Son nom est encore confidentiel, mais il tend à être connu : la société Electra se lance dans la recharge pour véhicules électriques. Nous avons décidé d’essayer leur première station à Aubervilliers.
Le nom de l’entreprise ne vous dit rien, et pourtant on ne devrait plus tarder à en entendre parler davantage. Née de l’idée de trois passionnés de mobilité électrique, la société française veut redéfinir à sa manière le monde de la recharge automobile. Conscient des enjeux autours de la voiture électrique et des craintes concernant son utilisation, la startup s’est fixé un objectif simple : désangoisser la recharge en la rendant plus accessible, facile et fiable. L'entreprise promet aussi un parcours automobiliste novateur, avec une application dédiée qui permet de tout gérer depuis le smartphone, de la réservation d'une place au paiement.
Maillage : deux stations pour le moment, mais beaucoup de projets
A l’heure où nous avons effectué ce premier test, Electra ne disposait que d’une seule station sur l’ensemble du territoire, située à Aubervilliers aux côtés du Village Mobilité, une plateforme de services pour mieux guider les automobilistes vers la mobilité électrique. La route est donc encore longue pour la start-up, qui envisage d’installer 1 000 stations en France à l’horizon 2030. Un objectif ambitieux, fruit d’un rythme effréné : Electra promet d’installer deux stations complètes par mois, puis de doubler la cadence à partir de la fin de l’année.
Mieux que des promesses, Electra a entre temps concrétisé ce coup d’envoi en coupant le ruban d’une nouvelle station à Beaune, au Greet Hotel aux abords directs de l’autoroute A6, à la sortie 24.1 dans les deux sens. Une zone de prédilection pour de nombreux opérateurs qui veulent se tailler une part du gâteau sur le marché de la recharge : à la confluence des A6, A31 et A36, l’échangeur voit passer de nombreuses voitures électriques en itinérance depuis toute l’Europe. C’est dans cette région que Fastned a décidé de poser la majorité de ses bornes, alors que Tesla vient d’ouvrir à tous son plus long (pas forcément le plus grand) réseau de Superchargeurs au monde.
D’après la carte prévisionnelle communiquée sur son application, Electra envisage d'installer sous peu cinq nouvelles stations en région parisienne, deux de plus le long de l’Autoroute du Soleil (à Ecully près de Lyon, et à Avignon) et un site près de Bordeaux. Comme toujours, les stations seront positionnées hors des autoroutes et accessibles à tous, que ce soit des conducteurs en voyage, ou des locaux privilégiant les recharges rapides régulières (bien que ce ne soit pas une pratique recommandable pour le bien de la batterie).
Technologies : hardware et software
Si la quasi totalité (91%) des points de recharge installés en France proposent des puissances allant de 1,8 kW à 22 kW en courant alternatif, Electra privilégie les bornes rapides en courant continu : sur le site d'Aubervilliers, l’opérateur propose des unités de 225 kW et de 150 kW. De quoi couvrir les besoins de la très grande majorité des voitures électriques en circulation. Mais Electra pense aussi aux voitures plus modestes ou dotées de prises plus exotiques, en proposant une Wallbox et des prises CHAdeMO sur ses stations (Nissan Leaf, Kia Soul…).
L’opérateur ne fabrique pas ses propres bornes et se fournit chez des spécialistes en la matière. La plus petite unité de cette station d’Aubervilliers est issue du catalogue du fabricant chinois XCharge. Il s’agit plus exactement d’un modèle C6EU, au nom trahissant un développement spécifique pour répondre aux exigences européennes. A côté, la borne pleine puissance provient du constructeur italien Alpitronic. Un matériel de qualité utilisé par de nombreux opérateurs à travers l’Europe, dont EnBW en Allemagne et Fastned en Europe, avec ici un Hypercharger HYC_300 en configuration 225 kW.
Les câbles proposés semblent d’une longueur toujours suffisante puisqu’ils s'allongent sur toute celle de la place. Tous les véhicules pourront s’y brancher facilement, sans que l’utilisateur ait besoin de tirer des deux mains sur la prise pour la positionner correctement dans le port de recharge.
Dans les deux cas, les bornes affichent les informations de recharge via un écran rectangulaire (Hypercharger) ou rond (C6EU). Mais les données sont aussi lisibles depuis l’application sur le smartphone, qui propose plusieurs fonctions. Celles-ci reposent notamment sur des solutions software propre à Electra afin de simplifier l'exercice de la recharge.
L'entreprise indique qu'elle a développé un ensemble de services pour simplifier la recharge. Elle parle pour cela de « briques logicielles », invisibles et en couche pour améliorer l'expérience. Electra évoque notamment les algorithmes concernant les fonctions Booking, Dispatch et Load Balancing.
