Comment peut-on récupérer de données depuis un disque dur endommagé ? Quels sont les bons réflexes à adopter en cas de panne ? Notre dossier complet.
Photos, vidéos, cours pour les particuliers, comptabilité, fichiers clients, site Internet pour les professionnels... Nos disques durs contiennent des données qui comptent dans nos vies ou celles de nos entreprises. Et comme la capacité de ces supports ne cesse de croître, ils renferment désormais une quantité impressionnante de souvenirs et autres fichiers d'importance.
Pourtant, ces mécaniques de précision sont particulièrement vulnérables : un choc, un écart de température trop important ou encore un dégât des eaux peuvent endommager sérieusement les disques durs.
Que faire lorsque cela vous arrive ? Nous avons posé la question à des spécialistes de la récupération de données, qui nous ont donné leurs conseils pour optimiser vos chances de sauver vos données.
Rappels sur le principe de fonctionnement d'un disque dur
Pour bien comprendre la récupération de données sur un disque dur endommagé, vous devez posséder quelques notions de base sur le fonctionnement de ce composant informatique.Un disque dur (en opposition au disque « mou » que constituaient les disquettes) est ce qu'on appelle un support magnétique, contrairement aux clés USB et autres SSD, qui sont des supports électroniques. Les disques durs sont en effet composés de plateaux concentriques tournants à grande vitesse (entre 5 400 et 15 000 tours par minute). Faits d'aluminium, de verre ou de céramique, ces plateaux (dont le nombre varie selon la capacité du disque dur) sont recouverts d'un substrat ferromagnétique utilisé pour l'enregistrement des données.
Ces données sont inscrites sur le disque sous forme des fameux bits, qui correspondent à l'orientation des cellules du substrat (les fameux « 0 » et « 1 »). Pour écrire et lire ces informations, une tête magnétorésistive (pour l'écriture) et inductive (pour la lecture) « vole » au-dessus de la surface des plateaux du disque dur. Pour danser de la sorte à seulement quelques dixièmes de micromètres au-dessus du substrat, ce composant ultra-précis a besoin d'un coussin d'air. Contrairement à ce qui est généralement admis, un disque dur n'est donc pas complètement étanche. Cette arrivée d'air est d'ailleurs une cause de panne : les filtres s'obstruent et le flux d'air est modifié, tout comme le vol des têtes de lecture au-dessus des plateaux.
Évoquons enfin la carte électronique, dont le rôle est d'assurer le bon fonctionnement du disque dur ainsi que la communication avec la carte mère et le système d'exploitation. Cette carte est composée d'un microprocesseur, d'une mémoire cache et d'une ROM. Mais fonctionne aussi et surtout à partir d'un firmware, c'est-à-dire un code qui va permettre au disque dur de fonctionner correctement. C'est lui qui, par exemple, contient les paramétrages de réglage des têtes de lecture. Une erreur au niveau de ce morceau de code, et c'est tout le disque dur qui peut en pâtir.
Disque dur : les deux types de pannes
La perte de données peut avoir deux origines : matérielle ou logique. Dans ce dernier cas, l'erreur est très souvent humaine : formatage, suppression de fichiers... Parfois, cette suppression n'est pas le fruit d'une manipulation malencontreuse, mais celui d'un acte délibéré et malveillant (vous avez sans doute déjà entendu parler des ransomwares).Quoi qu'il en soit, l'interface chaise-clavier est derrière tout ça. Mais aussi grossière que soit l'erreur, aussi virulent que soit le virus, tout ce qu'il est possible d'infliger au disque dur est une panne logique, c'est-à-dire une altération des données, sans détérioration possible du disque dur en lui-même.
Si le problème du ransomware est à traiter à part (sans céder au chantage...), les soucis de suppression de fichiers, de partition ou de formatage intempestif peuvent être résolus par des logiciels spécialisés. Si vous souhaitez en savoir plus en la matière, n'hésitez pas à consulter notre dossier : récupérer ses données perdues : astuces et logiciels.
