Les grandes marques derrière nos smartphones semblent vouloir depuis des années la mort de la prise Jack. Mission accomplie avec succès si on se réfère aux fiches techniques de nos chers compagnons de poche les plus récents. Face à la mort programmée de la connexion filaire, les amateurs de musique n'ont plus d'autre choix que se tourner vers le Bluetooth, porte-étendard du sans-fil.
Il n'est toutefois pas toujours simple de s'y retrouver dans les nombreux codecs existants et les terminologies dont regorge le monde de l'audio. Ce dossier pour débutants vous aidera à y voir plus clair. Au final SBC, AAC et autres LDAC n'auront plus de secrets pour vous.
Quelques définitions indispensables
Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques rappels s'imposent pour bien appréhender les bases de l'audio numérique. Voici les définitions indispensables à connaitre.Fréquence d'échantillonnage
La musique numérique est avant tout un ensemble de bits, soit des 1 et des 0 codés par l'ordinateur. La fréquence d'échantillonnage indique le nombre de fois qu'un signal est capturé en une seconde. Par exemple, un CD enregistré à 44.1 KHz signifie que chaque seconde le signal analogique émis par votre groupe préféré a été analysé 44100 fois.Dans le monde de la musique, on trouve majoritairement des fréquences de 44.1 kHz. Certains morceaux sont cependant enregistrés en 96 kHz, voire plus. On parle alors de haute définition.
Profondeur de bits
Comme nous l'avons vu plus haut, la musique numérique est un assemblage de 0 et de 1. La profondeur de bits définit la quantité d'informations codées sur un échantillon. Plus elle est élevée, plus le signal sera précis dans sa restitution.Les CD audio sont ainsi encodés sur 16 bits et avec une fréquence de 44.1 kHz. Ces valeurs peuvent être plus élevées, améliorant la qualité de la musique. La taille des fichiers est toutefois plus conséquente à mesure que la profondeur de bits et la fréquence d'échantillonnage augmentent.
Débit binaire
Si en audio filaire le débit binaire n'a que peu d'importance, cette donnée est essentielle pour un fonctionnement en Bluetooth. Exprimé en bits par seconde - ou bps - le bitrate indique la vitesse d'un signal. Plus la valeur est élevée, plus les données envoyées sont nombreuses. Le débit binaire est une notion indispensable pour l'utilisation du Bluetooth.Chaque codec possède en effet son propre bitrate. Notez toutefois que les données indiquées par les constructeurs sont fournies dans des conditions idéales, c'est-à-dire sans prendre compte des perturbations dues à la distance entre émetteur - le smartphone - et récepteur - votre casque - ainsi que les éventuelles perturbations extérieures.
Le débit binaire réel est donc moins bon que celui de la théorie et tend à varier en permanence. Vous avez déjà eu des coupures lors de l'utilisation de vos écouteurs ? Elles provenaient sûrement d'une chute du débit suite à des interférences, ce qui arrive dans les endroits saturés d'ondes émises par des appareils utilisant eux aussi le Bluetooth, des bornes Wi-Fi ou autres.
Compression
Les capacités audio du Bluetooth sont malheureusement limitées à l'heure actuelle. Les transmissions sans-fil via cette norme demandent donc de trouver un équilibre entre la qualité et la quantité de données à faire transiter.La solution consiste à appliquer une compression des données. Il en résulte une connexion plus stable, mais une dégradation de la musique, les codecs Bluetooth “scalpant” certaines fréquences jugées inaudibles par l'oreille humaine.
Dans l'absolu, la majorité des personnes n'entendront pas de différences majeures entre les divers codecs existants.
Qu'est-ce qu'un codec ?
Le mot codec est une contraction de codeur/décodeur. Il s'agit d'un procédé logiciel qui va traiter et faire transiter les données numériques d'un émetteur à un récepteur, en appliquant au passage une compression si nécessaire. Le but d'un codec est de fournir la meilleure qualité audio possible tout en limitant l'usage de la bande passante.Bien entendu, il peut sembler logique de privilégier la qualité audio avant tout. Mais comme nous l'avons vu plus haut, le Bluetooth est sensible aux perturbations. Dans un environnement inadéquat, un codec avec un bitrate élevé aura du mal à surmonter la perte de nombreux paquets de données, ce qui dégradera votre expérience : coupures, craquements, grésillements...
Dans ces conditions, ce sont les codecs qui occupent le moins de bande passante qui s'en sortent le mieux, car ils transmettent moins d'informations, privilégiant la stabilité de la connexion. Certes, la qualité audio est moins bonne, mais vous entendrez au moins vos morceaux préférés sans coupures !
Les principaux codecs Bluetooth
Maintenant que nous avons vu la théorie, passons à la pratique. De nos jours, tous les smartphones sont équipés d'une puce Bluetooth. Il suffit d'appairer un casque sans-fil pour profiter de ses musiques en quelques secondes. Le choix du codec est en général invisible, la puce privilégiant le plus adapté selon les circonstances. Notez d'ailleurs qu'à codec égal, la qualité de transmission peut être très variable d'un smartphone à un autre.SBC
Le SBC - pour Sub-Band Codec - est le codec de base embarqué sur tout appareil audio. Si rien n'est précisé sur la fiche technique de votre casque et/ou smartphone, alors sachez que le SBC est quand même intégré.Ce codec dispose de débits variables allant jusqu'à 320 kbps. Il provoque une destruction de données numériques - donc une dégradation de la qualité audio - mais permet une connexion stable en milieu dense.
