. De la même manière, pour qu'un tisserand ne perde pas trop de temps à récupérer sa matière première, il faut construire son atelier le plus près possible des plantations de lin... sans pour autant qu'il soit trop éloigné d'habitations, sinon personne ne voudra prendre ce job !
Évidemment, une bonne infrastructure passe par des bâtiments proches les uns des autres, mais aussi et surtout par une voirie efficace. Il ne faut pas négliger les routes et ne pas oublier les progrès technologiques. Seul véritable emprunt à Civilization, l'arbre des technologies permet, moyennant finances, d'améliorer l'efficacité des routes (ingénierie), d'optimiser les recettes fiscales (mathématiques), d'augmenter la productivité des agriculteurs (irrigation), voire de donner un bonus temporaire au bonheur de la population (mysticisme). Habile transition s'il en est, la notion du bonheur est effectivement une autre donnée très importante dans CivCity Rome. En fonction, par exemple, du niveau de chômage, de la qualité des divertissements, du salaire ou du temps de travail, les habitants sont plus ou moins heureux.
À peine 20 % de personnes logées, mais l'habitat ne pose pas le moindre problème à la population de cette ville !
Hélas, cette notion de bonheur est un peu simpliste : au maximum, les gens affluent et en négatif, ils s'exilent. Problème, entre les deux il n'y a rien : ni baisses de productivité, ni grèves, ni émeutes. Signalons aussi une bizarrerie dans ce système puisque ma ville logeait à peine 20 % de sa population et pourtant l'habitat était jugé correct ! D'autres exemples existent et le fait est qu'après quelques heures de jeu, ce bonheur devient presque accessoire. On peut régler les salaires (qui influent sur les rentrées d'argent) et le temps de travail pour augmenter rapidement le bonheur, mais dans le pire des cas, si vraiment il passe en négatif : il suffit d'attendre quelques départs pour que la cause du problème (chômage, logement) disparaisse nous laissant alors le temps de trouver une solution.
Rome certes, mais pas d'ivresse...
Cette gestion un rien simpliste des choses, se retrouve dans un autre élément du jeu, le commerce extérieur. Sur certaines cartes, il est nécessaire d'importer des denrées et cela s'effectue avec les villes voisines, plus ou moins nombreuses, répertoriées sur une carte « de zone ». Ces villes vendent et achètent certains types de produits et il suffit d'ouvrir des routes commerciales avec celles qui nous intéressent. On construit alors un marché (lien terrestre) ou un quai (lien maritime) et il suffit de définir quel produit est à échanger. L'approvisionnement ne changera jamais durant la partie et la seule contrainte viendra de Rome qui peut demander des livraisons exceptionnelles de tel ou tel produit. Livraison qu'il faut bien sûr honorer pour remporter les points de victoire indispensable au gain du scénario.
Ce dernier élément n'apparaît bien sûr que durant la campagne solo qui fait également office de didacticiel. Hélas, il faut bien admettre que Firefly s'est un peu loupé sur ce coup-là. En essayant de rendre la campagne intéressante même pour les vieux routards du city builder, Firefly est allé un peu vite en besogne : du coup, certains concepts sont à peine survolés et des pièges grossiers ne sont pas expliqués. Le débutant se perd évidemment à essayer de comprendre les tenants et les aboutissants des divers scénarios risquant du même coup de perdre patience alors que l'habitué est exaspéré par des missions aux objectifs enfantins, mais qui demandent beaucoup de temps pour être accomplis. A ce sujet, on regrette très vite que l'accélérateur de temps soit limité au x3.
La satisfaction des besoins de la population est une lutte de tous les instants !
Autre problème directement lié cette fois au système d'évolution des besoins en fonction de la taille des habitations : le jeu pousse le joueur à faire énormément de micro-gestion. On passe son temps à vérifier que l'acheminement des denrées se déroule correctement, que telle demeure est bien approvisionnée et on s'arrache parfois les cheveux à essayer de comprendre pourquoi cet imbécile de Romain refuse d'aller chercher un lit dans l'entrepôt juste à côté ! Nous touchons cette fois à un autre problème, tout simplement incroyable lorsqu'on compare CivCity Rome à d'autres jeux du même genre : le manque d'outils pour aider le joueur. Nous n'avons par exemple aucune information sur la couverture de tel bâtiment, sur le nombre de boucheries qu'un élevage de chèvres peut contenter ou sur la capacité des thermes ou des théâtres.
