Piranha Bytes renoue avec le Gothic flamboyant
Naguère puissant et prospère, le Royaume de Myrtana n'est plus que l'ombre de lui-même. Arrivés depuis le Nordmar, les Orques ont écrasé les troupes du Roi Rhobar II en seulement quelques années de conflit et, aujourd'hui, pratiquement tout le territoire est entre leurs mains : seules quelques rares poches de résistance subsistent encore. La rébellion est largement minoritaire, de nombreux Humains ayant été réduits en esclavage, mais elle gagne petit à petit des sympathisants même parmi ceux qui semblent avoir choisi la voie de la collaboration avec l'occupant. Cette base scénaristique nous est contée au travers d'une petite séquence d'introduction finalement assez quelconque et qui s'achève sur le retour de notre futur meilleur pote. Parti à la recherche de minerai magique pour le compte du Roi Rhobur II, le héros de Gothic 3 revient les mains vides et constate la situation pour le moins critique de son peuple.Retranché dans leur dernier bastion, les Humains sont attaqués par les Orques...
L'aventure en elle-même ne tarde pas trop à débuter puisque les développeurs ne proposent pas de phase de création de personnage : allure du héros et caractéristiques de base seront les mêmes pour tout le monde. À peine débarqués, le héros et ses compagnons de voyage se retrouvent embrigadés dans la libération d'Ardea, un petit village côtier : il s'agit surtout d'un prétexte employé par les développeurs pour nous apprendre les bases du jeu, de l'interface et des combats. Dès les premiers instants, la comparaison avec le fameux Oblivion est bien sûr inévitable et le joueur PC sera ravi de voir que les développeurs n'ont pas cédé à la simplification abusive de l'interface comme ce fut le cas chez Bethesda. Quelques touches de raccourci permettent d'appeler différentes pages de la feuille du personnage : caractéristiques principales, inventaires, journal de quêtes, compétences avancées, livre de sorts...
On y retrouve la même variété de paysages / architectures grâce aux trois zones disposées du nord au sud (Nordmar, Myrtana, Varant), mais les habitants sont beaucoup plus actifs et ont des réactions plus convaincantes que dans Oblivion : ils travaillent, vont se coucher, se battent parfois et discutent très régulièrement entre eux. Bien sûr, dans ce dernier cas, les conversations sont assez limitées, mais cela contribue au réalisme de l'ensemble et donne une certaine crédibilité aux péripéties de notre héros. Afin de ne pas être en reste, le joueur a aussi divers moyens d'interagir avec son environnement. C'est ainsi qu'il peut mettre en application les connaissances dispensées par des PNJ (personnages non joueurs) pour aiguiser ses lames, préparer quelques potions, faire la cuisine ou forger de nouvelles armes. Toutes les villes et même les petites bourgades sont ainsi généreusement peuplées de sorte que notre héros a de bonnes chances de faire des rencontres où qu'il se rende.
Sans être vraiment grouillantes, les villes ont tout de même des populations très correctes
Chasseur déprime ou...
Nous l'avons dit, ces rencontres ne sont pas là que pour faire joli. Elles remplissent aussi un rôle utilitaire puisque comme dans la majorité des jeux de rôle, la progression du héros se fait au travers de quêtes récupérées auprès des PNJ. Ces quêtes sont variées, mais il n'y a rien de transcendant à signaler au niveau des missions : escorter un type, récupérer tel objet, défier un commandant, massacrer une escouade... Le plus important étant bien sûr qu'un objectif accompli permet d'obtenir une récompense accompagnée de quelques points d'expérience. Dans Gothic 3, le joueur est seul maître à bord : il décide dans quel domaine dépenser son expérience afin d'améliorer par exemple sa maîtrise de l'épée, sa technique de vol à la tire ou ses compétences en dépeçage. Ces compétences peuvent être acquises n'importe quand sous réserve que deux conditions soient remplies : il faut tout d'abord avoir assez de points dans une caractéristique de base (force, chasse, savoir...).Cette notion de confiance est l'une des plus importantes dans Gothic 3 et elle se rapproche d'ailleurs de ce que l'on pouvait observer sur Oblivion par exemple. À mesure que l'on réussit les quêtes proposées par les habitants d'un village, ces derniers deviennent plus conciliants à l'égard du joueur. Ils peuvent alors dévoiler de nouvelles informations ou enseigner leur savoir. Dans le cas d'une faction, cette confiance se change en réputation. Ainsi, le héros qui réussi des quêtes pour les habitants de Trelis verra sa réputation générale augmenter. Cela permet de rencontrer des personnages (en général des chefs) qui refusaient tout contact, mais aussi d'obtenir de nouveaux équipements voire carrément de participer à des opérations de grande envergure. Nous touchons à un autre élément clef du jeu qui contribue à lui donner ce souffle de vie qui faisait notamment défaut à Oblivion.