AAC
Privilégié par Apple sur ses iPhone, le codec AAC - Advanced Audio Coding - vise à proposer une alternative viable au SBC. S'il utilise un algorithme compressif, il est moins destructeur que le MP3. Son débit maximal est fixé à 250 kbps.Le codec AAC donnera le meilleur de lui-même sur les appareils Apple. En effet, les smartphones Android ne gèrent pas aussi bien ce codec, ce qui entraine une consommation de batterie plus élevée. La faute en revient en grande partie à la fragmentation de ce système d'exploitation qui rend l'optimisation difficile pour les constructeurs.
AptX
S'il y a bien une famille de codecs à privilégier, c'est celle des AptX, AptX HD et AptX Low Latency. Le petit dernier, AptX Adaptive, ne devrait pas tarder à rejoindre la fratrie.Conçus par Qualcomm, ces codecs sont très répandus sous Android. Ils offrent des débits binaires plus élevés que le SBC - de 352 kbps à 576 kbps - tout en assurant une très bonne stabilité de connexion.
Leur algorithme est certes destructif, mais la qualité d'écoute reste au rendez-vous. Vous pouvez ainsi profiter de morceaux 24 bits/48 kHz avec une qualité plus que convenable. La famille AptX a aussi l'avantage de n'occasionner qu'une faible latence, ce qui est idéal pour visionner des vidéos sur Netflix ou YouTube sans décalage perceptible avec l'audio.
LDAC
Avant-dernier codec de la liste, le LDAC est le plus “haut de gamme”. Il est développé par Sony, société japonaise spécialisée en audio. Il fonctionne selon trois bitrate différents : 330, 660 ou 990 kbps.Le LDAC offre une expérience qui se rapproche de la musique lossless, c'est-à-dire sans pertes dues à la compression. C'est du moins la théorie. Dans la pratique, les smartphones compatibles choisissent par défaut le débit minimum de 330 kbps. Il faut activer les options de développement pour avoir accès au bitrate le plus élevé. Mais dans ce cas-là, la connexion tend à devenir instable d'après nos essais.
LHDC
Créé par Savitech, le LHDC est un concurrent sérieux au LDAC de Sony. Celui-ci permet en effet des débits théoriques jusqu'à 900 kbps. Tout comme son homologue de chez Sony, il peut s'adapter selon trois bitrates différents, à savoir 400, 560 et 900 kbps. Et tout comme le LDAC, le LHDC a obtenu la certification HiRes Audio Wireless délivrée par la JAS.Ce codec est en mesure de traiter des morceaux en 24 bits/96 kHz, ce qui en fait un allié de choix - sur le papier du moins - pour l'écoute en haute-fidélité. Son principal problème, c'est qu'il n'est pas implanté nativement dans les smartphones Android. La marque Huawei est quasiment la seule à pousser ce codec, ce qui limite pour l'instant son expansion.
Le LHDC a toutefois donné naissance à un autre codec, le LLAC. Tout comme le AptX-LL, ce dernier vise à limiter la latence. Savitech annonce des temps de décalage de seulement 30 ms, mais ces chiffres sont bien entendu à prendre avec des pincettes.
Ce codec à basse latence offre des bitrates de 400 et 600 kbps. Il sait coder en 24 bits/48 kHz, ce qui reste inférieur au LHDC, mais équivalent à AptX. Là aussi, peu de smartphones proposent ce codec en dehors de ceux produits par Huawei.
Dans l'absolu, nous avons obtenu les meilleurs résultats avec un débit de 660 kbps avec un Pocophone F1 et un casque Sony WH-1000XM3. La qualité audio est alors excellente. Notez quand même que le LDAC est très énergivore et consomme jusqu'à 30% plus de batterie que le SBC.
Quel matériel choisir ?
Pour terminer ce dossier, un petit mot sur le choix de votre matériel. Lors de votre achat, regardez bien la fiche technique de votre futur casque Bluetooth et comparez-là à celle de votre smartphone.Par défaut, tous les appareils audio Bluetooth actuels sont compatibles avec le codec SBC. Mais si vous choisissez un casque AptX HD, il faudra vérifier que votre smartphone est capable de gérer ce codec. C'est le cas des appareils équipés de puces Qualcomm, ce qu'on trouve facilement dans l'univers Android. Par contre, oubliez l'usage d'un casque AptX avec un iPhone : Apple ne prend pas en charge ce codec.
Pour le LDAC, c'est peu ou prou la même histoire. Les smartphones Android depuis Android 8.0 intègrent une gestion native de cet excellent codec. Il faudra quand même que votre casque le prenne en charge. Pour le moment, seul Sony propose des appareils audio compatibles, ce qui limite vite le choix.
Pour simplifier, gardez en tête que pour profiter pleinement d'un codec, il doit être pris en charge des deux côtés de votre chaîne du son : en entrée sur le smartphone et en sortie sur votre casque. Prenez aussi en compte que le Bluetooth impose de dégrader les données et qu'il est pour le moment inférieur à une liaison filaire. Mais soyons francs, l'absence de fils est quand même bien agréable au quotidien !