MOOC : l'essor des cours en ligne ouverts à tous

Jérôme Cartegini
Publié le 15 avril 2015 à 14h44
Les MOOC (Massive Open Online Course : cours en ligne ouverts à tous) sont en passe de bouleverser profondément l'accès à la formation et à la connaissance. Né aux États-Unis, ce concept permettant d'étudier gratuitement dans les meilleures universités et écoles, par le biais d'une simple connexion Internet, séduit des millions d'internautes à travers le monde. Quelle est l'origine de ce phénomène ? Comment trouver et suivre un MOOC ? Quelles sont les limites de ce mode d'enseignement ? Voici quelques éléments de réponse.


Peu importent les origines, la nationalité, l'âge, le sexe, la classe sociale, le niveau d'études, ou encore la situation géographique, les MOOC sont accessibles à tous. Une forme de pédagogie novatrice qui ouvre de nouvelles perspectives à ceux qui souhaitent se former dans un domaine particulier, compléter leurs compétences, ou obtenir une certification. Côté enseignants, écoles et universités, le développement de MOOC leur permet de s'adresser à un auditoire bien plus large, d'acquérir une visibilité internationale, mais aussi d'attirer de nouveaux étudiants potentiels. Un concept gagnant-gagnant qui a littéralement explosé en à peine plus de deux ans.

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Le terme « MOOC » (pour Massive Open Online Course) a été inventé en 2008 par Dave Cormier, chef de projet Web à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, pour désigner un cours intitulé « Connectivism and Connective Knowledge » (Connectivisme et Connaissances Connectées). Organisé par Georges Siemens, professeur à l'Université d'Athabasca et Stephen Downes, chercheur au Conseil national de recherches du Canada, près de 2200 personnes ont pu assister gratuitement à ce cours en ligne. A l'époque, le contenu était accessible par l'intermédiaire de fils RSS notamment, et d'un forum de discussion sur Second Life. Dès lors, de nombreuses universités américaines vont commencer à développer des MOOC, mais sans grand succès dans un premier temps.

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La genèse des MOOC

L'essor des MOOC commence véritablement fin 2011, lorsque l'université de Stanford lance un cours en ligne portant sur l'intelligence artificielle. Accessible gratuitement sur le site de l'université, il rassemble pas moins de 160 000 élèves de 190 pays ! Grisé par ce succès, l'enseignant en charge du cours, Sebastian Thrun, décide quelques semaines plus tard de quitter son poste à l'université pour fonder Udacity au mois de février 2012 : une start-up spécialisée dans la création et la diffusion massives de cours en ligne essentiellement dans le domaine des sciences et de l'informatique.

A peine deux mois plus tard en avril 2012, deux autres enseignants de Stanford - Andrew Ng et Daphne Koller - lui emboitent le pas en créant à leur tour une plateforme de formations en ligne baptisée Coursera. Contrairement à Udacity, qui produit ses propres contenus pédagogiques en partenariat avec des entreprises comme Google, Microsoft ou Facebook, Coursera s'associe avec les plus prestigieuses universités du monde. L'entreprise, qui propose plusieurs centaines de MOOC, regroupe à ce jour 109 universités partenaires, dont l'École Polytechnique de Paris, L'ESSEC, ou encore CentraleSupélec en France.

Bien avant ces deux acteurs au début des années 2000, le MIT (Massachussets Institute of Technology) lance un projet très similaire baptisé OpenCourseWare dans le cadre duquel il commence à diffuser gratuitement en ligne toutes ses ressources pédagogiques : cours magistraux filmés, exercices, notes des professeurs et des élèves, etc. Fervent défenseur d'un enseignement supérieur libre et non commercial, le MIT refuse de rejoindre Coursera et fonde dans la foulée edX en association avec l'université d'Harvard . Cette plateforme open source à but non lucratif compte actuellement une cinquantaine d'universités, d'écoles et d'entreprises partenaires dont La Sorbonne de Paris et l'École polytechnique de Lausanne.

