À qui devons-nous les premières balades en voiliers solaires ? De quel cerveau génial est sorti l'idée d'une photovoile permettant de naviguer dans l'espace au gré de la lumière ? Aujourd'hui, dans Les inventions de l'imaginaire, nous embarquons pour un article long-courrier, où nous tenterons de lever le voile sur ce mystère aussi scientifique que littéraire.
Que serait la science-fiction sans ses inventions qui nous fascinent ? Anticipations perspicaces de l’avenir ou véritables sources d’inspiration pour les scientifiques, certains de ces fantasmes technologiques ont transcendé la fiction pour accéder aux portes du réel. Dans Les inventions de l'imaginaire, nous vous parlons d’une technologie qui a d’abord été mentionnée dans une œuvre de science-fiction avant d'apparaître au grand jour. Embarquez pour un voyage tantôt littéraire, tantôt cinématographique, où l’imaginaire fait plus que jamais partie de la réalité…
La voile solaire, image ô combien poétique, est une technologie qui permet de se déplacer dans l'espace comme sur un véritable voilier. La force de la propulsion ne vient pas du vent, mais de la lumière émise par les étoiles via la pression de la radiation. On l'appelle également propulsion photonique. Ce mode de propulsion ne peut être utilisé pour faire décoller un vaisseau, en revanche, il peut être très utile dans un second temps, afin de prolonger le vol lorsqu'une vitesse minimale a été atteinte. Et pour cause le principal atout d'une voile solaire est son absence de carburant, ce qui induit un faible coût et une véritable autonomie.
Verne, Kepler, Tsander, Wiley, Clarke et les autres
Sur le papier, ce moyen de transport laisse rêveur, semblant tout droit sorti d'un récit de science-fiction… et c'est en partie le cas ! Aussi romanesque que pertinent d'un point de vue scientifique, il a été exploité par de nombreux écrivains avant de prendre forme physiquement dans la réalité.
Cet intérêt partagé par les domaines de la science et de la fiction, l'un et l'autre s'influençant allègrement, comme un travail choral s'étendant sur plusieurs siècles, nous a donné envie de faire un article un peu différent de d'habitude, une sorte d'enquête - sans victime aucune, fort heureusement - exhaussée d'une mini anthologie (bien loin d'être exhaustive) des récits exposant les principes de la voile solaire.
Verne, ou le commencement
La voile solaire n'aurait point vue le jour sans l'incroyable idée d'effectuer un voyage dans l'espace : notre expédition commence ainsi aux fil des pages d’un célèbre roman. Son auteur n'en est pas moins illustre, puisqu’il s’agit de l’un des pères fondateurs de la SF, qu’on ne pouvait, en s’intéressant à ce genre, manquer d’évoquer.
En effet, parler à la fois de littérature et d’inventions technologiques sans le mentionner aurait frôlé le crime de lèse-majesté. Romans d’aventures, machines étonnantes, mondes nouveaux à défricher… vous voyez de qui nous voulons parler ? De Jules Verne, bien entendu ; ce prince de l’imaginaire a nourri les fantasmes d'exploration de plusieurs générations et a probablement donné le goût de lire à des milliers d’enfants (et d'adultes !).
Dans ses romans, l’auteur projette ses personnages dans un monde où la science tient une place essentielle, parfois en se tenant à la réalité technologique de l’époque, souvent en l’extrapolant. De la Terre à la Lune (1865) fait partie de ces œuvres d’anticipation, on le comprend dès le titre du récit, où il va être question d’un événement certes extraordinaire, mais envisageable pour le futur : ici, le premier lancement d’une fusée en direction de l’astre de la nuit.