Elle permettent aux utilisateurs et aux voitures de bénéficier de la recharge la plus rapide et confortable possible, en préparant en amont la recharge. Le système prend en compte l'utilisation à un instant T pour mieux répartir les voitures sur les bornes selon leur besoin. Aussi, une fois sur place, la fonction Load Balancing permet de répartir la puissance de la borne intelligemment entre deux véhicules selon Electra.
Stations Electra : des petites attentions, sans plus
Electra nous a précisé que pour cette première station, installée au fond d’une silencieuse mais résonnante cour, l’environnement a limité l’agencement des bornes. Il s’agit surtout d’un programme pilote, certes opérationnel, qui a permis aux équipes d’apprendre et de développer leur offre. Ainsi, sur les quatre places disponibles au moment de notre essai, deux n’étaient pas raccordées à un point de recharge. Aussi, en raison de sa disposition, une des deux prises de l’Hypercharger est inutilisable. C’est cette dernière borne qui devrait notamment être déplacée au fond de l'aire, afin d'être exploitée pleinement.
Pour ce coup d’essai, Electra fait les choses bien. Certes, il faudra tricoter derrière le volant pour pouvoir garer les plus grosses voitures électriques sur le parking. Mais la station baigne dans la lumière, même de nuit avec un éclairage plutôt correct. Les places sont marquées par une signalétique spécifique et elle disposent de butées afin d'éviter à la voiture de toucher le mur en manoeuvrant. Une très bonne idée, au contraire de l'absence d’auvent pour protéger les utilisateurs lors d’intempéries.
De plus, si la place adaptée aux personnes à mobilité réduite a le mérite d’exister, ces conducteurs devront faire le tour de la borne pour accéder à l’écran de contrôle installé en hauteur. Nous ne savons pas si Alpitronic a ajouté l’option récemment ou non, mais d’après nos recherches sur le site du fabricant, ce dernier propose bien une configuration accessible aux PMR avec un écran placé plus bas.
Pour le moment, les équipements sont faibles sur les deux stations existantes. Mais si nous ne pouvons pas tirer de conclusions sur des rendus virtuels, Electra semble prévoir des stations avec des structures en bois et des marquises au dessus des bornes. De plus, on regrette l'absence de tendeur de câble sur les bornes, car il ont les défauts de leur qualité : toujours suffisamment longs, ils traînent au sol.
Utilisation : une proposition conventionnelle
Pour ce premier essai, nous avons eu l’occasion de brancher la nouvelle Renault Megane e-Tech sur la borne XCharge. Elle délivre une puissance suffisante pour la compacte électrique, qui ne prend toutefois pas son pic en raison de la charge disponible à notre arrivée. L’opération de raccordement a été particulièrement simple, et il faut ensuite scanner un QR code sur la borne pour lancer la charge depuis l’application. S’ensuit une recharge parfaitement conventionnelle.
Sur l’écran de la borne scindé en deux parties, il est possible de connaître le taux de charge, le temps restant, l’énergie délivrée et la puissance de recharge. Un petite particularité pour celle-ci, puisqu’elle est au format expert : l’écran affiche la tension et l’intensité. Il faut se rendre sur l’application pour connaître la valeur exprimée en kW.
En revanche, la puissance de recharge est ici limitée en raison du raccordement. Contactées par nos soins, les équipes d’Electra nous ont indiqué que la puissance est tributaire du réseau électrique dans ce quartier d’Aubervilliers. Ce qui est bien probable, puisque nous n’avons observé aucune chute de la vitesse de charge sur la station de Beaune.
Sur cette dernière, l'exercice de recharge avec une Hyundai Ioniq 5 s'est passé comme nous l'espérions, avec des puissances recharges cohérentes et une utilisation facile.
Application : c'est là qu'Electra mise tout
Mais ce n’est pas tant avec ses jolies stations que ses solutions connectées qu’Electra envisage de se démarquer de ses concurrents. La startup a pour cela développé une application dédiée qui permet en un coup d’oeil de trouver les stations, de connaître leur disponibilité et les informations techniques. L’aperçu du plan est même directement exportable sur n’importe quelle application de navigation, que ce soit Google Maps ou Apple Plan, mais aussi Waze ou ABRP.
Mais c’est bien la possibilité de réserver une place qui se démarque chez cet opérateur. Toujours depuis l’application, et après avoir renseigné ses informations ainsi que celles du véhicule, l’utilisateur peut conserver une place. Et c’est le système qui détermine la borne adaptée en fonction des capacités de recharge de la voiture, du type de prise utilisée et de la disponibilité sur la station.
