Basé sur la plus terrible catastrophe nucléaire...
Avant de nous laisser explorer le monde de S.T.A.L.K.E.R. par nous mêmes, GSC Game World et THQ ont tenu à nous en faire une petite présentation. Par l'intermédiaire d'Anton Bolshakov, nous avons ainsi eu la confirmation du retrait de certaines fonctionnalités enthousiasmantes (conduite de véhicules, concurrence entre stalkers) ou le recentrage de quelques autres (autonomie plus réduite du monde). Comme le programmeur principal du jeu nous l'a confié en interview, ces changements sont en partie le fait de THQ afin que le jeu puisse voir le jour. Malgré ces retraits / changements, Anton avait encore beaucoup de choses à nous présenter et il a plus particulièrement insisté sur la vie du monde qui entoure le joueur. S.T.A.L.K.E.R. prend donc place dans la région entourant la tristement célèbre centrale nucléaire Lénine plus connue sous le nom de Tchernobyl. Une vingtaine d'années après le drame qui coûta la vie à des dizaines de milliers d'Ukrainiens et qui pour des années encore a laissé son empreinte sur toute une partie de l'Europe, une seconde catastrophe a lieu. Deux ans plus tard, l'armée relâche un peu le cordon sécuritaire qui bloquait l'accès à la zone interdite et les premières expéditions peuvent y pénétrer. Avec elles et malgré le danger mortel, de nombreux stalkers arrivent sur les lieux afin de récupérer des « artefacts » (de mystérieux articles radioactifs dotés de remarquables pouvoirs) que des organisations achètent pour des sommes fabuleuses.Parties intégrantes du voyage, les visites de Tchernobyl et Pripiat laissent un goût amer d'abandon du site par la communauté internationale
Le joueur incarne bien sûr l'un de ces stalkers et le premier élément caractéristique du jeu est bien sûr la taille de la zone à explorer. Les environs de la centrale nucléaire ont été reproduits le plus fidèlement possible et même si la qualité technique du jeu n'est plus aussi bluffante qu'en 2003/04, l'atmosphère qui se dégage des alentours du réacteur numéro 4 ou de la ville fantôme de Pripiat (49.000 habitants évacués en l'espace de 30 heures) est assez angoissante. Par rapport aux ambitions de départ, la présentation de la région a quelque peu changé et il n'est plus question d'avoir une seule immense carte, mais plutôt un découpage en 18 zones. Les chargements entre ces zones sont relativement rapides sur la bêta que nous avons eu entre les mains, mais le plus intéressant reste le fait qu'elles évoluent en notre absence. Pour éviter ce qui pouvait se produire sur les premières versions alpha (d'autres stalkers qui bouclent l'aventure en premier), le jeu nous « attend ». Lorsque nous arrivons dans une zone, des scripts élaborés rendent les missions plus dynamiques, mais sitôt qu'une zone est « nettoyée », le système A-Life prend le relais. Les diverses factions (mutants, stalkers...) se battent alors pour le contrôle de ladite zone. Ces factions s'occupent des points les plus intéressants et des missions aléatoires sont générées si nous y revenons.
Tchernobyl, Pripiat... comme un noeud en travers de la gorge
Cet aspect aventure n'est pas mal rendu du tout et si l'ouverture du monde n'est pas aussi importante que ne le laissait croire les premières annonces, l'ensemble paraît déjà beaucoup plus riche que l'essentiel des FPS disponibles actuellement... Il y a un petit côté Oblivion / Gothic 3 dans tout ça qui n'est pas désagréable. Les séquences de fusillades entre factions (durant lesquelles le joueur peut choisir de rester sagement à l'écart), les cycles jour / nuit (45 minutes de jeu correspondent à 1 jour) ou la gestion de la météo sont autant d'éléments qui poussent encore un peu plus loin l'immersion et ce ne sont pas les terribles créatures dotées de pouvoirs psy qui feront retomber la tension : à vrai dire, nous sommes morts à chacune de leurs interventions. Enfin, notons que GSC Game World a prévu sept fins différentes à l'aventure solo avec seulement deux « bonnes ». Du côté du multijoueur, THQ avait mis en place une série de machines, mais par manque de temps nous n'avons hélas pas pu poser nos grosses pattes pleines de doigts dessus. À défaut d'avoir pu expérimenter la chose, nous nous contenterons des informations données par Anton Bolshakov. En réseau, S.T.A.L.K.E.R. devrait donc s'apparenter à une sorte de Counter-Strike. Deux factions sont en présence et trois modes de jeu seront disponibles. Un maximum de 32 joueurs est pour l'heure prévu par les développeurs qui ont conservé le système d'amélioration des armes (dix par faction).