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En France, FUN présente un large panel de formations en ligne


Ces trois pionniers rencontrent d'emblée un énorme succès en rassemblant plus de 2 millions d'étudiants en ligne la première année (plus de 10 millions aujourd'hui rien que sur Coursera, le leader du secteur). S'ils ont largement contribué à lancer le phénomène, une foule d'autres acteurs ont depuis fait leur apparition dans le monde entier. Dans l'Hexagone, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a lancé en 2013 France Université Numérique (FUN), basé sur le code source d'edX, il héberge des MOOC de grandes universités francophones dans des domaines aussi variés que les sciences, le droit, l'histoire, l'environnement, ou l'entrepreneuriat.

Citons également la plateforme éducative France TV Éducation, offrant des formations d'aide à la préparation du brevet et du bac, Flot.Sillages , qui fournit des contenus pédagogiques pour l'accès aux grandes écoles, ou encore OpenClassrooms spécialisée dans l'informatique, les sciences et le management.

Mode de fonctionnement

Une partie du succès des MOOC réside dans leur mode de fonctionnement extrêmement simple. Les enseignants donnent des cours magistraux qui sont filmés et diffusés sur Internet. Ce qui les caractérise par rapport aux cours de e-learning traditionnels, c'est le tronçonnement très court des vidéos (une quinzaine de minutes en moyenne), ainsi que l'interactivité entre les étudiants et l'équipe pédagogique. Chaque MOOC dispose d'un forum de discussion favorisant les échanges et permettant par exemple de poser des questions à ses pairs, d'obtenir des informations, d'approfondir un sujet, ou encore de constituer des groupes de travail.

Dans la plus pure tradition de l'enseignement américain, les examens se présentent le plus souvent sous la forme de QCM (questions à réponses multiples) et de quiz corrigés par informatique. Selon les domaines, les élèves peuvent être amenés à produire différents travaux personnels ou en groupes comme des montages vidéo, des dissertations, des présentations de projets, des programmes informatiques, etc. En règle générale, un contrôle continu est effectué au fil des sessions pour permettre aux élèves de valider les compétences acquises. Certains MOOC font également passer des examens en fin de cursus à ceux qui souhaitent obtenir un certificat.

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Exemple de quiz proposé par Coursera au sein de ses vidéos


L'approche pédagogique et les outils de collaboration mis à disposition diffèrent d'un cours et d'une plateforme à l'autre. La durée d'une formation peut s'étaler de une à plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans certains cas, les enseignants répondent en direct aux questions des étudiants, tandis que d'autres organisent des sessions live pour des séances de questions/réponses. En dehors de ces rendez-vous qui nécessitent d'être présent à une date et une heure fixées à l'avance, les MOOC sont consultables à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Une souplesse qui permet aux élèves d'organiser leur emploi du temps à leur guise.

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Accès aux MOOC

Les MOOC sont accessibles sur les plateformes dédiées ou les sites des universités, des écoles, voire des entreprises via un navigateur Internet, ou plus rarement par le biais d'un petit logiciel de communication à installer. La participation aux cours ne requiert aucun matériel spécifique si ce n'est un terminal mobile ou un ordinateur connecté à Internet, voire d'une Webcam et d'un micro pour certains cours de langues étrangères par exemple. Pour l'heure, Coursera est l'un des rares acteurs en ligne à disposer d'une application mobile (Android et iOS).

L'offre de MOOC s'avère tellement vaste que le plus compliqué est de faire son choix. Même si les contenus francophones s'avèrent encore sous-représentés sur les principales plateformes américaines, de plus en plus de MOOC proposent des sous-titres dans différentes langues dont parfois le français. La variété des programmes est impressionnante, tous les domaines ou presque sont représentés : arts, biologie, éducation, informatique, mathématique, physique, finance, histoire, philosophie, médecine, etc. Pour trouver une formation, le plus simple est de consulter les sites Internet précités, ou des portails spécialisés tels que MOOC Francophone, Ocean ou MOOC List (en anglais).

