Gothic 3 : le jeu de rôle à l'allemande

Nerces
Par Nerces, Spécialiste PC & Gaming.
Publié le 30 octobre 2006 à 18h45
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À mille lieues de la popularité des Elder Scrolls imaginés par Bethesda (Morrowind, Oblivion), la série Gothic est plus ou moins basée sur le même concept que les jeux de rôle du studio américain. Si elle n'a pas encore connu les faveurs du grand public, cette série touche de plus en plus de joueurs à travers le monde et, la faute à une stratégie marketing sans queue ni tête, il n'y a d'ailleurs qu'en France que le second volet n'a pas été un succès. Réalisation graphique au taquet, innombrables personnages non joueurs et profusion de quêtes sont quelques-uns des éléments sur lesquels Piranha Bytes a décidé de s'appuyer pour le troisième volet de la série qui, c'est une chance, débarque à peu près en même temps dans toute l'Europe... Bethesda doit-il se faire du souci ?

Piranha Bytes renoue avec le Gothic flamboyant

Naguère puissant et prospère, le Royaume de Myrtana n'est plus que l'ombre de lui-même. Arrivés depuis le Nordmar, les Orques ont écrasé les troupes du Roi Rhobar II en seulement quelques années de conflit et, aujourd'hui, pratiquement tout le territoire est entre leurs mains : seules quelques rares poches de résistance subsistent encore. La rébellion est largement minoritaire, de nombreux Humains ayant été réduits en esclavage, mais elle gagne petit à petit des sympathisants même parmi ceux qui semblent avoir choisi la voie de la collaboration avec l'occupant. Cette base scénaristique nous est contée au travers d'une petite séquence d'introduction finalement assez quelconque et qui s'achève sur le retour de notre futur meilleur pote. Parti à la recherche de minerai magique pour le compte du Roi Rhobur II, le héros de Gothic 3 revient les mains vides et constate la situation pour le moins critique de son peuple.

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Retranché dans leur dernier bastion, les Humains sont attaqués par les Orques...

L'aventure en elle-même ne tarde pas trop à débuter puisque les développeurs ne proposent pas de phase de création de personnage : allure du héros et caractéristiques de base seront les mêmes pour tout le monde. À peine débarqués, le héros et ses compagnons de voyage se retrouvent embrigadés dans la libération d'Ardea, un petit village côtier : il s'agit surtout d'un prétexte employé par les développeurs pour nous apprendre les bases du jeu, de l'interface et des combats. Dès les premiers instants, la comparaison avec le fameux Oblivion est bien sûr inévitable et le joueur PC sera ravi de voir que les développeurs n'ont pas cédé à la simplification abusive de l'interface comme ce fut le cas chez Bethesda. Quelques touches de raccourci permettent d'appeler différentes pages de la feuille du personnage : caractéristiques principales, inventaires, journal de quêtes, compétences avancées, livre de sorts...

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La difficulté de la séquence baston dans Ardea ne permet pas de se faire une idée très précise des choses : en quelques coups d'épées, les ennemis tombent les uns après les autres et il est alors possible de tailler le bout de gras avec les habitants. Ces derniers nous donnent quelques informations et nous expliquent un peu la situation... À partir de là, il est possible de faire ce que l'on veut et Gothic 3 reprend ici le concept notamment observé sur Oblivion : d'immenses étendues s'offrent au joueur qui peut alors se promener à loisir, rencontrer de nombreux personnages, accomplir différentes quêtes ou apprendre de nouvelles compétences. En revanche, et c'est là que Gothic 3 se démarque singulièrement d'Oblivion, l'ensemble du jeu est plus immersif. Nous reviendrons sur l'aspect technique plus tard, mais après seulement quelques heures de jeu le constat est sans appel : le monde de Gothic 3 est plus vivant que celui imaginé par Bethesda.