Ce premier aperçu de S.T.A.L.K.E.R. plus de cinq ans après les premières annonces n'aura bien sûr pas répondu à toutes les questions. L'intelligence artificielle doit encore subir d'importantes modifications, le rythme des combats doit être ajusté et l'ensemble nécessite de nombreuses optimisations, mais même en l'état, le potentiel était évident. Les quatre zones proposées par GSC / THQ nous donnaient envie d'en découvrir plus et nous avons d'ailleurs « triché » un peu pour voir le début de l'aventure. Techniquement, S.T.A.L.K.E.R. ne sera sans doute pas à la hauteur d'un Crysis par exemple, mais sa durée de vie, son monde ouvert et ses différentes fins pourraient lui permettre de se faire une place au soleil... C'est en tout cas tout le mal que l'on souhaite à Anton Bolshakov, chef de projet, à qui nous avons posé quelques questions à découvrir en page suivante.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Quel est votre rôle dans le développement de Stalker ?
Je suis Anton Bolshakov, le chef de projet derrière S.T.A.L.K.E.R. : Shadow Of Chernobyl.
Pourquoi se lancer dans un FPS alors que, traditionnellement, GSC Game World est davantage tourné vers le RTS (Cossacks) ?
Deux différentes équipes travaillent au sein de notre studio. Une équipe « stratégique » qui s'est occupée de Cossacks, American Conquest et travaille aujourd'hui sur Heroes Of Annihilated Empires, et une équipe « action » notamment à l'origine de Codename : Outbreak. Nous avions embauché de nouvelles têtes pour travailler au développement d'un moteur (le X-Ray) et il était alors logique de se lancer dans un FPS. Comme ces deux équipes travaillent en parallèle, cela n'a d'influence néfaste sur aucun projet. En réalité, le studio a essayé de travailler sur différents genres de jeux, mais pour le moment nous nous concentrons sur les deux que nous maîtrisons le mieux : FPS et RTS.
Pourquoi avoir choisi le site de Tchernobyl pour le jeu ? S'agit-il d'un thème comme un autre ou est-ce plutôt une manière de rappeler aux autres pays que le problème de la centrale reste entier ?
Tout d'abord, nous, les membres de l'équipe, avons tous connu l'accident de Tchernobyl en 1986. Nombre de nos parents ont été impliqués dans l'évacuation de Pripiat et le nettoyage des conséquences de la catastrophe. De fait, notre idée était de rappeler au monde que rien n'est résolu. Ensuite, nous espérons délivrer avec le jeu un message quant à l'inconscience des hommes. Ce genre de négligence qui peut conduire à une catastrophe écologique d'ampleur mondiale. Notre jeu est une hyperbole - une exagération si vous préférez -, nous le voyons comme une sorte d'avertissement destiné à ceux qui misent sur le tout-technologique sans réfléchir aux conséquences et dangers potentiels.
Tchernobyl est un sujet sensible et au départ nous hésitions vraiment à aborder une telle catastrophe. Nous craignions que certains soient offensés à l'idée que l'on puisse « jouer » avec cette tragédie. Ce n'est qu'après nous être assuré de pouvoir représenter correctement les choses, sans heurter la sensibilité de quiconque, que nous avons utilisé, très prudemment, la zone de Tchernobyl comme cadre. Il fallait que nous puissions obtenir un jeu « avertissement », un titre qui rappelle la catastrophe et ses conséquences que nous observons aujourd'hui encore.
Pouvez-vous décrire en quelques mots le concept du jeu solo ?
Le jeu se définit comme un Survival FPS qui combine donc deux styles de jeu : la survie dans un environnement hostile (avec des notions de jeu de rôle) et l'action. L'élément clef est la grande liberté de choix qui est laissée au joueur. Ce dernier intègre un monde, un vaste territoire, peuplé de nombreuses créatures et dépendant de lois aussi bizarres qu'inconnues. Le joueur se voit confier un équipement assez minimaliste et une base scénaristique. Ensuite, c'est à lui de « mener sa barque ».
Le gameplay est aussi fonction de ce que décide le joueur. Certains préféreront les opérations furtives les plus discrètes, la surveillance et l'embuscade alors que d'autres seront plus expéditifs. Des joueurs aimeront explorer et faire du commerce quand certains autres n'auront d'intérêt que pour les combats. Cette liberté d'action est la base même du jeu qui ne peut pas être joué deux fois de la même manière.