Mes chers auditeurs, reprit-il, à en croire certains esprits bornés - c’est le qualificatif qui leur convient -, l’humanité serait renfermée dans un cercle de Popilius qu’elle ne saurait franchir, et condamnée à végéter sur ce globe sans jamais pouvoir s’élancer dans les espaces planétaires ! Il n’en est rien ! On va aller à la Lune, on ira aux planètes, on ira aux étoiles, comme on va aujourd’hui de Liverpool à New York, facilement, rapidement, sûrement, et l’océan atmosphérique sera bientôt traversé comme les océans de la Lune ! La distance n’est qu’un mot relatif, et finira par être ramenée à zéro.
Jules Verne, De la Terre à la Lune, 1865
Cette première partie du diptyque, qui compte Autour de la Lune (1869) en second volet, a eu une influence considérable dans le domaine romanesque, le récit ouvrant la voie de la conquête spatiale à de nombreux écrivains en y apportant une bonne dose de réalisme scientifique. Son aura s'étend même au delà du champ littéraire, le roman étant, entre autres, à l'origine du célèbre Voyage dans la Lune (1902) de George Méliès, première œuvre (et quelle œuvre !) cinématographique de science-fiction. On s'aperçoit ainsi que, bien souvent dans l'histoire de la SF, au commencement était le Verne.
L'intrigue de De la Terre à la Lune se situe aux États-Unis, elle est contemporaine de l'auteur. Elle raconte comment un groupe d'artilleurs, le Gun-Club, qui se trouve être au chômage technique depuis peu - la guerre de sécession ayant eu l'audace de se terminer - décide de suivre le projet fou de Barbicane, leur président : envoyer un boulet de canon sur la Lune. Le charismatique Ardan rejoindra bientôt l'opération, y apportant un enjeu autrement novateur en trouvant plus à propos d'habiter cette capsule afin d'y observer le système solaire et son astre lunaire. Un roman comme une ode à la curiosité intellectuelle, au courage et à la connaissance.
Le décor est donc planté : des hommes prêts à en découdre, la Lune, une conquête spatiale… il ne manque que la voile solaire. Mais si l'on entend parfois que c'est Verne qui est à l'origine de cette idée avec ce roman, c'est aller un peu trop loin dans l'interprétation. Il s'agit en effet d'un « simple » pressentiment sur l'importance du rôle de la lumière, mais avec toute la pertinence d'un Jules Verne :
Je vous demande s’il y a là de quoi s’extasier, et n’est-il pas évident que tout cela sera dépassé quelque jour par des vitesses plus grandes encore, dont la lumière ou l’électricité seront probablement les agents mécaniques ?
Jules Verne, De la Terre à la Lune, 1865.
Mais alors, si l'idée véritable ne vient pas de ce pilier du genre, quel esprit génial a accouché du concept de voile solaire ?
L'histoire de la voile solaire s'étend en fait sur plusieurs siècles. Avant de tout « dévoiler », on peut déjà affirmer que le principe de la propulsion photonique est issu d'un dialogue dynamique entre fiction et recherche scientifique, l'un et l'autre domaine se croisant et s'imbriquant pour finalement parvenir tous deux à s'écrire noir sur blanc à la fin des années 1950. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette période, riche de ces échanges, correspond à l'âge d'or de la SF.
Toutefois, bien avant le milieu du XXe siècle, loin encore de notre Jules Verne et son trajet vers la Lune, en l'an 1619 précisément, l'astronome Johannes Kepler constatait que l'orientation de la queue des comètes était à l’opposée de la direction du Soleil. Dans son traité De Cometis Libelli Tres, le savant émit ainsi l'hypothèse que la lumière avait un effet sur la trajectoire des astres. Voilà encore un auteur qui ne manquait pas d'intuition… Il faudra cependant attendre 1873 et les travaux sur l'électromagnétisme du physicien et mathématicien James Clerk Maxwell pour confirmer et expliquer ce phénomène. Le scientifique y démontre comment la lumière peut exercer une pression : en percutant une surface sur laquelle elle se réfléchit, la lumière transfère une vitesse supérieure à celle précédemment atteinte. Une seule transmission de lumière n'aura guère d'impact, mais si ces échanges se multiplient, la pression exercée peut alors devenir source de mouvement.