Si vous ne vous sentez pas à l'aise avec ce genre de logiciels ou si vous avez le moindre doute concernant votre panne, il existe de bons professionnels, compétents, qui sauront récupérer vos données. Mais attention : que vous passiez par un tiers ou que vous vous chargiez vous-même de l'opération, si la panne est matérielle, toute tentative de sauvetage via un logiciel pourrait mettre en péril vos précieux fichiers. Pour ne pas vous tromper, il est important d'opérer le bon diagnostic quant à l'état de votre disque dur.
La phase de diagnostic du disque dur
Au moment de réaliser le diagnostic, une précaution d'usage s'impose : il s'agit d'alimenter votre disque dur le moins longtemps possible. En effet, si le problème est mécanique et touche les têtes de lecture (c'est souvent le cas après un choc), la rotation des plateaux peut endommager sérieusement des données qui étaient peut-être, jusqu'alors, intactes.S'il s'agit d'un disque dur placé dans un PC portable, éteignez donc ce dernier rapidement une fois le diagnostic établi. Si le disque dur est issu d'une tour et ne constitue pas le disque système, mieux vaut l'extraire et le placer dans un rack ou dock externe, afin de pouvoir couper l'alimentation en un instant.
Lors d'une panne physique d'un disque dur, vous pouvez rencontrer globalement trois types de situations différentes.
Celles, tout d'abord, où le disque dur ne tourne plus et n'émet aucun son (problème de carte électronique le plus souvent, de moteur plus rarement), ou celles où le disque tourne un moment avant de stopper son activité (cet arrêt constitue une manœuvre de protection automatique du disque qui évite de corrompre les données en cas de dysfonctionnement reconnu). Dans ces deux cas, vous ne pouvez pas agir par vous-même, mais fort heureusement, vous ne pouvez pas non plus aggraver le problème. Ce n'est pas toujours le cas.
Si le disque émet un bruit suspect ou répétitif et/ou s'il n'est pas reconnu par le gestionnaire de périphérique (pour les utilisateurs de Windows), mieux vaut couper l'alimentation sans insister. En effet, nous avons sans doute affaire dans le premier cas à des têtes de lecture endommagées qui ne parviennent pas à se positionner correctement, ou à un problème de microcode du disque dur (dans le second cas). Dans ces deux situations, continuer d'alimenter le disque dur pourrait aggraver son état et rendre les données irrécupérables.
Dernière situation possible, enfin : celle où la copie des données est très longue, voire impossible. Ce symptôme caractérise souvent la présence de secteurs défectueux. S'acharner sur ces zones pourrait avoir comme conséquence d'affecter les têtes de lecture, et ainsi de propager les erreurs à d'autres secteurs du disque, et donc à d'autres fichiers. En résumé, et dans cette situation là encore, mieux vaut limiter vos actions sur votre support de stockage.
Le mythe du congélateur
En informatique, certains mythes ont la vie dure. Celui du congélateur en fait partie. Il se base sur diverses expériences heureuses de personnes qui ont décidé de ne pas suivre la dernière de nos recommandations et qui ont pu copier des fichiers après avoir laissé reposer leurs disques durs dans un congélateur, pendant un temps très variable.Si cette méthode semble avoir fonctionné pour certains, elle a toutefois beaucoup plus de chance de corrompre plus encore vos données à cause de la condensation que ce procédé peut engendrer, et qui viendrait endommager le substrat magnétique présent à la surface des plateaux. L'importante variation du gradient de température peut également engendrer une dilation mécanique importante au moment de la remise en tension. Bref, oubliez cette idée.
La récupération matérielle : notre expérience en salle blanche
Ce diagnostic, nous avons pu le mettre en œuvre sur le disque dur d'un ordinateur portable qui avait malencontreusement chuté. Support non reconnu par le gestionnaire de périphérique, bruit suspect : pas de doute, aucun de nos logiciels ne viendrait récupérer les données présentes sur ce disque.Problème : le propriétaire du disque dur avait, lui aussi, tenté un diagnostic. Durant de longues minutes. Sans imaginer les risques de pertes définitives de données qu'il prenait.