Quelles sont les principales caractéristiques qui permettront à S.T.A.L.K.E.R. de se démarquer de la concurrence à venir l'année prochaine ?
Son atmosphère, un monde riche et complet, la liberté d'action accordée au joueur ainsi que la thématique (Tchernobyl) et l'aspect « écologiquement impliqué » de l'ensemble qui confèrent une valeur d'avertissement au jeu. Technologiquement parlant, S.T.A.L.K.E.R. sera également très avancé.
A-Life fonctionne de manière assez particulière. Il donne des informations concernant la Zone à tous les personnage du jeu. Dans le cadre d'A-Life, tous ces personnages suivent leurs propres cycles : les stalkers arpentent la Zone pour accomplir leurs propres objectifs, ils se reposent, dorment et mangent. Les monstres chassent, mangent, dorment, migrent à travers toute la carte et, grosso modo, se battent pour leur survie. A-Life fonctionne sur deux niveaux : le premier, le plus détaillé, est activé lorsque les personnages sont gérés en temps réel par rapport au joueur alors que le second, moins complexe permet de les suivre durant toute la partie. A-Life gère également les « groupes de personnages » qui n'agissent pas de la même manière que les individus seuls. De fait, les factions se battent entre elles pour maintenir leur sphère d'influence sur la carte alors que les monstres lancent des raids sur les camps de stalkers.
Techniquement, le jeu combine des éléments scriptés et le moteur A-Life. Les événements du scénario principal sont imbriqués dans le monde non-scripté d'A-Life de sorte qu'au départ les niveaux sont remplis d'éléments prédéterminés autour desquels gravitent la gestion A-Life. Tant que le joueur n'a pas encore intéragit avec l'histoire principale, A-Life n'est pas en mesure d'influer avec ces éléments de scénario. En revanche, dès lors que le joueur a déclenché les scripts d'un niveau, A-Life prend le relais pour qu'elle évolue « naturellement ».
Prenons l'exemple de la mission “kill factory-grounded bandits who rob stalkers”. Une fois effectuée, elle laisse une portion de la Zone inhabitée. Plus tard dans la partie, le joueur aura sans doute l'occasion de voir que des créatures gérées par l'A-Life se sont appropriés les lieux : cela peut être une équipe de stalkers, un sniper isolé ou même un groupe de monstres. L'idée est qu'après avoir accomplis une action dans un niveau, le joueur peut y revenir et découvrir quelque chose de complètement nouveau. Les personnages gérés par l'A-Life ont une vie propre et accomplissent toutes les tâches imaginables. De plus, ces changements ont des conséquences sur le joueur puisqu'il peut entrer en contact avec lesdits personnages et, par exemple, obtenir de nouvelles quêtes : élimination de créatures gênantes, découverte des coordonnées d'un trésor dans les notes retrouvées sur le corps d'un stalker...
Le monde géré par l'A-Life est vivant. Le joueur n'agit alors plus comme le déclencheur de séquences scriptées. Autour de lui, de nombreux événements se produisent indépendamment de ses propres actions. Il n'est cependant pas cantonné au rôle de spectateur et peut agir directement sur ce monde en évolution. Voilà ce qui fait de S.T.A.L.K.E.R. une expérience originale.
La partie continue-t-elle une fois le scénario principal achevé ? Est-il intéressant de refaire le jeu une fois terminé ?
Vous ne pouvez pas continuer à jouer dès que la fin est atteinte, mais vous pouvez bien sûr rejouer ! :)
Le scénario est construit de telle manière que le jeu se base sur une série de « points clefs » destinés à déclencher d'importants éléments de l'histoire. Entre ces points en revanche, le joueur peut progresser comme il l'entend. En outre, pour récupérer de l'argent et obtenir certains équipements, le joueur doit se lancer dans des quêtes plus ou moins « libres », aucunement liées à l'histoire principale. Tout cela contribue à l'enrichissement du gameplay et deux parties ont bien peu de chances d'être identiques. Il sera également intéressant de refaire l'aventure en changeant complètement de perspective afin de voir comment le jeu réagit aux nouvelles orientations prises. En récompense, le joueur aura sans doute l'occasion de découvrir une nouvelle fin... Il en existe sept.
Pratiquement toutes les idées forces ont été implémentées dans S.T.A.L.K.E.R. : un monde vivant, le moteur A-Life, la liberté d'action, le grand nombre de quêtes secondaires, les fins multiples. Bien sûr, cela nous a demandé beaucoup de temps, mais nous y sommes parvenus et cela nous évitera d'avoir à rougir devant nos fans. Cela dit, il y a effectivement quelques éléments qui n'ont pu être intégrés.