Forte des équations de Maxwell et des récits de conquête spatiale, la fiction s'empare de l'affaire quelques années plus tard, en 1889, avec la sortie des Aventures extraordinaires d'un savant russe écrites par les français Georges Le Faure et Henry de Graffigny. Dans ce récit partagé en deux tomes, une matière particulière qui réagit à la lumière est injectée dans du verre et installée sur l'extérieur du vaisseau, lui permettant de se déplacer dans l'espace.
j’ai reconnu dans les flammes des volcans lunaires en activité, une substance qui a la propriété d’être attirée vers la lumière […].
– Est-ce cette matière qui vous permettra de continuer votre voyage ? demanda Gontran, dont le visage reflétait un ahurissement profond. […]
– Oui, j’ai pensé à utiliser cette substance qui a la curieuse propriété de s’élancer vers la lumière.
– Mais comment l’emploierez-vous ?
– Je la renfermerai dans des sphères de verre adaptées de chaque côté de notre wagon et elle nous emportera vers le soleil… Nous pourrons ainsi visiter les mondes qui se trouvent entre la terre et l’astre central.
Georges Le Faure et Henry de Graffigny, Aventures extraordinaires d'un savant russe, Vol.1, La Lune (1988).
Le roman, presque aussi riche en explications scientifiques qu'en dialogues, prend à certains moments des allures de comédie, ce qui donne un résultat original, plutôt rafraîchissant. S'il n'a pas atteint la postérité, il fut notamment applaudi en son temps par l'astronome Camille Flammarion qui en écrivit la préface. Ce grand vulgarisateur y voyait une façon d'exposer « sous une affabulation ingénieuse, les faits révélés par les merveilleuses découvertes télescopiques ».
Dix ans plus tard, c'est justement en Russie, mais cette fois-ci dans le monde réel, que les choses avancent avec les expériences du physicien Piotr Lebedev qui parvint pour la première fois à mesurer la pression de la lumière sur des corps solides. Au début des années 1920, Konstantin Tsiolkovsky réfléchit à utiliser cette pression comme mode de propulsion.
Si tous les éléments ne sont pas encore présents et que le nom de « voilier solaire » n'est pas posé sur la table, l'apport de Tsander est crucial.
À peine quelques années plus tard, le scientifique russe Friedrich Tsander, qui n'a eu de cesse de réfléchir à la façon de concrétiser des vols interplanétaires, développe le concept de voile solaire. Si tous les éléments ne sont pas encore présents et que le nom de « voilier solaire » n'est pas posé sur la table, l'apport de Tsander est crucial. Il expose en effet son « idée d'utiliser de formidables miroirs faits de feuilles extrêmement mince » pour parvenir à ses fins.
Nous arrivons ainsi au début d'une période décisive. Dans les années 50, que ce soit dans le domaine de la fiction ou de la recherche scientifique, l'intérêt pour ce qui deviendra la voile solaire va en augmentant… et il ne diminuera pas de si tôt.
En 1951, le mathématicien Carl A. Wiley, sous le nom de plume de Russell Saunders (il s'agit d'un clin d'œil à un couplage du même nom en mécanique quantique - plutôt classe comme nom d'emprunt) publie un article dans Astouding Science-Fiction, l'iconique magazine pulp américain qui a largement contribué à diffuser le genre science-fictionnel.
Clipper Ships of Space, l'article en question, propose une réflexion, calculs à l'appui, sur la construction d'un vaisseau de 100 tonnes qui serait propulsé par une gigantesque voile. Cette démonstration sera d'ailleurs saluée par plusieurs de ses contemporains, notamment par un Willy Ley (écrivain scientifique passionné de conquête spatiale) particulièrement enthousiaste :
Une suggestion fascinante pour les voiliers de l'espace, une notion en apparence sauvage, mais en réalité, élaborée mathématiquement, elle a du sens ! Il serait possible de naviguer sur « le vent qui souffle entre les mondes » !