Nettement plus positif, l'interface est pour ainsi dire un modèle du genre. Même si elle prend pas mal de place en 1024x768 (au passage CivCity ne gère pas les écrans larges), elle est bien fichue et très ergonomique. Pour continuer sur l'aspect technique, disons que CivCity est graphiquement agréable, sans être impressionnant. Il reste dans une honnête moyenne au niveau des exigences matérielles (processeur 2,4 GHz, 512 Mo, GeForce 6600 GT), mais surprend par une certaine imprécision lors de la sélection. Il faut faire particulièrement attention lorsqu'on réaménage une zone : en essayant de détruire une route, on a vite fait de raser un entrepôt. Ce « problème » se retrouve dans la sélection des unités militaires puisqu'il faut savoir que CivCity Rome propose un semblant de stratégie avec la présence d'armées menaçant notre ville.
En réalité, le joueur contrôle davantage la création de son armée (extraction de fer, fabrication d'armes, construction d'un fort) que les combats : lorsque des ennemis approchent, il suffit d'envoyer ses unités à leur rencontre et le combat se déroule automatiquement selon la loi du « qui qu'a la plus grosse ». Du coup, l'aspect militaire n'apporte rien aux parties et, là encore, on est très loin du mélange gestion / stratégie de Civilization. Enfin, pour en finir avec les critiques qui auront monopolisé ce test, il faut parler des modes de jeu. Déception à nouveau puisqu'en dehors d'une longue campagne solo durant laquelle les missions se succèdent avec plus ou moins de bonheur, on ne compte que neuf cartes « bac à sable » sur lesquelles le joueur est libre. Un éditeur est certes de la partie pour enrichir la chose, mais vous avouerez que ça ne fait pas lourd !
Truffé d'animations plus agréables les unes que les autres, CivCity permet de suivre la vie de ses administrés
Conclusion
Si notre test est un peu dur avec CivCity Rome, il est à l'image de notre déception. Le fameux monde de Civilization reprit à plusieurs reprises durant la promotion du jeu de Firefly n'est qu'un prétexte et, jamais, on ne voit l'impact de cette soit-disante inspiration. Sans être un mauvais titre, CivCity Rome est à la fois trop classique, trop brouillon et trop répétitif pour incarner la révolution qu'il prétendait être. Le moteur graphique est agréable et voir ce petit monde vaquer à ses occupations est sympa comme tout. Hélas, le joueur occasionnel sera rapidement submergé devant les tâches à accomplir alors que les explications ne sont pas toujours limpides. La campagne solo passe ainsi beaucoup trop vite sur des éléments essentiels et ne détaille pas assez les pièges les plus grossiers à éviter... Elle hésite entre le franc didacticiel et les missions capables de défier le joueur déjà rompu aux city builder.Cette position « le c.. entre deux chaises » est très inconfortable et même l'habitué des jeux de ce genre ne peut y trouver véritablement son compte. Il doit effectivement se « farcir » de nombreuses missions de prise en main où le défi est on ne peut plus limité, mais en plus, il doit y passer du temps, car certains objectifs sont longs à accomplir. Sur le principe, l'évolution progressive des besoins des habitants est très intéressante et c'est d'ailleurs le point qui pousse l'amateur à s'accrocher. Hélas, cet aspect du jeu exagère trop souvent la place de la micro-gestion et le joueur aura bien vite la nette impression de ne faire que ça au détriment du reste de sa ville. Les neuf missions libres sont heureusement plus intéressantes et permettent de laisser s'exprimer nos talents de bâtisseur... On risque, hélas, d'en faire rapidement le tour. À réserver aux accrocs des city builders en manque d'ivresse.
Notre vidéo exclusive est l'occasion de revenir sur les nombreuses et sympathiques animations qui égayent les parties, ainsi que sur la construction de villes d'importance diverse.
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