Will Wright réveille-toi, ils sont devenus fous !
En développant le premier SimCity, Will Wright a en fait jeté les bases d'un nouveau genre, celui dit du city builder. Le joueur y incarne une sorte d'être supérieur qui fait la pluie et le beau temps sur une région donnée, mais qui doit malgré tout rendre des comptes à sa population. C'est ainsi qu'il doit définir des zones de développement, préparer l'acheminement de l'eau et veiller à ce que l'approvisionnement en électricité permette aux habitants de venir s'installer... Ensuite, ce sont eux qui font le travail. Ils érigent de charmantes petites maisons dans les zones résidentielles aérées et de plus imposants bâtiments de bureaux sur les zones commerciales denses. Le joueur doit alors veiller à la qualité des infrastructures de transports et à ce que la criminalité reste à des niveaux tolérables... Il peut évidemment compter sur les impôts des « Sims » pour tout financer.Le didacticiel est bien conçu, mais c'est à peu près le seul point positif du jeu
Ces bases propres à n'importe quel city builder sont relativement logiques et si les titres du genre n'atteignent pas tous le même niveau de complexité, le principe reste le même... Eh bien, vous pouvez oublier tout ce que nous venons de dire, car dans SimCity Sociétés, les choses ne fonctionnent absolument pas comme cela. Premier couac, au lieu de définir de simples zones de construction et ainsi agir en « grand organisateur urbain », le joueur doit choisir la position de tous les bâtiments de sa future ville. C'est avec ses petites mimines et sa petite souris qu'il lui faut poser chaque maison, chaque immeuble de bureaux et chaque fontaine. En réalité, c'est lui qui décide de la position de toutes les structures existantes et l'ensemble restera complètement figé jusqu'à ce que le joueur décide de modifier le plan d'urbanisme... Un tout petit peu stalinien comme système.
« Sociétés... Tu m'auras pas ! »
Ah oui. Il faut savoir que pour compenser la « simplification » de certains éléments, Tilted Mill a décidé de mettre l'accent sur l'architecture des villes en parlant même de villes à thèmes. À l'ouverture de la fenêtre de construction, on peut effectivement choisir parmi plusieurs styles celui que l'on souhaite adopter. Il est ainsi possible de se lancer dans l'établissement d'une ville industrielle ou d'une simple bourgade de campagne. On peut également opter pour un régime totalitaire façon 1984 donc ou une cité cyberpunk, hippie, capitaliste... En réalité, ces choix n'amusent que quelques heures. Le résultat est effectivement trop caricatural et pour peu que l'on souhaite faire une cité « classique », on se retrouve rapidement avec des bâtiments qui n'ont aucun sens comme une maison hantée ou un château en ruines.Pas franchement intéressant, SimCity Sociétés n'est même pas beau...
Pire, le fonctionnement même du jeu est bancal. Tilted Mill a fait reposer son titre sur le nécessaire équilibre entre six « tendances » (productivité, prospérité, créativité, spiritualité, autorité et savoir) qui agissent comme autant de ressources supplémentaires en plus des classiques « simflouz » (notre argent). Chaque bâtiment produit ou consomme une ou plusieurs de ces six ressources et il faut donc avoir suffisamment de « stock » pour faire grandir la ville. Hélas, il n'y a en fait aucun défi dans tout cela et l'équilibre s'obtient le plus simplement du monde. De la même manière, l'argent n'est jamais vraiment un problème et il suffit d'accélérer un peu le temps pour que les caisses se remplissent puisque le joueur n'a pour ainsi dire aucune dépense à assumer en-dehors des constructions qu'il décide mettre en place !
L'un dans l'autre et alors qu'un SimCity est doté d'une durée de vie faramineuse, celle de Sociétés fond comme neige au soleil. Après trois heures, notre ville est bien développée, la plupart des objectifs (atteindre certains seuils de « tendances ») ont été accomplis et l'essentiel des bâtiments débloqués. Le jeu n'a plus d'intérêt puisque les Sims ne rouspètent que rarement et quand bien même ils seraient mécontents, leur influence sur la ville est limitée. Il ne reste alors plus qu'à jouer avec la caméra pour découvrir la cité sous tous les angles et nous touchons ici au dernier problème d'un jeu qui n'avait vraiment pas besoin de ça : l'ensemble n'est ni très beau ni très fluide, au point que les catastrophes naturelles (seul moment délicat d'une partie) ont vite fait de transformer le tout en diaporama. Quant aux possesseurs de machines suffisamment puissantes (Pentium IV 3 GHz, 2 Go de mémoire, 7800GT), ils se plaindront quand même : Sociétés a tendance à vouloir fréquemment revenir au bureau de Windows... En même temps, nous aussi !
Conclusion
Triste monde. Si l'on en croit la plupart des éditeurs, le grand public est incapable d'apprécier des jeux un tant soient peu complexes et les plus fameuses licences sont sacrifiées sur l'autel de la rentabilité... Triste bilan que celui de ce SimCity Sociétés, antithèse du jeu de gestion tel que l'a conçu Will Wright. En voulant simplifier les mécanismes de jeu, Tilted Mill en a dénaturé le concept. Plus question de s'occuper de l'approvisionnement en eau ou des impôts alors que la gestion de l'électricité est basique. Les parties sont trop faciles et l'argent ne manque pour ainsi dire jamais. Les habitants ne posent guère de difficultés et on oublie vite les problèmes de criminalité, d'incendie ou de santé propres à tout city builder qui se respecte. Le joueur ne trouvera donc aucun intérêt à ce titre dont la principale réussite est de proposer de très nombreux bâtiments différents... Triste monde, je vous dis.Ce jeu vous intéresse ? Retrouvez-le dans le