On y retrouve la même variété de paysages / architectures grâce aux trois zones disposées du nord au sud (Nordmar, Myrtana, Varant), mais les habitants sont beaucoup plus actifs et ont des réactions plus convaincantes que dans Oblivion : ils travaillent, vont se coucher, se battent parfois et discutent très régulièrement entre eux. Bien sûr, dans ce dernier cas, les conversations sont assez limitées, mais cela contribue au réalisme de l'ensemble et donne une certaine crédibilité aux péripéties de notre héros. Afin de ne pas être en reste, le joueur a aussi divers moyens d'interagir avec son environnement. C'est ainsi qu'il peut mettre en application les connaissances dispensées par des PNJ (personnages non joueurs) pour aiguiser ses lames, préparer quelques potions, faire la cuisine ou forger de nouvelles armes. Toutes les villes et même les petites bourgades sont ainsi généreusement peuplées de sorte que notre héros a de bonnes chances de faire des rencontres où qu'il se rende.

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Sans être vraiment grouillantes, les villes ont tout de même des populations très correctes


Chasseur déprime ou...

Nous l'avons dit, ces rencontres ne sont pas là que pour faire joli. Elles remplissent aussi un rôle utilitaire puisque comme dans la majorité des jeux de rôle, la progression du héros se fait au travers de quêtes récupérées auprès des PNJ. Ces quêtes sont variées, mais il n'y a rien de transcendant à signaler au niveau des missions : escorter un type, récupérer tel objet, défier un commandant, massacrer une escouade... Le plus important étant bien sûr qu'un objectif accompli permet d'obtenir une récompense accompagnée de quelques points d'expérience. Dans Gothic 3, le joueur est seul maître à bord : il décide dans quel domaine dépenser son expérience afin d'améliorer par exemple sa maîtrise de l'épée, sa technique de vol à la tire ou ses compétences en dépeçage. Ces compétences peuvent être acquises n'importe quand sous réserve que deux conditions soient remplies : il faut tout d'abord avoir assez de points dans une caractéristique de base (force, chasse, savoir...).

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Il faut en outre et c'est bien sûr là le plus intéressant, trouver un maître capable de nous enseigner la compétence convoitée. Dans le cas de l'apprentissage de l'épée, cela ne posera guère de problème puisque n'importe quelle ville possède un maître d'armes suffisamment aguerri pour cet exercice. En revanche, les techniques d'acrobatie ou de course de fond sont plus délicates à dénicher. Signalons d'ailleurs un défaut car les débuts de partie orientés « magicien » semblent plus délicats que les autres voies : les maîtres sont rares, les sorts peu puissants et l'apprentissage très exigeant. Cela dit, il ne suffit pas de trouver un maître capable d'enseigner telle discipline pour progresser : le maître en question peut très bien demander un service préalable qui vous emmènera à l'autre bout du monde. Dans le pire des cas, il est même possible que ce maître ne vous fasse tout simplement pas assez confiance pour vous faire la leçon.

Cette notion de confiance est l'une des plus importantes dans Gothic 3 et elle se rapproche d'ailleurs de ce que l'on pouvait observer sur Oblivion par exemple. À mesure que l'on réussit les quêtes proposées par les habitants d'un village, ces derniers deviennent plus conciliants à l'égard du joueur. Ils peuvent alors dévoiler de nouvelles informations ou enseigner leur savoir. Dans le cas d'une faction, cette confiance se change en réputation. Ainsi, le héros qui réussi des quêtes pour les habitants de Trelis verra sa réputation générale augmenter. Cela permet de rencontrer des personnages (en général des chefs) qui refusaient tout contact, mais aussi d'obtenir de nouveaux équipements voire carrément de participer à des opérations de grande envergure. Nous touchons à un autre élément clef du jeu qui contribue à lui donner ce souffle de vie qui faisait notamment défaut à Oblivion.

