Camille Pinet
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Si la Taycan a impressionné les foules et permis à Porsche de réussir sa conversion à l’électrique au-delà de ses espérances, il lui manquait ce caractère pratique et cette image de véhicule de loisirs qui fait le succès des SUV. C’est toute l’ambition de la version Cross Turismo, dont nous avons pu évaluer les nouvelles capacités.

Comme les autres marques de luxe allemandes, Porsche maîtrise à merveille la mécanique du succès dans les hautes sphères automobiles. Elle repose sur la maîtrise technologique reconnue du constructeur, mais aussi sur sa capacité à « animer » ses gammes en proposant régulièrement des nouveautés. Une recette qui n’a aucune raison de ne pas fonctionner avec les électriques, dont les plateformes se prêtent encore plus facilement aux évolutions de formes. Il n’était donc pas question de laisser à la Taycan « berline » l’exclusivité de l’électrification malgré son incontestable succès (en France, elle est le deuxième modèle le plus vendu de la marque).

Camille Pinet
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Du mouvement dans la gamme électrique Porsche

Tout comme la Panamera a eu droit à sa version Sport Turismo, elle s’offre un dérivé de carrosserie qui peut faire penser à un break. En remplaçant le suffixe « Sport » par « Cross », elle y ajoute tout l’attirail esthétique qui plaît tant au client moderne : élargisseurs d’ailes en plastique noir, réhausse de 20 mm, barres de toit (optionnelles !) et jantes spécifiques. En adoptant cette silhouette, ce modèle justifie en tout cas enfin le déterminant masculin que Porsche s’obstine à appliquer à la berline.

Le constructeur tient d’ailleurs à distinguer résolument cette version en la mettant en scène dans un univers de loisirs et en mettant en avant des capacités tout chemin. La nouveauté peut même recevoir un « pack Offroad » comme certains SUV aguerris. Reste qu’il est décliné dans les mêmes versions, hormis celle d’entrée de gamme à deux roues motrices. Tous les « Cross Turismo » ont en effet droit aux deux moteurs entraînant chacun un train de roulement.

La gamme compte donc quatre déclinaisons de puissance, la batterie « Performance » de 93,4 kW/h étant fournie d’office. Nous avons pour notre part pu prendre en main la 4S de 571 ch qui est déjà l’une des plus demandée en France pour la Taycan « classique ».

Un intérieur toujours exigu

Présenté comme un véhicule doué pour les loisirs, le Cross Turismo semble être l’outil rêvé pour transporter ses planches de surf à la plage et se plier en quatre pour les départs en vacances. La réalité apparaît un peu moins idyllique. Certes, avec son arrière moins fuyant et son hayon un peu plus vertical, le Cross Turismo propose selon son constructeur 45 mm d’espace à la tête à l’arrière et 39 litres de volume de coffre de plus que la Taycan.

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Reste que pour une auto de près de 5 mètres de long et large de deux mètres, l’espace reste singulièrement compté à bord. 446 litres de coffre, c’est à peine 26 litres de plus que ce que propose une compacte comme la Peugeot 308, sans compter qu’aucun logement sous plancher ne permet d’accueillir les encombrants câbles de recharge. A l’arrière, l’espace à la tête est suffisant pour deux grands adultes mais l’espace aux jambes n’a rien à voir avec ce que propose habituellement un modèle de ce gabarit. Il faut glisser ses pieds dans la petite cave aménagée dans les sièges avant pour trouver un confort correct. Bref, le Cross Turismo reste avant tout un véhicule de sport et non un engin de loisirs.

Il hérite naturellement de la planche de bord et de tous les équipements inaugurés par la Taycan. Même si le design reste bien dans l’esprit de la marque avec une console centrale haute et des formes qui rappellent la Panamera, les commandes traditionnelles laissent la place à pléthore d’écrans, particulièrement dans notre exemplaire bardé d’options. Entre l’instrumentation numérique, le système multimédia, le panneau de contrôle placé sur la console, celui faisant face au passager et enfin le panneau contrôlant la climatisation arrière, on en a compté cinq à bord, soit plus que de boutons physiques sur la planche de bord qui les réserve au changement de vitesse et au démarrage. Et c’est sans compter l’affichage tête haute optionnel !