Réception du support et arrivée du disque en "zone hardware" chez DATABACK
Et le désastre annoncé a bien eu lieu. Nous avons utilisé ce disque dur endommagé pour expérimenter la récupération de données en salle blanche. Et le constat de Samuel Durand, responsable technique chez Databack, est implacable : « L'une des têtes de lecture, très probablement endommagée durant la chute, est entrée en contact de manière inappropriée avec la surface. Les tentatives répétées d'actions sur le disque ont non seulement abîmé le substrat magnétique du disque, mais ont aussi déformé la tête de lecture, rendant le disque dur complètement inopérant. »
« Nos films de vacances et notre collection de distributions GNU/Linux seraient-ils perdus »
Nos films de vacances et notre collection de distributions GNU/Linux seraient-ils perdus à jamais ? « 80% des disques durs que nous recevons ont des pannes d'origine matérielle et fort heureusement, des solutions existent pour récupérer vos données », nous rassure M. Durand.
Il faut dire que ce spécialiste français de la récupération de données exerce cet art depuis plus de 15 ans, soit presque autant que son principal concurrent, Recoveo, l'autre acteur français de la récupération de données. Et comme Recoveo, Databack dispose bien entendu de ses propres salles blanches, à La Roche-sur-Yon. C'est là que notre disque dur de test a été pris en charge.
Quelles opérations ont donc pratiquées ces experts de la récupération de données sur notre disque ? Tout d'abord, ils ont opéré le diagnostic évoqué plus haut. Notre disque a ensuite été démonté en salle blanche, afin d'extraire le bloc de têtes de lecture défectueux.
Extraction du bloc de têtes de lecture défectueux
Puis les techniciens ont vérifié l'état de ces têtes de lecture et enregistré les paramètres afin de les appliquer à un nouveau bloc, issu d'un disque dur compatible avec le nôtre. Un nouveau bloc intégré au notre support, non sans avoir au préalable dépolluer et vérifier la surface des plateaux à la loupe.
Après avoir vérifié le montage du nouveau bloc et remonté le disque, les techniciens ont pu réaliser une copie de nos données. Copie partielle, car certaines portions des disques n'étaient pas récupérables. Nous avons néanmoins retrouvé plus d'une centaine de gigaoctets de données qui auraient été perdues sans cette intervention minutieuse.
Recherche et intégration d'un bloc de têtes compatibles
Une manœuvre plutôt simple et habituelle pour des professionnels rompus à des exercices plus périlleux : lire un disque dur comportant habituellement six têtes de lecture avec seulement deux têtes de lecture, maintenir la concentricité des données lors du remplacement d'un moteur, ou encore remplir des disques à l'hélium tout en maintenant la hauteur des têtes et des disques stabilisés... Des procédés qui tiennent tous du secret industriel et qui sont l'objet de nombreuses heures de recherche et développement.
Le cas du SSD
La proportion de SSD dans les supports à traiter croissant de manière conséquente les dernières années, les entreprises comme Databack ou Recoveo ont dû adapter leur ingénierie à ce stockage particulier.D'autant que la technologie évolue rapidement, là où les celles liées aux disques durs évoluent plus en douceur. Exemple : lire une puce SLC (single layer cell) ou une NAND TLC voire une VNAND TLC (triple layer cell 3D) ne demande pas les mêmes efforts. Il faut jouer sur la tension ou la température de ces cellules, avec des réglages spécifiques aux différentes marques, et effectuer plusieurs lectures pour récupérer le maximum de données. Le partage d'expérience avec d'autres entreprises du secteur, notamment aux États-Unis, est vital.
Pire : certains SSD sont équipés de contrôleurs qui encodent les données en AES-256 bits. Pour accéder à ces dernières, il faut donc obligatoirement passer par ce contrôleur. Des actions qui nécessitent une grande connaissance du fonctionnement de chacun des contrôleurs du marché, et une relation étroite avec les ingénieurs de Samsung, Marvell et autres acteurs du domaine.
