Aujourd’hui on se fait un petit plaisir régressif : attention, anciens enfants ébahis et autres ex-adolescents subjugués, nous prenons la route pour un petit come back dans un futur qui laissait entrevoir une technologie presque aussi enthousiasmante que le film qui l’a révélée.
Que serait la science-fiction sans ses inventions qui nous fascinent ? Anticipations perspicaces de l’avenir ou véritables sources d’inspiration pour les scientifiques, certains de ces fantasmes technologiques ont transcendé la fiction pour accéder aux portes du réel. Dans Les inventions de l'imaginaire, nous vous parlons d’une technologie qui a d’abord été mentionnée dans une œuvre de science-fiction avant de faire son entrée au grand jour. Embarquez pour un voyage tantôt littéraire, tantôt cinématographique où l’imaginaire fait plus que jamais partie de la réalité…
Nous inaugurons cette chronique par une œuvre cultissime qui regorge de ces innovations technologiques dont nous sommes friands. Il faut dire que le film part d’un postulat particulièrement approprié pour ce thème : un voyage dans le futur. Comme ce n’est pas un film tout récent, il se trouve que nous avons dépassé la date d’arrivée, ce fameux 21 octobre 2015… l’occasion d’accumuler les comparaisons entre ce qui est désormais notre passé et la projection du futur des protagonistes.
Marty MCFly, le futur au bout des pieds
Vous l’avez sûrement deviné, nous allons parler de Retour vers le futur II. Réalisée par Robert Zemeckis la trilogie entière est un monument du cinéma américain de science-fiction, que dis-je, du cinéma tout court. Elle a notamment une immense qualité : celle de plaire à tous les publics et à tous les âges. C’est à la basket autolaçante de Marty, le jeune héros de la saga, et ainsi à la technologie du laçage automatique que nous nous sommes tout particulièrement intéressés.
On pense bien sûr à l’hoverboard, la fameuse planche « sans roulette » volante
Dans Retour vers le futur II, Marty et son acolyte Emmett Brown (surnommé Doc), le truculant scientifique à l’origine de la machine a voyager dans le temps, font un bond de 30 ans dans le futur. À cette occasion, Zemeckis s’amuse à imaginer différents gadgets et technologies, certains totalement entrés dans les mœurs aujourd’hui, d’autres non. On pense bien sûr à l’hoverboard, la fameuse planche « sans roulette » volante, aux tablettes tactiles (l’homme qui fait signer la pétition pour protéger l’emblématique horloge), aux lunettes vidéo qui permettent de multiplier le nombre d’écrans à regarder ou encore aux portes qui s’ouvrent grâce à des scanners d’empreinte. Lors d’une célèbre scène, on y découvre des films en 3D où un requin animé effraie Marty à l’entrée d’un cinéma qui projette Les Dents de la mer 19 (un double clin d’œil à Steven Spielberg, coproducteur de la trilogie, puisqu’on peut voir que le film est réalisé par son fils Max Spielberg alors âgé de seulement quatre ans).
Lorsqu’il est débarqué de la DeLorean en 2015, Marty doit agir vite dans l’espoir de protéger sa famille. Pour qu’il n’attire pas l’attention sur lui, Doc lui fait enfiler des vêtements en vogue dans le futur : un blouson qui s’adapte au corps de la personne qui le porte et… les inoubliables sneakers Nike Air Mag. Attention, scène culte en perspective. À la seconde où Marty enfile les baskets, celles-ci se resserrent toutes seules, dans un mouvement fluide, rapide, précis – parfait on vous dit ! - autour de son pied. L’image restera à jamais gravée dans les mémoires, déclenchant instantanément l’envie irrépressible de se procurer les Nike du futur. En réalité, cette technologie n’existait pas encore et on doit cet autolaçage de chaussures totalement jouissif (oui on a bien dit « laçage de chaussures » et « jouissif » dans la même phrase) aux accessoiristes du tournage. Tout était savamment orchestré : ces derniers tiraient à l’unisson sur des fils invisibles reliés à la sneaker.
si ce plan a suscité autant d’émois et
d’envie, c’est qu’il a été mis au point par des spécialistes de la publicité.
Il faut bien l’avouer, si ce plan a suscité autant d’émois et
d’envie, c’est qu’il a été mis au point par des spécialistes de la publicité. Eh oui, à l’époque il était déjà assez courant que les films américains comportent des placements de produits et Retour vers le futur II n’y a pas échappé. Ainsi, c’est Nike qui a donné des instructions pour que le plan mette bien en valeur ses baskets : on comprend mieux l’impact de ces images, ah faibles consommateurs influençables que nous sommes...
« L’une des visées de la SF est de créer une sensation d’émerveillement ou de sidération devant des futurs ou des univers possibles et étranges : le sense of wonder »
Roger Bozetto, La Science-fiction, Paris, Armand Colin, 2007.
Bien entendu, les baskets ne sont pas là uniquement pour booster l’image de la marque : elles sont un élément réellement significatif du film. Elles participent ainsi du sense of wonder ou sentiment d’émerveillement, critère décisif du genre science-fictionnel, cette sensation de quelque chose d’incroyable qui nous impressionne et nous « pouss[e] à l’admiration ». Les Air Mag ce sont un peu les bottes de sept lieues du Petit Poucet – un autre fantasme de la maitrise de la mobilité défiant l’espace-temps qu’on aurait adapté version SF – d’ailleurs, il était initialement prévu que les Nike volent, mais comme c’était déjà le cas de l’hoverboard, Zemeckis a pensé que cela serait trop redondant. Certes, les chaussures ne dépassent pas l’effet spectaculaire de la DeLorean qui voyage dans le temps, mais offrent, comme plusieurs des technologies exposées dans le film, une autre forme d’émerveillement, plus proche de nous, et que l’on pressent comme possible, comme accessible au réel.
