Silicon Valley, épisode 1 : les débuts de la Vallée du Silicium

Cyrielle Maurice
Publié le 21 janvier 2018 à 17h25
On parle tous les jours de systèmes d'exploitation, de smartphones, de Cloud, de voitures autonomes et de réseaux sociaux, et beaucoup savent qu'un grand nombre des entreprises qui font émerger ces nouvelles technologies ont leurs bureaux en Californie. Pour redonner un peu de contexte aux sujets que nous traitons au quotidien, Clubic a décidé de lancer une saga sur l'histoire de la Silicon Valley et de ses acteurs. Premier épisode : les origines de la « Vallée du Silicium » !

Fleuron américain de l'industrie de pointe, la Silicon Valley attire tous les scientifiques et les entrepreneurs chevronnés depuis plus d'un siècle. Berceau d'Apple, Google, Microsoft ou encore Intel pour ne citer qu'eux, voici un retour sur l'histoire de cette région incontournable du monde informatique et numérique.

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La Silicon Valley doit son nom au journaliste Don Hoefler, qui l'a baptisée ainsi en 1971 en faisant référence au matériau de base des composants électroniques, le silicium. C'est par ailleurs l'une des raisons principales pour laquelle les premiers scientifiques ont investi la région dès les années 1900. De vaste terrain agricole à la fin du XIXe siècle, la Silicon Valley se transforme petit à petit en la région prospère que l'on connaît aujourd'hui.

Un vivier technologique depuis 1909

La première impulsion voit le jour avec la création par Cyril Elwell de la société Federal Telegraph Corporation (FTC), en 1909 dans la ville de Palo Alto. Il s'agit d'une entreprise spécialisée dans la communication, et elle est connue à ce jour comme la première firme consacrée aux nouvelles technologies - de l'époque - à s'installer dans la région. Mais c'est un peu plus tard, en 1925, que la graine de la Silicon Valley commencera à germer.

Un homme va en effet propulser l'activité économique de la Silicon Valley. Il s'agit de Frederick Terman, engagé alors par l'université Stanford pour enseigner l'ingénierie électronique. L'absence d'emplois chez les diplômés dans les années 1930 le laisse perplexe. Il faut dire que l'activité industrielle est très forte de l'autre côté des Etats-Unis, sur la côte Est. Afin d'endiguer la fuite des cerveaux vers les régions de New York et Washington, il décide d'agir.

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Il parvient à convaincre quelques-uns de ses étudiants de créer leur entreprise dans la Silicon Valley, comme William Hewlett et David Packard en 1939. Ces derniers établiront leur société pour produire un oscillateur audio dont le premier client ne sera autre que Walt Disney. Frederick Terman voit cependant plus loin que le simple maintien de ses étudiants dans la région californienne : il veut inverser la vapeur.

1956, date clé pour la Silicon Valley

En 1955, Frederick Terman créé le Honors Cooperative Program, permettant aux entreprises locataires des 3 230 hectares de terrain que possède l'université d'accéder aux programmes de l'établissement. Avec cette initiative, le flux de chercheurs et d'ingénieurs explose dans la région, au point de doubler la population de la ville de Palo Alto dans les années 1950. Certains pionniers de l'industrie étaient par ailleurs invités à donner des cours aux étudiants de Stanford, alimentant ainsi le bouillon de culture scientifique.

Le gouvernement américain y voit même l'occasion d'installer à Moffett Field un laboratoire de recherche pour l'aéronautique Militaire, l'Ames Aeronautical Laboratory, plus tard renommé Ames Research Center. Cette collaboration avec le pays mène à la fondation du Stanford Research Institute à Menlo Park, dédié à la recherche scientifique et technologique pour le compte du gouvernement ou d'entreprises privées. Mais la véritable transformation de la Silicon Valley, que l'on connaît aujourd'hui comme le berceau de l'informatique, date de 1956.

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William Shockley, scientifique fraîchement récipiendaire d'un prix Nobel pour avoir co-inventé le transistor en 1948, est engagé par la société Beckman Instruments pour installer son laboratoire de recherche à Mountain View. Tous les ingénieurs de Bell Labs refusent de quitter le New Jersey pour la Californie, conduisant William Shockley à recruter de jeunes diplômés - dont un certain Gordon Moore, à qui l'on devra plus tard la création d'Intel et la loi de Moore. Pour la fabrication de ses transistors, William Shockley décide de faire appel au Silicium au détriment du Germanium, qui était pourtant le matériau de base le plus répandu à l'époque.