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L'acquisition de nouvelles compétences nécessite de l'expérience, mais également un maître compétent

Les actions du joueur dans le monde de Gothic 3 ont de réelles répercussions qui ne semblent pas seulement dictées par la progression dans le scénario principal. Il est par exemple possible de se lancer au service des Orques pour mettre au pas, un à un, les différents camps des rebelles. Au contraire, on peut prendre les armes contre les Orques et participer à la libération de telle ou telle ville. Ces actions particulièrement héroïques sont largement récompensées et donnent l'incroyable sentiment de participer à un monde bien réel : c'est d'autant plus vrai lorsqu'on revient ensuite dans une ville et que les zombies massacrés il y a quelques jours ont déjà laissé la place à des humains en train de rebâtir quelques structures. Ce type d'actions passe généralement par quelques échanges avec les responsables locaux, mais rien n'empêche le joueur de se lancer, seul, dans la libération d'une ville entière !

... bretteur sur gages ?

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En réalité, les limites de la liberté accordée par les développeurs sont peu nombreuses. C'est ainsi qu'il est tout à fait possible d'entrer dans un village et de massacrer tout le monde... même un PNJ important pour la poursuite d'une quête. Si cette quête n'est plus réalisable, tant pis pour vous, mais de toute façon il y a aura encore d'innombrables choses à faire. Cette notion de réalisme des situations associée à l'immense liberté d'action est un bonheur pour l'amateur de jeux de rôle car même Oblivion donnait parfois l'impression de coincer ses acheteurs dans un carcan duquel il était difficile de sortir. Hélas, tout n'est pas rose chez Piranha Bytes et le réalisme en prend régulièrement pour son matricule : alors que Dungeon Master gérait déjà cet élément en 1986, Gothic 3 ne propose par exemple pas la moindre gestion de la nourriture / boisson ! De la même manière, si l'endurance limite les courses, il n'est jamais nécessaire de piquer un petit roupillon !

Puisque nous en sommes à parler des limites du réalisme et même si cela contribue à fluidifier le jeu, impossible de ne pas critiquer l'inventaire façon « Sport Billy » qui permet de stocker des centaines d'armes, des milliers de plantes médicinales, des kilos de nourriture sans le moindre problème ! Parlons également de l'absence de montures alors que de nombreuses charrettes sont visibles (les déplacements rapides se font via des pierres de téléportation) et surtout critiquons la toute petite surface couverte par les contrées de Nordmar, Myrtana et Varant. Là encore, il s'agit sans doute d'un artifice pour rendre le jeu plus fluide, plus agréable à jouer, mais le résultat frôle parfois le ridicule : les villes sont beaucoup trop proches les unes des autres et en l'espace de quelques minutes, on a déjà traversé tout le continent d'est en ouest ! Le plus drôle étant tout de même ces bases rebelles « cachées » à une bonne vingtaine de mètres de la patrouille orque !

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La profondeur de champ est un peu faible, mais la précision de certains décors compensent cette faiblesse

Pour ne rien arranger et cette fois impossible de se cacher derrière le « c'est pour fluidifier le jeu » : Gothic 3 est truffé de bugs plus ou moins gênants. À sa sortie, il était à la limite du jouable, mais depuis plusieurs mises à jour ont été publiées et elles permettent d'arranger considérablement les choses. Cela dit, quelques quêtes ont un déroulement très particulier et l'attaque d'un chef orque par surprise se transforme en défi dans les règles de l'art simplement parce qu'une telle quête existe. Dans un autre genre, certaines quêtes ne peuvent tout simplement pas être validées et il faut bien sûr faire avec les sempiternels bugs de collision. Pour ne rien arranger, le journal des quêtes n'est pas exemplaire et s'il retient bien quelques fragments de conversations, ces derniers, pas toujours liés à la quête en question, sont parfois totalement inutiles !

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Plus polémique, la question des combats divise les joueurs. Certains considèrent effectivement que l'équilibre des affrontements n'est pas du tout respecté et que les bêtes sauvages sont trop puissantes. À la rédaction, nous n'avons pas été plus choqués que cela, mais en revanche, impossible de ne pas critiquer la gestion désastreuse des parades et des esquives. Les arcs / arbalètes sont heureusement beaucoup plus convaincants, mais les problèmes reviennent avec les combats de groupes durant lesquels il arrive régulièrement qu'un allié nous assène un coup d'épée ! Avec le temps, on parvient à éviter les pièges les plus grossiers du système mis en place par Piranha Bytes, mais cette fois Oblivion conserve et de loin l'avantage. Sur le plan technique, les choses sont moins tranchées : Oblivion et Gothic 3 sont deux très beaux jeux, mais n'offrent pas exactement le même style de rendu.