Astouding Science-Fiction
Quelques années plus tard, en 1958, le physicien américain Richard Garwin - qui, accessoirement, est aussi l'un des inventeurs de la bombe thermonucléaire - va alors expliquer le concept d'un point de vue technique et l'envisager sérieusement comme un mode de propulsion efficace, dans le magazine scientifique Jet Propulsion. Le terme éminemment poétique de « voilier solaire » est ainsi révélé aux yeux du monde.
Du côté de la fiction, le concept est saisi par Cordwainer Smith dans son grand cycle littéraire combinant un roman et pas moins de 27 nouvelles : Les Seigneurs de l'Instrumentalité. Cette œuvre étonnante publiée entre 1955 à 1966, et dont l'histoire court sur 15 000 ans d'histoire, reste malheureusement inachevée. Très singulière, notamment dans sa forme, elle constitue un cycle daté, certes, mais libre : une œuvre intéressante pour qui souhaite comprendre l'histoire du genre science fictionnel. C'est lors d'une exploration spatiale au sein du système solaire qu'est expliqué le principe de la photovoile dont les vaisseaux sont équipés. La nouvelle en question, The Lady Who Sailed The Soul, date, elle, de 1959, soit à peine un an après la publication de l'article de Garwin dans Jet Propulsion… quand on vous dit que les rapports entre la fiction et la science sont ténus !
À partir de ce moment, l'espace littéraire va s'emparer avec frénésie de la voile solaire, qui deviendra rapidement (dès les années 70) un thème phare de la SF, allant jusqu'à susciter de vives réactions chez certains auteurs. Ainsi, l'écrivain français Gérard Klein qui publie en 1961 le second volet de sa Saga d'Argyre, sous le nom « Les Voiliers du Soleil » affirmera qu'il est le premier à avoir intégré la voile solaire à une œuvre littéraire, bien qu'il admette que l'idée originale ne vienne pas de lui :
Je fus donc, sans conteste possible, le premier auteur à utiliser dans une fiction le concept de voile solaire même si je n'ai pas inventé l'idée. Cordwainer Smith est généralement crédité de cette introduction mais la nouvelle où il fit usage des voiles solaires ne fut publiée en anglais qu'en 1960 et bien plus tard en France. PierrE Boulle décrit une voile solaire au tout début de la Planète des singes (1963). Quant à Arthur C. Clarke, il lui fallut attendre 1964. (J'accorde l'ex æquo à Smith mais pas à Boulle ni à Clarke.)
Gérard Klein, Les Voiliers du Soleil, postface à l'édition (remaniée) J'ai lu, 1987.
Si cette revendication tranchée peut paraître déroutante, il faut néanmoins accorder à son roman la grande précision de la description des voiles solaires :
Car le grand navire était un voilier du soleil. Il ressemblait à une fleur, à une immense corolle épanouie, brillante et circulaire, de plusieurs kilomètres de diamètre.
Cette fleur était une voile. Elle ne rappelait guère les voiles carrées ou triangulaires dans lesquelles venaient s’engouffrer les vents de la Terre. Il n’y a pas le moindre souffle de brise dans l’espace. Le seul vent qui existe dans le vide est émis par le soleil : c’est la lumière.
[…] La plus grande partie de la corolle était constituée par une surface uniquement réfléchissante, que les photons venaient frapper.
Gérard Klein, Les Voiliers du Soleil
Comme le soulignait Klein, en 1963 Pierre Boulle utilise lui aussi la voile solaire dans son simiesque roman au succès international :
Leur navire était une sorte de sphère dont l’enveloppe – la voile – miraculeusement fine et légère se déplaçait dans l’espace, poussée par la pression des radiations lumineuses. Un tel engin, abandonné à lui-même dans le voisinage d’une étoile (assez loin cependant pour que le champ de gravitation ne soit pas trop intense) se dirigera toujours en ligne droite dans la direction opposée à celle-ci ;
Pierre Boule, La Planète des singes, 1963.