Les 8 traîtres

Tout se passe bien dans le meilleur des mondes jusqu'à ce que, une année plus tard, huit de ces jeunes diplômés décident de rendre leur tablier. Raison invoquée : les mauvaises méthodes de management imposées par William Shockley - mais aussi sa personnalité, tyrannique et caractérielle. C'est ainsi que Julius Blank, Victor Grinich, Jean Hoerni, Eugene Kleiner, Jay Last, Gordon Moore, Robert Noyce et Sheldon Roberts déploient leurs ailes de l'indépendance et partent créer leur propre entreprise de semi-conducteurs dans la Silicon Valley.

Après quelques recherches laborieuses, ceux que l'on appelle désormais les 8 traîtres (The Traitorous 8, un vrai titre de film Tarantinien) parviennent à séduire le grand groupe Sherman Fairchild et à le convaincre d'investir dans leur compagnie. La Fairchild Semiconductor est née, faisant concurrence à d'autres entreprises de semi-conducteurs comme Texas Instruments (oui, les calculatrices scientifiques) à Dallas, Motorola à Phoenix ou encore Transitron et Raytheon à Boston.

Fairchild Semiconductor parvient à sortir son épingle du jeu avec le développement de circuits intégrés et brevète la technologie planar, qui devient par la suite la technologie appliquée à tous les circuits intégrés. Au fur et à mesure, la firme se distingue non seulement par ses innovations technologiques, mais également par les talents qu'elle abrite et une culture d'entreprise innovante, brisant les codes d'une hiérarchie verticale à la faveur d'une relation égalitaire. Douze ans après la création de Fairchild Semiconductor, George Moore et Robert Noyce quittent la compagnie et fondent Intel avec Andrew Grove.

La nouvelle vague 2.0

Après la création d'Intel en 1968 et AMD en 1969, la Silicon Valley devient l'un des pôles les plus emblématique de l'innovation technologique. Toutefois, les années 1970 marquent l'arrivée d'une période stable pour la Silicon Valley. Mais la région n'est pas en déclin, au contraire. Les activités de la région continuent avec notamment la naissance du microprocesseur, ou celle de l'ordinateur personnel dans les années 80. Les entreprises mènent leur petit train quotidien, mais après une croissance forte et continue depuis les années 50, il semblerait que la Silicon Valley ait trouvé son équilibre durant cette période, et ce jusqu'à l'arrivée et la démocratisation d'internet.

La Silicon Valley est généralement considérée comme le centre de ce que l'on a appelé « la bulle Internet », qui a commencé au milieu des années 1990 et s'est effondrée après que le marché boursier du NASDAQ ait commencé à chuter en avril 2000. Malgré l'éclatement de cette bulle, la Silicon Valley maintient son statut de l'un des meilleurs centres de recherche et de développement dans le monde.

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C'est notamment la raison pour laquelle, en 2006, la Silicon Valley se relève plus forte que jamais et a retrouvé sa santé économique. Le milieu des années 2000 est le témoin d'une nouvelle vague 2.0, que l'on peut notamment illustrer avec le lancement de Youtube en 2005 et son rachat rapide par Google, l'accès public de Facebook en 2006 ou encore la création de Twitter la même année. Très vite, la Silicon Valley accueille à bras ouvert les petits prodiges derrière ces succès et repart vers une nouvelle phase de croissance inédite.

Aujourd'hui, nous pouvons contempler l'hégémonie de la Silicon Valley et de ses entreprises sur le monde numérique. Les plus grandes entreprises du web logent en effet dans la région : Google, Amazon, Facebook et Apple (les fameux GAFA) créent une dynamique hors du commun. Au 1er janvier 2015, la population de la Silicon Valley s'élève en effet à presque 3 millions d'habitants. Il s'agit à ce jour de l'une des régions les plus chères de la planète, son PIB équivalant à celui d'un pays comme le Chili.

D'autres pays tentent aujourd'hui de reproduire le succès de la Silicon Valley dans les régions clés. Cambridge en Angleterre, Zhongguancun en Chine, Santiago du Chili, Casablanca ou encore Sophia Antipolis en France... Tous espèrent créer une dynamique capable de contrer celle de la Silicon Valley, d'attirer des jeunes actifs et des entrepreneurs ambitieux. Ils devront tous pourtant faire face à un lourd retard, car un siècle d'industrie américaine les contemple.


L'épisode 2 de cette saga, dédié à Microsoft, sera prochainement publié sur Clubic. Nous vous proposons de voter pour le sujet de l'épisode 3 en choisissant parmi les propositions ci-dessous, ou en nous indiquant en commentaire quel thème vous souhaiteriez nous voir traiter.

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