- Monde d'un seul tenant. Il était question de pouvoir traverser la Zone sans aucun chargement et cela devait donner au joueur l'impression d'appartenir à un monde particulièrement vaste. Hélas, nous devions choisir entre ce monde d'un seul tenant et le niveau de détail (jusqu'à un million de polygones par image). Nous avons décidé d'opter pour le haut niveau de détail afin d'offrir un réalisme plus important.
- Monde entièrement géré par l'A-Life. Le scénario principal devait être entièrement géré par l'A-Life et nous imaginions au départ pouvoir nous passer complètement d'éléments scriptés afin que tous les événements soit coordonnés par A-Life. Hélas, ce concept aussi séduisant soit-il permettait à des stalkers gérés par l'ordinateur de terminer le jeu avant le joueur. De plus, un tel fonctionnement ne nous permettait pas de « guider » le joueur et dans de nombreux cas, ce derniers ne savaient plus trop quoi faire ensuite.
- Synchronisation de tous les éléments physiques en multijoueur. La gestion de tous les éléments physiques comme le fameux rag-doll est prévue et cela doit être réalisé par les machines client elles-mêmes. Ce n'est pas encore fait et doit être réalisé ultérieurement.
Pouvez-vous décrire en quelques mots le concept du jeu multi ?
Le mode multijoueur permettra à 32 joueurs de participer à des parties en LAN ou sur Internet. Nous avons créé différentes cartes dédiées au multijoueur et avons contacté une équipe de joueurs rompus aux compétitions internationales pour équilibrer l'ensemble. Trois modes de jeu sont accessibles : les deux premiers sont les très connus deathmatch et team deathmatch avec des éléments originaux du mode solo tels que les radiations, les anomalies, le compteur Geiger, les équipements de protections... Le troisième mode est plus original : il s'agit de la chasse aux artefacts où deux équipes s'affrontent pour la possession d'artefacts placés aléatoirement sur la carte. L'équipe victorieuse est celle qui aura obtenu le plus haut score en additionnant les artefacts et le nombre d'ennemis éliminés.
Que pensez-vous des jeux massivement multijoueur ? Avez-vous pensé à un tel mode de jeu pour le multi de S.T.A.L.K.E.R. ?
Un mode de jeu massivement coopératif était initialement dans les projets que nous avions pour S.T.A.L.K.E.R.. Hélas nous avons été contraints de laisser cela pour plus tard du fait de contraintes techniques.
Quelles sont les principales raisons pour expliquer les retards du jeu ?
S.T.A.L.K.E.R. est un projet très ambitieux avec de nombreux éléments et caractéristiques qui n'avaient jamais été implémentés dans aucun jeu auparavant. De fait, durant toute la phase de développement, nous avons été confrontés à divers problèmes, divers freins technologiques qui nous ont malheureusement fait perdre beaucoup de temps. L'une des parties les plus délicates aura été l'intégration d'A-Life. Très honnêtement, il y a des moments où cette tâche nous semblait insurmontable ! La simulation contrôle de nombreux personnages dans la Zone, leur position, leurs cycles de vie et les combats entre factions. A-Life prend en charge les tâches « ordinaires » de tout ce petit monde ainsi que de nombreuses quêtes secondaires.
Autre difficulté : parvenir à combiner A-Life et le fonctionnement plus scripté du scénario. Il fallait qu'A-Life passe le relais aux éléments scriptés tout en restant actif en arrière-plan pour gérer tout le reste du jeu, toujours en mouvement. Le principe de déclenchement d'A-Life une fois que le joueur en a terminé avec les séquences scriptées aura sans doute été la façon la plus élégante de résoudre le problème.
Quelles sont les relations avec THQ ? Quel type d'aide une telle société vous apporte-t-elle ?
Nous sommes heureux de travailler avec THQ et nous avons pu profiter de leur expérience dans de nombreux domaines. Notre but était de réaliser le jeu en garantissant le niveau de qualité attendu par de nombreux joueurs et THQ nous soutient. Nous avons un producteur de THQ sur place et il nous aide à rester dans les délais tout en maintenant le plus haut niveau de qualité possible. Tous les développeurs sont de grands rêveurs et avoir le regard d'un éditeur nous aide à accélérer certaines choses, à garder le contact avec notre planning : une telle coopération est très importante.