L'histoire d'IBM débute en 1889 avec la société International Time Recording Company (ITR) dont le logo se compose des lettres majuscules I, R et T. Cette dernière est la clé de voûte de ce logo puisque la barre haute du T encadre les deux autres lettres pour démontrer l'étendue des possibilités de l'entreprise, tandis que la barre verticale rejoint le C qui fait office de socle visant à promouvoir la stabilité de la société, tout en encerclant les I et R pour montrer l'unité de l'ensemble.
En 1891, deux hommes d'affaires américains achètent la Computing Scale Company (CSCo), dont le logo très massif représente un grand C très travaillé, dont l'intérieur est occupé par un S et fermé par un « Co » plus petit, mais tout aussi travaillé. Difficilement lisible, il avait pour ambition de montrer l'évolution de la technologie qui permettait plus d'interactions. Le choix d'une police de caractères d'apparence classique, couplé à une composition plus moderne du logo, devait permettre à la CSCo de s'inscrire comme une société tournée vers l'avenir et s'appuyant sur le passé. Enfin en 1896, Herman Hollerith fonde la Tabulating Machine Company qui n'a pas de véritable logo, mais marque l'ultime étape devant conduire à la création d'IBM.
Le logo de l'International Time Recording Company, une franche réussite sur le plan graphique avec ses lettres entremêlées. Cette société est une des trois entités appelées à devenir IBM.
Mode de fusion
En 1911, le financier Charles R. Flint opère une fusion entre l'International Time Recording Company, la Computing Scale Company et la Tabulating Machine Company. De cette union naît la Computing-Tabulating-Recording Company (CTR), une des premières firmes de haute technologie de l'ère industrielle. Le logo choisi est un habile mélange de ceux de l'ITR et de la CSCo.
Ainsi nous y retrouvons les lettres majuscules C, T, R et Co, incluses dans un cercle blanc sur fond noir. Chacune d'elles est travaillée à la manière de celles du logo de la CSCo, à savoir avec des relents gothiques affirmés, des angles strictes et des excroissances graphiques en certains points. Le T est toujours la lettre la plus imposante, la barre haute surmontant les autres à l'instar du logo de l'ITR avec la même volonté de chapeauter. La barre verticale du T s'imbrique dans la boucle du R afin de montrer l'unité désormais indéfectible des trois entreprises. Si les deux C sont identiques et encadrent les plus imposants R et T, ils apportent un équilibre visuel immédiat, soulignant l'aplomb et l'énergie de la nouvelle société.
En 1914 Thomas J. Watson, Sr. arrive à la tête de la CTR. Il encourage l'apparition d'un département Recherches & Développement, non sans installer un leitmotiv résumant l'état d'esprit de l'entreprise en un seul mot : « Think ». Le 14 février 1924, la Computing-Tabulating-Recording Company est rebaptisée pour devenir l'International Business Machines Corporation, dont le sigle est IBM.
Syncrétisme visuel
Qui dit nouveau nom implique un naturel changement de logo. Celui choisi pour IBM est d'une modernité qui force le respect pour l'époque. Visuellement, il ressemble à un globe terrestre, impression amplifiée par la présence du mot « International » dans un bandeau noir circulaire placé au centre du logo. De part et d'autre, les mots « Business » et « Machines » bénéficient d'une mise en forme sphérique dans une typographie sans sérif particulièrement contemporaine.Remarquablement réussi sur le plan graphique, ce logo représente aussi la parfaite incarnation des ambitions de l'entreprise, sa soif d'expansion, d'ouverture au monde et de conquêtes.
En 1924, la CTR devient l'International Business Machines Corporation dont le sigle est IBM. Le logo rappelle un globe terrestre et indique la soif d'évolution et de développement international.
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, face à la diversification de son activité, IBM souhaite modifier son image et son logo devenu trop pesant et daté. L'idée du globe, jugée inadéquate après un tel conflit, cède sa place à quelque chose de plus dépouillé, immédiat et facile à lire. IBM étant devenu le nom d'usage de l'entreprise, c'est logiquement ces trois lettres qui sont retenues. Après 22 ans de bons et loyaux services, le globe disparaît en 1947 au profit d'un simple IBM usant d'une typographie solide traitée en contours, la Beton gras.
Devenue IBM, la société abandonne son logo en forme de globe au sortir de la guerre pour un logo plus moderne et épuré : trois lettres en contours usant de la typographie Beton gras.