Mais l'œuvre qui fera réellement date est une nouvelle d'Arthur C. Clarke, Le Vent venu du Soleil (The Wind from the Sun) publiée en 1964 sous le titre de Sunjammer dans le magazine de science-fiction Boys' Life avant d'être compilée en 1972 dans un recueil à qui elle donnera son nom (Le Vent venu du Soleil donc). Cette nouvelle raconte, dans un style fin et maîtrisé, une course de voiliers solaires dans l'espace, en direction de la Lune. La technologie y est si bien décrite et si crédible qu'on s'y croirait. Le lecteur embarque ainsi aux côté de Merton à bord de la Diane, pour un voyage plein de poésie.
[la voile] n'était guère plus substantielle qu'une bulle de savon : ces cinq cents hectares de plastique aluminé ne faisaient que quelques millionièmes de centimètres d'épaisseur. […] l'esprit avait du mal à concevoir quelque chose d'aussi gigantesque et pourtant si frêle. et Merton trouvait plus difficile encore de se faire à l'idée que ce fragile miroir pouvait l'arracher à la terre par la seule puissance de la lumière solaire qu'il capterait.
Arthur C. Clarke, Le Vent Venu du Soleil, 1972
La Poussière dans l'œil de Dieu (1974) de Larry Niven et Jerry Pournelle,
Elle qui chevauche les tempêtes (1981), George R. R. Martin et Lisa Tuttle, Le Vol de la libellule (1986) de Robert Forward, Star Trek: Deep Space Nine, Star Wars épisode II : L'Attaque des clones (2002), Le Papillon des étoiles (2006) de Bernard Werber, etc., etc. : les œuvres empruntant et mettant en scène à leur manière la voile solaire ne manquent pas, à tel point que depuis les années 70, elle est devenue un thème de science-fiction à part entière.
Quant à savoir qui, d'entre tous ces esprits virtuoses, mérite le plus d'emporter le titre d'inventeur officiel de la voile solaire, ce n'est probablement pas le plus important. Ce qui est sûr, c'est que les connaissances, l'instinct et l'imagination humaine ont travaillé de concert pour y parvenir.
Et la concrétisation dans tout ça ?
Les romans, les films, les articles scientifiques ou les essais de physique sur des décennies et des décennies, c'est bien joli, mais cela reste de la théorie ! Et dans la pratique alors ?
Eh bien dans la pratique, le premier usage qui est fait d'une voile solaire date de 1969, un certain 21 juillet… Cela vous rappelle quelque chose ? Il s'agit bien sûr du jour où l'humain a mis un pied (et même deux) sur la Lune, lors de la mission Apollo 11.
Lors de cette opération, la voile plantée sur la Lune n'était guère utilisée pour naviguer, mais pour collecter des photons solaires afin de les examiner.
La propulsion photonique qui exerce une pression continue est inépuisable, elle est donc prodigieusement adaptée aux missions spatiales
Rappelons qu'une voile solaire avance grâce à la pression émise par les photons qui viennent rebondir sur sa surface. La voile est ainsi poussée dans le sens opposé du Soleil. Dans l'espace, une faible accélération suffit pour atteindre une grande vitesse. La propulsion photonique qui exerce une pression continue est inépuisable, elle est donc prodigieusement adaptée aux missions spatiales, permettant de diminuer leurs coûts et de prolonger leur durée.
Au milieu des années 70, le Jet Propulsion Laboratory va se servir de la pression photonique au cours d'une mission afin de pallier une défaillance technique survenue sur la sonde spatiale Mariner 10, lancée pour étudier les planètes Vénus et Mercure. Grâce à la pression que les photons exercent sur les panneaux solaires, la durée du voyage de la sonde fut significativement allongée. La technique a depuis été adoptée pour ce type de mission.