L'acquisition de nouvelles compétences nécessite de l'expérience, mais également un maître compétent
Les actions du joueur dans le monde de Gothic 3 ont de réelles répercussions qui ne semblent pas seulement dictées par la progression dans le scénario principal. Il est par exemple possible de se lancer au service des Orques pour mettre au pas, un à un, les différents camps des rebelles. Au contraire, on peut prendre les armes contre les Orques et participer à la libération de telle ou telle ville. Ces actions particulièrement héroïques sont largement récompensées et donnent l'incroyable sentiment de participer à un monde bien réel : c'est d'autant plus vrai lorsqu'on revient ensuite dans une ville et que les zombies massacrés il y a quelques jours ont déjà laissé la place à des humains en train de rebâtir quelques structures. Ce type d'actions passe généralement par quelques échanges avec les responsables locaux, mais rien n'empêche le joueur de se lancer, seul, dans la libération d'une ville entière !
... bretteur sur gages ?
Puisque nous en sommes à parler des limites du réalisme et même si cela contribue à fluidifier le jeu, impossible de ne pas critiquer l'inventaire façon « Sport Billy » qui permet de stocker des centaines d'armes, des milliers de plantes médicinales, des kilos de nourriture sans le moindre problème ! Parlons également de l'absence de montures alors que de nombreuses charrettes sont visibles (les déplacements rapides se font via des pierres de téléportation) et surtout critiquons la toute petite surface couverte par les contrées de Nordmar, Myrtana et Varant. Là encore, il s'agit sans doute d'un artifice pour rendre le jeu plus fluide, plus agréable à jouer, mais le résultat frôle parfois le ridicule : les villes sont beaucoup trop proches les unes des autres et en l'espace de quelques minutes, on a déjà traversé tout le continent d'est en ouest ! Le plus drôle étant tout de même ces bases rebelles « cachées » à une bonne vingtaine de mètres de la patrouille orque !
La profondeur de champ est un peu faible, mais la précision de certains décors compensent cette faiblesse
Pour ne rien arranger et cette fois impossible de se cacher derrière le « c'est pour fluidifier le jeu » : Gothic 3 est truffé de bugs plus ou moins gênants. À sa sortie, il était à la limite du jouable, mais depuis plusieurs mises à jour ont été publiées et elles permettent d'arranger considérablement les choses. Cela dit, quelques quêtes ont un déroulement très particulier et l'attaque d'un chef orque par surprise se transforme en défi dans les règles de l'art simplement parce qu'une telle quête existe. Dans un autre genre, certaines quêtes ne peuvent tout simplement pas être validées et il faut bien sûr faire avec les sempiternels bugs de collision. Pour ne rien arranger, le journal des quêtes n'est pas exemplaire et s'il retient bien quelques fragments de conversations, ces derniers, pas toujours liés à la quête en question, sont parfois totalement inutiles !
Une chose est cependant certaine : Oblivion est autrement mieux optimisé ! Si Gothic 3 ne coupe jamais l'action par une page de chargement, il est en revanche beaucoup moins fluide que son concurrent le plus direct. Le titre de Bethesda était déjà exigeant niveau puissance machine, mais là nous franchissons un palier supplémentaire que certains joueurs ne trouveront pas justifié. Il ne s'agit que d'une estimation puisque de nombreux éléments peuvent être réglés, mais il semble impossible de profiter pleinement du jeu sans au moins un processeur à 3 GHz, 1 Go de mémoire vive et une carte graphique équipée de 256 Mo. C'est le prix à payer pour obtenir des mouvements fluides, même en présence de plusieurs adversaires et ainsi découvrir l'un des univers jeu de rôle les plus vivants jamais reproduits sur ordinateur, ses innombrables quêtes, son intelligente gestion des factions et sa remarquable durée de vie.
Conclusion
Alors qu'il leur avait fallu patienter de nombreux mois pour goûter au second volet, les joueurs français peuvent se réjouir : Gothic 3 n'aura attendu que quelques semaines avant de débarquer dans l'Hexagone et, pour ne rien gâcher, il se paye le luxe de nous proposer une très bonne localisation avec des voix certes peu variées, mais de qualité. Ce n'est bien sûr pas le seul point positif et niveau jeu de rôle, Piranha Bytes nous prouve qu'il connaît bien son affaire. Le développeur allemand déjà adulé de nombreux rôlistes signe un titre aux qualités indiscutables et qui se permet, sur certains points, d'aller beaucoup plus loin que ne l'avait fait Oblivion par exemple. Malgré un espace de jeu sensiblement plus restreint que celui conçu par Bethesda, Gothic 3 propose un univers particulièrement riche.Il y a toujours quelque chose à faire sur Myrtana et même si les deux autres régions (Varant, Nordmar) sont moins intéressantes, elles participent à la variété des situations. Les quêtes se comptent par centaines et les développeurs ont veillé à offrir une certaine diversité dans les objectifs. On regrettera en revanche quelques sévères entorses au réalisme (pas de gestion de la nourriture ou du repos). Entorses dont l'incidence est limitée, mais qui reste assez surprenantes compte tenu de l'orientation des développeurs. Plus gênants, les combats sont au mieux frustrants, au pire insupportables et la gestion des groupes est catastrophique. Enfin, malgré les premières mises à jour, de nombreux bugs subsistent. Ces défauts associés à une approche moins « joueurs occasionnels » limiteront sans doute le public potentiel de Gothic 3... Dommage pour ceux qui ne s'y essayeront pas car Piranha Bytes nous prouve qu'il a largement les moyens de venir taquiner Oblivion.
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