Suite à la passation de pouvoir entre Thomas J. Watson, Sr. et son fils en 1956, le logo IBM subit une énième modification visant à le rendre évident et incontournable. Pour ce faire, Thomas J. Watson, Jr. se tourne vers l'un de ses amis, Eliot Noyes, architecte et designer industriel, à qui il confie la lourde de tâche de repenser le design des usines et des produits IBM. Quelques semaines plus tard, Noyes fait la connaissance de Paul Rand, un graphiste dont il apprécie particulièrement le travail sur les logos et les emblèmes. L'arrivée de Rand va changer la donne de manière irréversible.
En 1956 le graphiste Paul Rand modifie le logo : le Beton gras laisse place au City Medium. Au fil du temps, il apporte divers changements comme le choix d'une police Bodoni, plus gracieuse.
Nouveau Monde
Lorsque que Paul Rand rejoint IBM, le logo aussi bien que la devise d'entreprise - Think -, sont toujours composés en Beton gras « étroitisé », police courante dans les années 30, mais qui paraît archaïque au cœur des années 50. Mais Rand sait que la société est encore très attachée à cette forme pour accepter un changement radical : « J'avais le sentiment qu'ils ne ratifieraient que ce qui ressemblait à ce qu'ils avaient déjà, affirme Rand. Ils utilisaient une police à empattements rectangulaires, j'en ai choisi une avec des empattements légèrement différents, loin du style égyptien du logo de 1947 qui ne cadrait guère avec l'image d'ouverture et de progrès que voulait donner IBM. »Paul Rand
La carrière de Paul Rand couvre plus de six décennies d'histoire du graphisme. Grâce au soutien de Marion Swannie Rand, dernière épouse de Rand, Steven Heller a pu avoir accès aux archives du graphiste. Au terme d'une enquête minutieuse, il nous livre ici le premier ouvrage en français embrassant les multiples facettes de l'œuvre singulière de Paul Rand. Captivant de bout en bout.
Paul Rand de Steven Heller, chez Phaidon Press Ltd.
Ainsi Rand remplace dans un premier temps le Beton gras par le City Medium, police aux empattements plus nets, de facture constructiviste. Mais il sait que ce logo ne peut être que temporaire et marquer une étape de transition avec ce qu'il souhaite réellement proposer. Durant les seize années suivantes, Paul Rand apporte des modifications subtiles au logo, abandonnant par exemple la famille de font City pour le Bodoni qu'il juge plus gracieux et fonctionnel : « L'idée des rayures m'est venue en pensant à ce type de documents sur lesquels votre signature est protégée de la contrefaçon par une série de fines bandes, se souvient Rand. En appliquant cela au logo IBM, je résolvais non seulement le problème conceptuel, mais aussi la question visuelle en liant les trois lettres qui avaient tendance à se séparer. Depuis, le principe a symbolisé le secteur informatique alors même que rien, dans ma conception, n'est intrinsèquement informatique. »Pionnier dans son domaine, Paul Rand (1914-1996) est une figure emblématique du graphisme américain. Concevant son art comme une manière de trouver une solution graphique à chaque problème, il s'est inspiré des idées des mouvements d'avant-garde européens tels le cubisme ou le constructivisme pour créer un langage graphique personnel. Directeur artistique, professeur, essayiste, consultant pour des entreprises, Paul Rand a, dans chacun de ces rôles, exercé une influence aussi déterminante que féconde dans le domaine du graphisme et de la communication visuelle.
La carrière de Paul Rand couvre plus de six décennies d'histoire du graphisme. Grâce au soutien de Marion Swannie Rand, dernière épouse de Rand, Steven Heller a pu avoir accès aux archives du graphiste. Au terme d'une enquête minutieuse, il nous livre ici le premier ouvrage en français embrassant les multiples facettes de l'œuvre singulière de Paul Rand. Captivant de bout en bout.
Paul Rand de Steven Heller, chez Phaidon Press Ltd.
Officialisé en 1972, cet ultime logo se compose d'abord de treize lignes (en 1966), avant d'être ramené à huit lignes en raison de la difficulté pour les photocopieurs de l'époque d'obtenir un résultat convenable. A noter que pour la première fois de son histoire, le logo adopte une couleur, le bleu, qui lui vaudra le surnom de Big Blue. Toujours en vigueur en l'heure actuelle, et sans doute pour de nombreuses décennies encore, le logo IBM est devenu une référence en termes de graphisme, d'audace, de conception et recherche visuelle, offrant à Paul Rand une reconnaissance éternelle.
Cet ultime logo se compose d'abord de 13 lignes, avant d'être ramené à 8 lignes dès 1972.