En avril dernier EDF a confirmé sa volonté de peser dans la filière hydrogène en annonçant la création d'une nouvelle filiale : Hynamics. Destinée principalement à l'industrie et à la mobilité, Hynamics entend faciliter les projets de transition énergétique grâce à une production d'hydrogène bas carbone, par électrolyse de l'eau.
L'hydrogène est-il une solution viable pour faire pencher la balance vers une production d'énergie décarbonée et ainsi répondre aux enjeux climatiques du XXIe siècle ? C'est ce que nous allons tenter de savoir ici !
Hynamics : un œil sur la planète
Issu d'un projet incubé au sein d'EDF Pulse Croissance, la pépinière de start-up de l'énergéticien français, Hynamics aspire à acquérir une place de choix dans la filière hydrogène tout en gardant un œil sur la planète. Outre l'aspect écologique de ce nouvel engagement d'EDF (dont nous reparlons ensuite), la filière hydrogène devrait également constituer un large rôle économique dans les décennies à venir, comme le montre un rapport établi en 2018 par la société McKinsey selon lequel la consommation d'hydrogène représentera 18% de la demande en énergie finale dans le monde d'ici 2050.Si ce rapport montre qu'il faudra désormais compter sur l'hydrogène dans certains secteurs, il n'indique cependant pas que l'hydrogène actuellement produit l'est à 95% à partir de gaz naturel, une énergie fossile dont le recours est loin d'être idéal et compatible avec la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de CO2 dues au gaz naturel représentent en effet (en 2016) 20,4% des émissions totales des filières de production d'énergies (derrière le pétrole et le charbon). En outre, durant son cycle de vie, à commencer par son extraction, le gaz naturel engendre de nombreux risques ainsi que des émissions de méthane dont les effets sur le réchauffement climatique sont 25 fois plus importants que le CO2.
Malgré tout, le gaz naturel peut également être obtenu de manière renouvelable grâce à la fermentation de matière organique avec différents procédés tels que la méthanisation (on l'appelle alors biométhane), mais son utilisation reste encore marginale. En France, l'objectif est de passer à une part de 10% de biométhane dans le gaz naturel consommé d'ici 2030.
Vous l'aurez peut-être compris, Hynamics ne prévoit pas aujourd'hui de produire de l'hydrogène à partir de gaz naturel, mais grâce à l'électrolyse de l'eau, une méthode qui émet très peu de CO2 si elle a recours à une énergie issue d'une production bas carbone. C'est largement le cas de l'énergéticien français grâce à son parc de centrales nucléaires et aux diverses sources d'énergies renouvelables à sa disposition.
Un an après le rachat de McPhy par EDF, une société qui propose des électrolyseurs, des solutions de stockage de l'hydrogène, ainsi que des stations hydrogène, la création de cette filiale confirme désormais les fortes ambitions d'EDF qui indique vouloir « devenir un acteur incontournable de la filière hydrogène en France et à l'international et de renforcer sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique ».
L'hydrogène, c'est quoi ?
L'hydrogène, représenté par la lettre H et situé en première position du tableau de Mendeleïev, est l'élément le plus abondant de l'univers, mais également le principal constituant du Soleil. Nous avions d'ailleurs déjà évoqué son existence et ses propriétés dans notre article sur ITER et l'avenir de la fusion nucléaire, phénomène qui alimente les étoiles en énergie.Très rare dans notre atmosphère ainsi que dans la croûte terrestre, l'hydrogène se trouve ici sous sa forme moléculaire de formule H2, il est composé de deux atomes d'hydrogène et porte donc le nom de dihydrogène, bien qu'on l'appelle généralement hydrogène. À l'état gazeux, il possède la particularité d'être très léger et volatile, il se disperse très rapidement. Il n'est pratiquement pas disponible à l'état naturel, seules quelques sources d'émanations d'hydrogène ont pu être repérées et les scientifiques ignorent encore beaucoup de choses à propos de cet « hydrogène naturel », à commencer par son mode de génération.
