Et si vous pouviez vivre la SF à travers la réalité augmentée d'un jeu vidéo ?
Nous vous proposons aujourd'hui un hors série de notre rendez-vous · S | ꟻ · pour accompagner la sortie du tome 2 de Bolchoï Arena. Un monde sans limites que à découvrir au côté de Marje, une jeune astrophysicienne qui ne part pas qu'à l'assaut des étoiles...
Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Bolchoï Arena
Boulet et Aseyn, publiée chez DelcourtDes traits épurés et une histoire dense. Lorsqu'on ouvre ce « roman graphique », nous sommes comme Marjorie : plongés dans un monde nouveau, immersif, sans limites et libre à explorer. Mais pas si déconnecté.
Sorti en 2018, le premier tome de Bolchoï Arena, collaboration très inspirée entre les dessinateurs Boulet (ici au scénario) et Aseyn, tient le lecteur en haleine. Le second, sorti ce 22 janvier, se dévore de même...
« Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau »
Enfin, elle s'est décidée. Marje a suivi les conseils de sa meilleure amie Dana et craqué pour un casque de VR et un accès au Bolchoï Arena. Et nous vivons avec elle ses premiers pas dans la simulation : un jeu vidéo peut-être, mais surtout un véritable monde parallèle. Une référence mondiale aux dizaines, aux centaines de millions de joueurs, aux activités aussi diverses qu'exaltantes. Aller flotter dans un scaphandre au-dessus de la Terre ne demande plus que quelques secondes d'attente, tout comme faire des courses de podracer, ou aller observer les anneaux de saturne depuis une base orbitale. Élève astrophysicienne, Marje n'a d'abord qu'une envie, visiter le Système solaire qu'elle connait déjà sur le bout des doigts.La couverture du 1er tome de Bolchoï Arena
Le Bolchoï a ses codes, ses règles, et comme tout jeu en ligne, sa microsociété entre les points d'expérience, les bots, les personnages de haut niveau et les boulets. L'erreur serait de croire, alors que l'on découvre qu'il faut attendre six heures pour se reconnecter lorsque notre avatar se fait tuer, que l'on est en train de lire un récit initiatique. Car l'histoire de Marje va nous emmener bien au-delà, et nous montre qu'à travers ses proportions, le Bolchoï est plus qu'un jeu. Surtout pour elle.
« Tu empiètes sur leur terrain, boum, ils te dégomment »
On comprend vite qu'en miroir au « monde réel », le Bolchoï a ses propres strates. Certains y disposent d'un business, comme Carlos l'expert en assemblage de vaisseaux... Mais des multinationales sont là aussi, et exploitent des planètes, des expansions et des mines, disposent d'armées de drones et de pièges aptes à vous rendre la vie infernale. Et Marje s'en rend vite compte, elle qui voulait juste voir les rivières de méthane sur Titan !Le Bolchoï vit, et s'étend parfois en ouvrant de nouveaux secteurs. L'occasion pour des placements, de nouvelles routes commerciales et... Beaucoup d'embûches pour une nouvelle qui ne connaît pas les codes, mais montre une extraordinaire faculté à voler et combattre ! Posant des bases aussi rapides, mais plus profondes qu'un « Ready Player One », Bolchoï Arena nous fait progresser à toute vitesse. En se méfiant des déconnexions et du Lag, qui n'est jamais bon signe...
« Je n'y passe pas trop de temps ! »
On sent à l'écriture que Boulet a passé de nombreuses heures immergé dans les jeux de rôle en ligne. Le thème de l'addiction est abordé intelligemment, avec une héroïne maladroite qui, impressionnée par ses propres prouesses et par le nombre d'activités à sa disposition, laisse doucement le Bolchoï prendre trop de place dans sa vie personnelle et professionnelle. Et si son amie Dana la comprend bien, c'est plus difficile pour son copain ou même son réputé professeur qui attend ses travaux de recherche...Rendez-vous décalés, dîners ratés, manque de sommeil, Marje est sur une pente glissante - sans pourtant rentrer dans le cliché - vers l'overdose ? Un miroir sur nos addictions modernes, mais aussi sur notre propre lecture, puisqu'on accompagne Marje pas à pas : l'histoire est si riche que l'on ne voit pas le temps passer dans ce récit. Ce dernier introduit d'ailleurs facilement de nombreux concepts en peu de pages.
Malgré l'arrivée d'un nouveau tome qui contient sa part de mystères et d'explications, on sent que tout ne pourra être approfondi et qu'il faudra certainement faire appel à notre imagination ! Peut-être certains en resteront sur leur faim quand d'aucuns considéreront cet aspect comme un point fort ; le dessin lui-même laisse plusieurs arrière-plans à la suggestion.
« On est sensés bosser en équipe, bordel ! »
Lettre d'amour à la découverte de l'Univers et à la volonté d'aller l'explorer, Bolchoï Arena s'appuie sur un groupe de personnages attachants, mais pas toujours attachés, dont les avatars sont parfois peu ressemblants avec leur réalité hors du jeu. Ils sont pourtant tous reconnaissables avec des arcs historiques que l'on devine passionnants, comme le petit ami de Marje, Colin qui joue sous la forme d'un corgi, la légendaire pilote Hoshiko ou le tumultueux Koshka.L'image, qui reprend un peu les codes du néo-rétro avec des coupes de cheveux très « 70's », fait parfois penser à Valerian et Laureline (Christin & Mézières), mais s'adapte aux codes de 2020. Quant aux thèmes, s'ils évoluent entre le tome 1 et le 2, sont très adultes. Le besoin de reconnaissance, la perte de prise entre le réel et le jeu vidéo, la mainmise des multinationales et leur contrôle... Ces sujets sont distillés au milieu de splendides scènes de combats qui s'échappent parfois dans la « pure SF ». Des moments, d'ailleurs, où les dessinateurs s'en sont donnés à cœur joie ; certains de ces plans justifient à eux seuls la lecture de tout le bouquin, croyez-moi sur parole.
« Je parie sur une embuscade »
S'embarquer dans Bolchoï Arena, c'est accepter de se plonger dans une saga à rebondissements... Et de la quitter pour mieux la retrouver à quelques années d'écart. À l'écriture, Boulet confessait ces derniers jours être bien avancé sur le tome 3, et avoir des idées fixes pour « les suivants ». Il faudra donc être patients pour attendre les nouveaux dessins pleine page et fourmillants de détails pastel des prochains ouvrages, qui distillent un art consommé pour les fins à suspense. Et espérer que le public comme Delcourt soutiendront l'aventure dans les années à venir.Le voyage, que j'ai adoré, en vaut certainement la peine. Avec Marje, on a encore bien des découvertes à faire ; sur le Bolchoï, mais aussi sur sa vie et... la nôtre ? Alors qu'en reposant le tome 1, on aspire à enfiler son casque, démarrer notre vaisseau et aller nous frotter aux meilleurs pilotes lors de la prochaine expansion... Dans le tome 2, on s'interroge déjà sur notre devenir de rêveurs et de joueurs. Vivement le suivant...
Comme nous le disions plus haut, Bolchoï Arena est édité par Delcourt et disponible seulement chez les bons libraires ;)