Quand l'autolaçage devient réalité
Comme nous vous le disions plus haut, l’autolaçage n’existait pas en 1989. C’est en voulant créer des chaussures originales qui servent l’intrigue du film que les Nike Air Mag et, avec elles, la fameuse technologie, ont été imaginées. Tinker Hatfield, le designer des chaussures, était de son côté intimement persuadé que l’autolaçage deviendrait monnaie courante dans le futur, il a donc ensuite continué à travailler sur cette idée.
1 500 exemplaires qui se vendent aux enchères comme des petits pains
C’est en 2011 que Nike crée la surprise en lançant la première réplique du film (les fans ne l’attendaient pas avant octobre 2015). Le modèle est fabriqué en 1 500 exemplaires qui se vendent aux enchères comme des petits pains malgré une note salée. Point positif, les bénéfices de cette opération seront versés à l’association Michael J. Fox qui lutte contre la maladie de Parkinson dont l’acteur est atteint. Cependant, si cette version des Air Mag, est effectivement très ressemblante, elle ne comporte pas de laçage automatique, seulement les fameuses LEDS colorées. En revanche, 2011 est aussi l’année où Nike annonce qu’elle a déposé un brevet pour enfin se pencher sur la technologie d’une basket intelligente qui s’autolacerait…
Ainsi, cinq ans plus tard, en 2016, la marque réitère l’aventure en sortant une autre version de la Air Mag qui cette fois-ci – Eurêka ! – est équipée du système automatique de laçage. Le modèle est vendu en édition limitée avec seulement 89 exemplaires disponibles, des paires qui, comme vous vous en doutez, n’auront aucune difficulté à se vendre. Pour l’occasion, Nike choisit de lancer une loterie à laquelle seuls les Américains et Canadiens peuvent participer. Chaque billet coûtait dix dollars.
On peut constater que l’histoire de la basket autolaçante est intrinsèquement liée à Retour vers le futur II. C’est de ce film qu’est née l’idée de la technologie, mais c’est aussi en référence à celui-ci que le premier modèle de chaussure à laçage automatique est lancé sur le marché. Après ces deux hommages au film, Nike va se détacher de celui-ci pour élaborer des gammes plus grand public.
À l’automne 2016, il est ainsi possible de commander de vraies paires de Nike autolaçantes. Le nom du modèle ? La Nike HyperAdapt 1.0. Son prix ? Il s’affiche à partir de 720 dollars, soit un peu plus de 670 euros ; un achat qui est encore loin d’être à la portée de toutes les bourses. Les chaussures à la technologie EARL (Electric Adaptable Reaction Lacing) ont été conçues par le même Tinker Hatfield. Le site de Nike précise qu’elles sont « l'aboutissement de recherches approfondies en ingénierie digitale, électronique et mécanique ». La paire doit être enfilée après qu’elle a été chargée pour s’ajuster à la morphologie des pieds de la personne. Grâce au système de laçage placé au niveau de la semelle, les baskets sont censées assurer un bon maintien.
À la suite de l’HyperAdapt, l’autolaçante évolue vers une gamme plus sportive, la Nike Adapt BB en 2019, et surtout, elle se démocratise. Jayson Tatum va ainsi donner un bon coup de boost en foulant les parquets de NBA avec les Adapt aux pieds lors d’un match contre les Raptors de Toronto. Grâce à un petit moteur intégré à la semelle, la pression de la chaussure se relâche ou se resserre selon les variations du pied durant l’activité sportive. Les Nike Adapt BB sortent à 350 euros, un prix élevé mais qui commence à être accessible, notamment si on est un fan de basket(s).
L’appli permet aussi de choisir la couleur des LEDS situées dans la semelle, de suivre l’état de la batterie
Entrons un peu plus dans le détail de cette technologie. Tout d’abord, le système est constitué d’un capteur de mouvements qui va permettre de régler le positionnement de la chaussure, d’un processeur principal, le high power cortex M4, qui va gérer « la coordination des mouvements du moteur, la gestion de la batterie, les capteurs, les communications et les calculs éventuels » et d’une commande tactile capacitive. Pour enregistrer les informations de mises à niveau, les chaussures disposent d’une mémoire flash de 8 Mo. On retrouve également un petit moteur qui peut tirer les lacets à une tension de 140 N et son contrôleur qui vient doser l’intensité du laçage et le son du moteur. Les baskets se connectent en Bluetooth sur smartphone ou tablette via l’application Nike Adapt. L’appli permet aussi de choisir la couleur des LEDS situées dans la semelle, de suivre l’état de la batterie et bien sûr de régler la tenue de la basket. Les chaussures sont également équipées d’une plaque de chargement QI sans fil.
Depuis le début d’année dernière, la marque Puma s’est également lancée dans l’aventure des sneakers connectées en développant la technologie Fit Intelligence. De son côté, Nike a à nouveau fait un clin d’œil à Retour vers le futur II en sortant une version de l’Adapt BB reprenant les couleurs de la Air Mag.
Avis aux fans de la trilogie de Zemeckis : vous pouvez admirer la véritable paire de sneakers qu’enfile Marty dans la scène culte du film au musée Miniature et Cinéma de Lyon ; on ne va pas vous le cacher, nom de Zeus, c’est le pied !