Quasiment au même moment (1973) dans l'Ohio, débutait un projet mené par la Battelle Memorial Institute de Columbus qui visait à aller à la rencontre de la comète de Halley pour son passage prévu en 1986. Cependant, après plusieurs années de travail et malgré la désormais certitude que la voile solaire est une technologie viable, le projet fut abandonné car jugé irréalisable dans les délais, le passage de la comète ne pouvant malheureusement pas être décalé !
Durant plus d'une vingtaine d'années, les recherches se poursuivirent et plusieurs tentatives furent finalement abandonnées dans différents pays, notamment en France. La première voile solaire lancée dans l'espace est Cosmos 1, dont on peut voir une reproduction ci-dessus, par La Planetary Society, une ONG américaine. C'était en 2005. Mais là encore, ce fut un échec, la voile n'ayant pu atteindre l'orbite prévue à cause d'un défaut du lanceur. Heureusement, il en fallait plus pour que cette organisation scientifique renonce à ses ambitions.
Le premier succès d'une voile solaire, c'est à la JAXA, l'agence spatiale japonaise, que nous le devons. Nous sommes en mai 2010 et la voile IKAROS, de 173 m2 est lancée. Au décollage, le satellite est toutes voiles rentrées - ou plutôt enroulées - car celles-ci encerclent le moteur. Une fois arrivé en orbite, l'appareil enclenche sa rotation et les voiles sont déployées en deux étapes. Le satellite peut ensuite être manœuvré grâce à l'envoi de courants électriques de différentes intensités dans deux des voiles situées à l'opposé l'une de l'autre.
Place aux nanosatellites
Prenant de plus en plus conscience des inconvénients de la taille importante des voiles solaires - plus il y a de surface, plus le projet est coûteux, mais aussi plus le risque de voir une voile se déchirer est élevé - les scientifiques font évoluer leurs recherches. Désormais, ils se concentrent sur des satellites de plus petite taille (tels que Nanosail-D et Nanosail-D2), avant de faire place aux nanosatellites.
C'est ainsi que les LigthSail premier et deuxième du nom voient le jour respectivement en 2015 et en 2019 grâce à la pugnacité de La Planetary Society. Le but poursuivi par les scientifiques est (notamment) de tester la capacité d'une voile solaire à orienter et modifier l'orbite d'un microsatellite de type Cubesat (c'est-à-dire dont la masse ne dépasse pas les 10 kg). LightSail-1 a aujourd'hui terminé sa mission qui consistait à vérifier la faisabilité pour le lancement du deuxième satellite qui, lui, est toujours en vol.
De nos jours, le projet qui laisse le plus rêveur est sans doute le Breakthrough Starshot, initialement mené par Iouri Milner, Mark Zuckerberg et le regretté Stephen Hawking, et dirigé par Pete Worden (ancien directeur du Ames Research Center affilié à la NASA). Débutée en 2016, cette entreprise vise à envoyer toute une tripotée de sondes spatiales miniatures - de la taille d'un timbre poste paraît-il et pour un poids d'un gramme environ - chacune munie d'une voile solaire de 2 m x 2 m en direction du système stellaire et planétaire le plus proche de notre système solaire : le mystérieux Alpha du Centaure.
Dépassant les limites de temps que les propulsions chimique et nucléaire imposaient, soit des centaines d'années, ces sondes ultra light, mini voiliers du Soleil, permettraient ainsi de nous rapporter des images de Proxima b en à peine un demi siècle…
En attendant, et avant d'embarquer, un jour peut être comme Merton, pour une course spatiale au gré du « vent qui souffle entre les mondes », nous pourrons toujours lire et relire toutes ces œuvres de SF qui allument, d'un doux feu solaire, notre imaginaire.