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Ici, un cours de communication est sous-titré en français


Une fois que l'on a fait son choix, il faut s'enregistrer dans un premier temps sur la plateforme qui héberge le MOOC en indiquant un nom d'utilisateur, une adresse email et un mot de passe, et valider l'enregistrement sur l'email envoyé automatiquement par le service. Quelques clics suffisent ensuite pour s'inscrire au MOOC. Durant toute la durée du programme, les participants sont régulièrement informés par email de l'avancée des cours, des travaux à effectuer, des éventuelles réunions de questions/réponses, ou encore des nouveaux fils de discussions créés sur le forum.

Contenus et organisation

Chaque MOOC dispose généralement d'une page dédiée comprenant une vidéo de présentation de la formation et ses objectifs, ainsi que toutes les informations utiles : agenda du programme avec le détail des cours, présentation de l'équipe pédagogique, prérequis pour suivre la formation, charge estimée de travail, plateforme technique, certification, etc. Différentes ressources peuvent par ailleurs être proposées pour aider les élèves, comme des documents, des livres, des tutoriels à télécharger, ou encore des recommandations de lecture.

Les MOOC sont en principe gratuits et ouverts à tous, mais certaines formations et ressources peuvent être parfois payantes. C'est le cas par exemple d'Udacity, ou de OpenClassrooms, qui nécessitent un abonnement mensuel respectif de 199 dollars/mois et 20 euros/mois pour pouvoir accéder à l'intégralité du contenu, aux outils de collaboration, ou encore à certaines options comme le téléchargement des vidéos au format mobile. Quelle que soit la plateforme, les certifications sont quant à elles toujours payantes.

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Les limites du concept

Comme dans l'enseignement supérieur classique, la qualité des cours dépend beaucoup du talent des professeurs à captiver leur auditoire. Dans le cas des MOOC, les enseignants doivent aussi pouvoir s'exprimer aisément devant une caméra. Outre un contenu pédagogique cohérent, il est indispensable que la réalisation vidéo soit soignée et dynamique, et qu'il y ait beaucoup d'échanges entre les participants. Malheureusement, c'est loin d'être le cas de tous les MOOC francophones souvent critiqués pour leur manque d'interactivité. Toute la difficulté est de trouver un programme de qualité qui réponde parfaitement à ses attentes. L'un des plus gros succès en France à ce jour, est celui de la CNAM, diffusé actuellement dans sa seconde version sur FUN : « Du manager au leader 2.0 ».

Bien qu'accessible à tous, ce mode d'enseignement ne convient pas à tout le monde. Livrés à eux-mêmes sans encadrement pédagogique, beaucoup d'élèves abandonnent en cours de route. Sur Coursera, seulement 10% des étudiants inscrits suivent les cours jusqu'à leur terme. Suivre un cursus en ligne de bout en bout nécessite une somme de travail très importante et beaucoup de persévérance, en particulier lorsqu'on souhaite obtenir une certification. Pour l'heure, les certifiants délivrés n'ont aucune valeur légale et ne sont pas reconnus par l'État. Les cours virtuels de masse sont encore loin de pouvoir remplacer un jour les cours traditionnels.

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Conclusion

Les MOOC représentent un défi de taille pour l'enseignement supérieur. Dans le sillage des grandes universités américaines, la plupart des établissements cherchent à se positionner dans ce domaine. Malgré son apparent succès, le système est loin d'être parfait et beaucoup de progrès reste à faire. L'absence de diplômes reconnus est l'un des principaux inconvénients de ces cours en ligne. Ils offrent néanmoins une formidable opportunité pour approfondir ses connaissances dans une multitude de domaines et ouvrent sans doute la voie à la pédagogie virtuelle de demain.
Jérôme Cartegini
Par Jérôme Cartegini

Journaliste depuis vingt ans, je ne me lasse pas d’explorer la planète techno à la recherche des dernières innovations. De Paris, à Vegas, en passant par Londres, Taipei, Tokyo, Los Angeles, San Francisco et quelques bourgades bien moins célèbres, la chasse aux infos m’a amené aux quatre coins du monde et la route promet d’être encore longue et fascinante. Cyberguerre, robotique, intelligence artificielle, blockchain, véhicules autonomes, informatique quantique, ou transhumanisme, la révolution ne fait que commencer…

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