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Que ceux à qui la sensation tactile manquerait se rassurent, le volant continue à faire confiance à des bon vieux boutons poussoirs et basculeurs, en refusant de céder à la mode des commandes haptiques qui n’ont pas fait la preuve de leur pertinence pour ce type d’application. Ce choix du tout écran prête le flanc aux traces de doigts qui font toujours désordre dans une voiture de luxe, mais l’ergonomie proposée par Porsche apparaît plutôt satisfaisante malgré la profusion des menus et fonctionnalités. On apprend assez vite à trouver la répartition des fonctions conforme à ses préférences : affichage GPS dans l’instrumentation numérique et gestion de l’énergie sur l’écran central ou inversement. On n’atteint évidemment la simplicité offerte par l’écran unique des Tesla, mais Porsche rattrape son retard à grande enjambées.

Comme il se doit, les fonctionnalités connectées pullulent, depuis l’utilisation des cartes Google Earth pour le GPS en passant par le service de streaming musical Apple Music.

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L’esprit plus que la lettre

Avec son attirail esthétique et sa garde au sol relevée de 20 mm, on pourrait prêter au Cross Turismo des capacités hors goudron, ce que Porsche ne se prive pas de faire valoir afin d’installer son image de modèle de loisir. Après tout, certains modèles comme le Subaru Outback ou l’Audi A6 Allroad ont su prouver qu’il n’était pas nécessaire d’être un SUV ou un 4X4 pour briller sur les chemins.

Le Cross Turismo présente cependant quelques caractéristiques qui rendent cette ambition difficile à atteindre. Un gabarit très imposant d’abord : avec 5 m et 2 m de large, il n’est pas question de se faufiler à travers des petits chemins. Sa masse lui interdit également les terrains meubles. On connaît cependant certains 4X4 qui parviennent à dépasser ces inconvénients, mais le Porsche n’y parvient pas en raison d’une garde au sol qui reste insuffisante malgré sa réhausse et surtout une suspension dont le débattement est insuffisant pour ce genre d’exercice. Dès lors, même sur les chemins très faciles que nous avons parcourus, sur lesquelles n’importe quel véhicule conventionnel pourrait s’aventurer, il souffre d’un réel manque d’amortissement et fait sentir chaque caillou, particulièrement lorsque le mode « lift » qui permet d’élever la garde au sol de 30 mm est activé. La voiture se comporte alors comme une Citroën hydraulique en position haute. A noter que c’est aussi le cas avec le pack Offroad déjà cité puisque la garde au sol maximale reste identique.

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Dommage, car la propulsion électrique montre une nouvelle fois sa pertinence dans ce type d’environnement lorsque la circulation y est autorisée : non seulement son silence et l’absence de rejets polluant apparaissent particulièrement appréciable, mais la possibilité de doser au millimètre l’accélération donne d’excellentes possibilités de contrôle de la motricité. D’ailleurs, l’auto propose un mode « gravier » qui permet de rouler sur des chemins sablonneux sans perte de traction, même avec les énormes pneus de route d’origine. Il faudra cependant attendre un futur Macan ou Cayenne électrique pour en profiter pleinement.

Comme la berline, c’est donc avant tout sur route que le Taycan Cross Turismo brille le plus. Même dans cette version 4S intermédiaire, il procure des accélérations aussi immédiates que réellement violentes lorsque l’on écrase la pédale de droite. Il préserve également la qualité de la direction de la berline : très directe, elle offre une précision digne de la marque, ce qui n’est pas si simple à réaliser sur un modèle aussi pesant et encombrant. Il se montre étonnamment agile sur petite route. Cependant, sa masse très élevée et le faible débattement de sa suspension sont bien perceptibles : le Taycan Cross Turismo ne survole pas la route comme la Panamera hybride que nous avons essayée dans ces colonnes en dépit de sa suspension pneumatique très évoluée : les percussions sont plus nombreuses et la sensation d’inertie jamais totalement effacée.

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Autonomie, recharge et consommation du Porsche Taycan Cross Turismo

Forte de 93,4 kWh, le Cross Turismo profite de facteurs de performance énergétiques proches de la berline même s’il avoue 100 kg de plus sur la balance, ce qui devient très relatif lorsque le cap des 2 tonnes est allégrement dépassé... Nous n’avons pas été en mesure, sur notre parcours d’essai assez court, de vider la batterie pour évaluer son autonomie exacte.