Une chose est cependant certaine : Oblivion est autrement mieux optimisé ! Si Gothic 3 ne coupe jamais l'action par une page de chargement, il est en revanche beaucoup moins fluide que son concurrent le plus direct. Le titre de Bethesda était déjà exigeant niveau puissance machine, mais là nous franchissons un palier supplémentaire que certains joueurs ne trouveront pas justifié. Il ne s'agit que d'une estimation puisque de nombreux éléments peuvent être réglés, mais il semble impossible de profiter pleinement du jeu sans au moins un processeur à 3 GHz, 1 Go de mémoire vive et une carte graphique équipée de 256 Mo. C'est le prix à payer pour obtenir des mouvements fluides, même en présence de plusieurs adversaires et ainsi découvrir l'un des univers jeu de rôle les plus vivants jamais reproduits sur ordinateur, ses innombrables quêtes, son intelligente gestion des factions et sa remarquable durée de vie.



Conclusion

Alors qu'il leur avait fallu patienter de nombreux mois pour goûter au second volet, les joueurs français peuvent se réjouir : Gothic 3 n'aura attendu que quelques semaines avant de débarquer dans l'Hexagone et, pour ne rien gâcher, il se paye le luxe de nous proposer une très bonne localisation avec des voix certes peu variées, mais de qualité. Ce n'est bien sûr pas le seul point positif et niveau jeu de rôle, Piranha Bytes nous prouve qu'il connaît bien son affaire. Le développeur allemand déjà adulé de nombreux rôlistes signe un titre aux qualités indiscutables et qui se permet, sur certains points, d'aller beaucoup plus loin que ne l'avait fait Oblivion par exemple. Malgré un espace de jeu sensiblement plus restreint que celui conçu par Bethesda, Gothic 3 propose un univers particulièrement riche.

Il y a toujours quelque chose à faire sur Myrtana et même si les deux autres régions (Varant, Nordmar) sont moins intéressantes, elles participent à la variété des situations. Les quêtes se comptent par centaines et les développeurs ont veillé à offrir une certaine diversité dans les objectifs. On regrettera en revanche quelques sévères entorses au réalisme (pas de gestion de la nourriture ou du repos). Entorses dont l'incidence est limitée, mais qui reste assez surprenantes compte tenu de l'orientation des développeurs. Plus gênants, les combats sont au mieux frustrants, au pire insupportables et la gestion des groupes est catastrophique. Enfin, malgré les premières mises à jour, de nombreux bugs subsistent. Ces défauts associés à une approche moins « joueurs occasionnels » limiteront sans doute le public potentiel de Gothic 3... Dommage pour ceux qui ne s'y essayeront pas car Piranha Bytes nous prouve qu'il a largement les moyens de venir taquiner Oblivion.

Gothic 3

8

Les plus

  • Le monde semble « vivant »
  • Grande liberté d'action
  • Possibiliité d'influer sur l'univers du jeu
  • Réalisation de qualité (voix, graphisme...)

Les moins

  • Exigences matérielles et nombreux bugs
  • Gestion des combats perfectible

0

Réalisation7

Prise en main8

Durée de vie10



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Nerces
Par Nerces
Spécialiste PC & Gaming

Tombé dans le jeu vidéo à une époque où il fallait une belle imagination pour voir ici un match de foot, là un combat de tanks dans ces quelques barres représentées à l'écran, j'ai suivi toutes les évolutions depuis quarante ans. Fidèle du PC, mais adepte de tous les genres, je n'ai du mal qu'avec les JRPG. Sinon, de la stratégie tour par tour la plus aride au FPS le plus spectaculaire en passant par les simulations sportives ou les jeux musicaux, je me fais à tout... avec une préférence pour la gestion et les jeux combinant plusieurs styles. Mon panthéon du jeu vidéo se composerait de trois séries : Elite, Civilization et Max Payne.

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