Les moyens de production d'hydrogène
Comme stipulé dans notre premier paragraphe, le principal moyen de production d'hydrogène à l'heure actuelle nécessite le recours aux énergies fossiles, notamment avec la technique de vaporeformage du gaz naturel.L'exploitation de sources naturelles permettrait à l'hydrogène de ne plus être qu'un simple vecteur d'énergie, mais de devenir une ressource comme peuvent l'être le pétrole ou le charbon. Toutefois, les quantités estimées sont généralement assez basses. Notons tout de même qu'un programme de recherche nommé sen4H2 a très récemment été lancé avec l'aide de l'Agence spatiale européenne (ESA). Son objectif est de repérer les émanations naturelles d'hydrogène grâce à l'imagerie satellite.
Bien que coûteux, le moyen de production le plus prometteur aujourd'hui est sans conteste l'électrolyse de l'eau, méthode encensée par Hynamics. Le procédé consiste à dissocier les molécules de dihydrogène et de dioxygène de l'eau en faisant passer un courant électrique continu dans une eau qui contient un électrolyte comme l'acide sulfurique.
D'autres procédés sont également utilisés pour produire de l'hydrogène, comme l'oxydation partielle d'hydrocarbures ou la gazéification à partir de charbon, mais nous allons ici nous concentrer sur les avantages de la technique utilisée par Hynamics.
Notons aussi qu'il existe une technique très prometteuse, encore au stade expérimental, qui consiste à produire de l'hydrogène photosynthétique à l'aide de cyanobactéries capables de dissocier les molécules d'eau en utilisant l'énergie solaire, autrement dit : la lumière naturelle !
Les avantages de l'hydrogène énergie par électrolyse de l'eau
Pour commencer, bien que l'hydrogène soit présent en très faibles quantités à l'état naturel, il reste une source d'énergie quasiment inépuisable puisqu'il est possible de le produire à partir d'eau. De plus, si la méthode de l'électrolyse utilise actuellement de l'eau purifiée, de récentes recherches indiquent qu'il est possible de neutraliser le sel contenu dans l'eau de mer afin d'utiliser cette manne abondante pour produire de l'hydrogène.Le deuxième argument majeur concerne évidemment son rendement énergétique. L'hydrogène possède en effet un rendement trois fois supérieur à l'essence, en outre sa combustion ne produit que de la vapeur d'eau contrairement à l'essence qui contribue largement aux émissions de gaz à effet de serre.
S'il ne libère que de l'eau lors de sa combustion, l'hydrogène peut également être produit de façon propre et écologique. C'est notamment ce qu'entend réaliser Hynamics en utilisant des sources d'énergie bas carbone pour sa production d'hydrogène. Toutefois, les coûts de production restent élevés, car cette méthode est très gourmande en électricité.
Enfin, l'hydrogène pourrait se révéler d'une importance capitale dans un contexte de transition énergétique pour la simple et bonne raison qu'il peut être utilisé comme un moyen de stockage plus efficace de l'électricité. Cette caractéristique peut être particulièrement intéressante, d'autant que la consommation d'électricité coïncide rarement avec sa production, un phénomène que l'on retrouvera amplifié en ayant recours à des énergies renouvelables tels que l'éolien ou le photovoltaïque.
L'hydrogène : une solution d'avenir ?
La production, le stockage et le transport de l'hydrogène soulèvent encore certaines problématiques auxquelles l'industrie se devra de répondre pour porter cette énergie au cœur des solutions concrètes de la transition énergétique, mais cette filière est très prometteuse et il ne fait pas de doute qu'elle devrait prendre beaucoup d'ampleur dans les années à venir.La recherche avance rapidement donc dans ce domaine. Par exemple, pour réduire les coûts de la pile à combustible - qui permet d'alimenter en carburant les véhicules électriques qui en sont équipés -, les chercheurs tentent de mettre au point des systèmes qui remplacent le platine (un métal très coûteux) par le palladium, ou encore le manganèse.
Si à l'heure actuelle l'hydrogène est principalement utilisé dans l'industrie pour la production d'engrais et de méthanol, pour le raffinage de produits pétroliers, ou encore dans le secteur de l'aérospatial, il pourrait être, dans un futur proche, une solution concrète pour décarboner le secteur des transports, mais également pour accompagner la transition énergétique en se plaçant comme une solution de stockage et ainsi remédier aux fluctuations de production des énergies renouvelables.
En revanche, si l'hydrogène vert semble être en mesure de devenir une solution incontournable pour les industriels qui souhaitent décarboner leurs activités ainsi que pour le secteur des transports (trains, bus, etc.), elle nécessitera une forte volonté politique et de larges investissements pour que ce carburant prometteur puisse être accessible au grand public.