Pour l’aire de Beaune, les considérations passent au second plan puisque toutes les unités sont suffisamment dimensionnées. Au Lab Village Mobilité, c’est la borne XCharge qui a été sélectionné pour la Megane, ou pour toute autre voiture. Question de choix, pour laisser la place 1 disponible - notamment pour des citadines, comme la Dacia Spring.
Afin de simplifier l’expérience utilisateur, les réservations ne sont pas facturées, ni amont, ni en cas d’annulation. Reste que, ce qui s’apparente à un bonne idée, pourrait devenir un peu plus problématique à gérer. Car lorsque l’utilisateur effectue une réservation, celle-ci court jusqu’à 30 min après l’heure d’arrivée calculée par le système. Si vous vous trouvez à une heure de la borne, votre place est garantie pendant 1h30. Mais cela marche aussi si vous vous trouvez à l’autre bout du pays : nous avons ainsi pu occuper une place à Aubervilliers depuis Lyon, soit 5h30 avant la fin de la réservation. Cela ne devrait pas être possible, puisque cette opération bloque la borne inutilement alors qu'aucune Dacia Spring ne fera ce trajet en si peu de temps…
En revanche, un autre scénario est envisageable entre deux stations, comme nous l’avons expérimenté. Après une recharge sur l’aire de la Réserve sur l’autoroute A6 en direction de Lyon, nous avons pu réserver une place sur la nouvelle station Electra de Beaune. Distance : 184 km. Temps de trajet : 1h40. Voilà la durée de réservation de la borne, durant
laquelle cette place n°3 ne sera pas accessible aux autres automobilistes. A notre arrivée, il suffit de placer la voiture sur la place réservée, de
brancher la voiture et de lancer la charger puis de l’arrêter depuis l’application. C’est simple et efficace.
Nous ne pensons pas avoir lésé des utilisateurs durant notre longue et égoïste réservation. Mais cela pourrait se révéler problématique avec les nombreux voyageurs qui décideraient de se conserver une place longtemps en avance sur la station de Beaune. D’autant qu'il s'agit d'une zone où de nombreux conducteurs doivent penser à recharger leur voiture. Nous pensons qu'Electra devrait envisager de mettre en place un rayon au-delà duquel la réservation n'est plus possible, ou des pénalités en cas de réservations abusives.
Prix et facturation : le plus abordable des rapides
Voilà un chapitre sur lequel les opérateurs doivent sérieusement penser à travailler. Car pour des raisons encore obscures et des flous juridiques, les acteurs du secteurs se sont autorisé de nombreuses originalités : paiement par badge propriétaire, possibilité de paiement par CB uniquement en ligne après avoir flashé un QR Code (peu pratique quand le réseau mobile manque), facturation au kWh, à la minute, voire les deux ! Bref, un festival qui ne permet pas de démocratiser la mobilité électrique.
Voulant simplifier l’expérience, Electra affiche un prix unique et qui plus est parmi les plus bas : 0,44 €/kWh. Tant pis pour les pompes à watts que sont les Hyundai Ioniq 5, Kia EV6 ou Porsche Taycan, mais tout le monde y trouvera son compte avec ce type de facturation au kWh et non à la minute. Le prix est dans la moyenne en ville, mais aux côtés des autoroutes, il met tout le monde d'accord : la grille tarifaire est plus intéressante que celle de Fastned (0,59 €/kWh), et autrement plus abordable que les Superchargeurs Tesla (0,69 €/kWh).
Dans le cas de la Renault Megane, cela représenterait approximativement 28€ en prenant en compte l’énergie débitée par la borne pour un plein complet. Sur autoroute, il faudrait plutôt tabler sur une recharge de 20€ pour passer de 10% à 80% de charge. Comme d'habitude, pour connaître à peu près votre coût d'usage direct, il faudra multiplier votre consommation par le prix affiché. Rien de plus simple.
A noter que l’opérateur français prévoit aussi une pénalité de 2 €/10 min au-delà de 2 heures de recharge. Sauf cas très particulier, aucune voiture n'a besoin de ce temps pour faire un plein rapidement, alors que les recharges lentes en courant AC ne servent qu’à faire un appoint. Mais cela permettra de dissuader les « voitures ventouses » dans les zones commerciales et urbaines visées par Electra.
Le paiement des recharges Electra se fait via l’application. Si les bornes Alpitronic ne disposent pas de terminal CB (le constructeur propose l’option), la XCharge offre la possibilité d’utiliser sa carte bleue sans contact. Le badge Chargemap est utilisable dans les deux cas.