Comme pour les disques durs, les SSD sont l'objet d'un diagnostic. Mais ce dernier est souvent plus simple : si le SSD n'est pas reconnu, mieux vaut l'envoyer directement au support. Que le problème vienne d'un dysfonctionnement du microcode, de la carte électronique, de l'alimentation ou du contrôleur, vous ne pourrez mener aucune action qui n'aurait comme conséquence de supprimer définitivement vos données (mise à jour du firmware) ou d'endommager davantage le SSD.
Les inconvénients de la fonction TRIM
Désormais nativement supportée par les systèmes d'exploitation modernes, la fonction TRIM optimise l'allocation des blocs disponibles sur le SSD en permettant la suppression de ceux qui ne servent pas (le rôle des mécanismes de type « Garbage Collector »). La commande TRIM, prévue dans la norme ATA, est passée par le système d'exploitation hôte au contrôleur en indiquant une plage de LBA pouvant être libérée.Lorsque le contrôleur SSD reçoit cette information, il marque simplement les espaces mémoires Flash correspondants comme libres. Aussi, la commande TRIM n'a aucun effet d'effacement. C'est le Garbage Collector qui fera l'opération d'effacement proprement dite. La probabilité de retrouver des données effacées dépend donc de la fréquence et du seuil de déclenchement de ce mécanisme. Fréquence qui varie selon les constructeurs.
Vous l'aurez compris, vous pouvez donc court-circuiter ce mécanisme destructif en désactivant la fonction TRIM dans votre système d'exploitation. Sur Windows 10, lancez l'invite de commandes en administrateur et entrez la commande :
Si la commande retourne DisableDeleteNotify = 0, la fonction TRIM est activée. Pour la désactiver, entrez la commande :
Conclusion : sécurisez vos données !
La récupération de données n'est pas une science exacte. Mais vous augmentez vos chances de revoir vos précieux fichiers en limitant vos actions à un rapide diagnostic, et en confiant si besoin votre support de stockage à des professionnels aguerris.Méfiance à ce sujet : les laboratoires français comme Recoveo ou Databack subissent une concurrence étrangère qui a tendance à établir une guerre de prix qui ne sert pas le consommateur. En effet, derrière ces tarifs attractifs se cachent souvent des interventions techniquement très limitées. Résultat : l'entreprise vous informe que vos données sont perdues, alors que ce n'est pas le cas.
Pour en avoir le cœur net, il est préférable de passer par un prestataire certes plus onéreux, mais qui a l'avantage de mettre toutes les chances de votre côté. Et qui ne vous engage pas forcément : envoyer votre disque dur, votre SSD ou votre clé USB à ces entreprises vous permet de recevoir gratuitement une liste des fichiers récupérables. Si ceux qui vous intéressent se trouvent dans cette liste et que vous souhaitez les récupérer, c'est alors qu'il faudra passer à la caisse. Mais pas avant. Et si vous vous apercevez que les fichiers les plus précieux sont définitivement perdus, vous n'avez pas déboursé d'argent pour rien.
« Reste que pour économiser à coup sûr argent, sueurs froides et angoisses... »
Reste que pour économiser à coup sûr argent, sueurs froides et angoisses, mieux vaut s'épargner ce genre de démarches. En maintenant votre système à jour, en choisissant un antivirus fiable, ou et bien entendu en effectuant des sauvegardes régulières sur un support tiers, éventuellement via un logiciel dédié comme Cobian Backup (performant et gratuit). Les installations de type RAID 1, 5 ou 10, notamment, peuvent être utiles, mais sont plus onéreuses. Les solutions de sauvegarde dans les nuages sont également à envisager, car elles vous préservent des dégâts irrémédiables des incendies, des inondations ou tout simplement des vols. Quoi qu'il en soit, les solutions sont multiples et bien moins onéreuses qu'un passage dans une salle blanche, qui reste l'ultime recours.