Nous avons en revanche réalisé plusieurs relevés de consommation et surtout testé la recharge grâce à la borne Ionity d’Abbeville, capable de délivrer une puissance de 350 kW. Elle nous a permis de faire passer la capacité de 55 % à 85 % en 20 minutes. Durant cette période, la charge s’est maintenue à une puissance d’environ 103 kW pour diminuer à 95 kW passé la barre fatidique des 80 %. Un chiffre qui reste excellent compte tenu de la propension naturelle des batteries à limiter la puissance de recharge à mesure qu’elles se remplissent. Evidemment, pour que l’expérience soit complète, il eût fallu recharger à partir de 0% pour obtenir la puissance maximale de recharge, annoncée à 270 kW par Porsche. Quoiqu’il en soit la promesse d’une recharge « rapide » est tenue, pour peu que l’on trouve une borne adéquate sur son chemin.

Du côté de la consommation, nous avons relevé 23,7 kWh sur route à bon rythme et 28 kWh sur autoroute à 130 km/h stabilisés. Des chiffres étonnamment proches des valeurs WLTP qui annoncent entre 22,6 et 26,4 kWh/100 km : dès lors, l’autonomie annoncée entre 388 km et 452 km apparaît réaliste, comme cela a d’ailleurs été déjà prouvé par les tests de la Taycan « berline ».

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Acheter un Taycan Cross Turismo

On s’en doute, le Taycan Cross Turismo affiche des tarifs élitistes. Il faut compter au minimum 114 814 € pour la version 4S. Surprise, c’est 168 € de moins qu’une Taycan 4S dotée du pack de batteries Performance Plus, qui la place au même niveau de capacité. C’est aussi 4 565 € de moins que la Panamera 4 E-Hybrid Sport Turismo, nettement moins puissante. On pourrait presque croire à l’affaire du siècle mais, il va de soi que s’agissant d’une Porsche, il ne s’agit que d’un prix de base, le catalogue d’options étant aussi riche que celui des modèles thermiques.

Comptez 4 272 € pour les jantes de 21 pouces de notre modèle d’essai, 588 € pour les barres de toit, 504 € pour le pack Electric Sound de sonorité synthétique, 1 352 € pour les roues arrière directrices, 1 032 € pour l’écran du passager, 9 012 € pour les freins céramique… On tousse un peu à ce tarif de devoir débourser 1 764 € pour un régulateur adaptatif, 1 104 € pour l’entrée mains libres ou encore 1 428 € pour l’indispensable caméra de recul. Bienvenue dans l’univers Porsche !

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Bilan Porsche Taycan 4S Cross Turismo

En devenant Cross Turismo, la Taycan ne change pas vraiment de nature. Certes un peu plus logeable, elle reste dans cette variante la plus sportive des électriques du moment. Ses accélérations météoriques et la précision de son pilotage se paient par des sacrifices certains en matière de confort et d’usage. Pas question donc d’y voir un modèle de loisir polyvalent : pour cela il faudra patienter jusqu’à l’arrivée du remplaçant du Macan qui sera 100 % électrique. Son choix sera donc avant tout motivé par son esthétique comme c’est déjà le cas pour sa cousine thermique Panamera Sport Turismo.

Camille Pinet

Fiche technique Porsche Taycan Cross Turismo

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Prix et équipement

Prix

Prix Porsche Taycan 4S Cross Turismo : 114 814 €
Gamme à partir de 98 565 €

Equipement

  • Peinture métallisée : 1 104 €
  • Affichage tête haute : 1 608 €
  • Caméra de recul : 1 428 €
  • Entrée et démarrage sans clé : 1 104 €
  • Freinage céramique : 9 012 €
  • Jantes 20 pouces : 2 172 €
  • Phares matriciels à LED : 1 740 €
  • Pompe à chaleur : 852 €
  • Régulateur adaptatif : 1 764 €
  • Roues arrière directrices : 2 352 €
  • Sellerie tout cuir : 3 618 €
  • Sièges électriques : de série
  • Sièges avant chauffants : 438 €
  • Sièges ventilés : 1 020 €
  • Système audio Burmester haut de gamme : 5 988 €
  • Toit panoramique : 1 620 €