Se retrouver avec 39 autres joueurs sous les gigantesques pattes d'un AT-AT a quelque chose d'impressionnant. Incarner Darth Vader et se battre contre Luke Skywalker au sabre laser n'est pas mal non plus, il faut l'admettre. Et encore, ce ne sont que quelques possibilités offertes par Star Wars : Battlefront, le nouveau jeu du studio DICE, à qui l'on doit notamment la plupart des Battlefield.
Malgré son évidente beauté et une ambiance qui fait globalement honneur à la franchise Star Wars, Battlefront a reçu un accueil mitigé. Impressionnant sur la forme, le jeu est très perfectible sur le fond : il propose de nombreux modes de jeu aux approches tristement similaires, le choix du camp est limité à la Rébellion ou à l'Empire, sans laisser aux joueurs la possibilité de choisir des soldats spécifiques. Les héros célèbres de la toute première trilogie cinématographique sont bien présents, mais sont jouables de façon limitée. Un autre constat fait tiquer : la proposition très restreinte de modes coopératifs, limités à deux joueurs, ce qui s'avère bien dommage lorsqu'on veut jouer avec plusieurs amis.
Enfin, autre souci important du titre : son équilibrage et l'accès à l'armement, qui se fait sur une base évolutive. Plus on joue et plus on débloque d'armes, certes, pas nombreuses, mais à la puissance de tir souvent très différente, sans pour autant que le ressenti soit réellement différent entre les différents pétoires. Les petits nouveaux sont rapidement désavantagés au niveau des skills et de l'équipement, ce qui ne donne pas nécessairement envie de persévérer, à moindre d'être happé par l'ambiance. Et il est fort probable qu'EA et DICE comptent là-dessus.
Le difficile virage de la modernité
D'une façon générale, ce Battlefront cuvée 2015 a du mal à raviver la flamme dans le cœur des joueurs ayant joué à Star Wars : Battlefront 1 et 2, sortis en 2004 et 2005. Il serait cependant erroné de dire que le jeu de DICE est mauvais : c'est bien loin d'être le cas, notamment si l'on tient compte de l'ambiance générale distillée par le jeu. Ce que l'on peut cependant considérer, c'est que le contenu actuel, c'est-à-dire celui fourni à la sortie du jeu le 19 novembre dernier, ne fait pas particulièrement d'étincelles. Lorsqu'on joue pour se changer les idées et non pour tout miser sur le score et les performances, on a le sentiment de rapidement faire le tour des cartes et des modes de jeux répétitifs. Il en sera de même sur ce point pour les plus acharnés ; ceux-ci pourront cependant miser sur les performances pour monter de niveau et acquérir bonus, armes et autres accessoires qui boosteront leur expérience sur le terrain.On ne peut pas nier, malgré les défauts du titre, sa direction artistique très maîtrisée. Graphiquement splendide, Star Wars : Battlefront bénéficie également des thèmes musicaux célèbres de la franchise, des modélisations fidèles des personnages, armes, ou encore véhicules en tous genres de la saga, et des ambiances parfaitement retranscrites des différentes planètes que l'on peut parcourir actuellement. De nombreux détails viennent compléter l'ambiance des cartes, comme les Ewoks dans les arbres d'Endor ou la grande fosse de Carkoon sur Tatooine.
L'ambiguïté actuelle de Battlefront, c'est qu'il se focalise sur les épisodes IV, V et VI et donc cherche à faire vibrer une corde résolument nostalgique, ce qui fonctionne généralement bien auprès de communautés de fans comme ceux de Star Wars. Mais en faisant ça, DICE joue forcément une musique qui se rapproche des premiers Battlefront, dont c'était déjà le fer de lance, même si l'on trouvait aussi des personnages issus des épisodes I, II et III. Le comparatif est donc inévitable et les grands efforts techniques ne font résolument pas tout, car la corde nostalgique peut également concerner - et c'est clairement le cas - les propositions de gameplay passées.
Que le marketing soit avec toi
La question délicate qui entoure la version 2015 de Battlefront est la suivante : la première impression est-elle la bonne ? La justification de cette interrogation se trouve dans la stratégie marketing déployée par Electronic Arts autour du titre. Car il existe aujourd'hui quelque chose qui n'existait pas en 2004 : les season pass. Et en la matière, EA en connait un rayon : l'éditeur n'a d'ailleurs pas hésité à mettre les deux pieds dans le plat avec son nouveau titre multijoueur, en annonçant un season pass à 50 euros, soit quasiment le prix du jeu de base.Pour ce prix, les joueurs pourront disposer de quatre DLC tout au long de l'année 2016, proposant notamment seize nouvelles cartes, quatre nouveaux modes de jeu, quatre nouveaux héros ou encore, vingt armes et bonus supplémentaires. Si le site officiel de Battlefront dévoile le contenu du season pass dans ses grandes largeurs, les détails sur les nouveaux lieux et nouveaux personnages ne sont pas évoqués. Mais on devine cependant ce qui se trame en coulisse.
Car ce n'est bien évidemment pas un hasard si le Star Wars : Battlefront nouveau est sorti fin 2015, quelques semaines seulement avant l'arrivée en salle de Star Wars 7 : Le Réveil de la Force. Le jeu va fort probablement s'étoffer de contenus liés à la nouvelle trilogie. L'indice le plus éloquent allant en ce sens, c'est l'arrivée d'un premier DLC le 8 décembre prochain ; nommé La Bataille de Jakku, il permet de découvrir en avant-première la planète du même nom, qui est l'un des principaux lieux où se déroule l'action du Réveil de la Force. Et histoire de mettre l'eau à la bouche des joueurs, ce premier DLC, qui s'accompagne d'un nouveau mode de jeu à 40 joueurs Plaque tournante, est gratuit pour tout le monde - les joueurs ayant précommandé Battlefront peuvent y accéder dès le 1er décembre.
Jakku(se)
Malgré de très nombreux teasers vidéo, Le Réveil de la Force conserve son mystère sur bien des points. Et même s'il propose d'arpenter Jakku plus de deux semaines avant la sortie du film, Battlefront n'est absolument pas une usine à spoiler, et on se doute bien que LucasFilm (soit Disney, qui possède la licence du jeu) s'en est bien assuré. La fameuse bataille jouable à 40 se déroule 29 ans avant les événements du long-métrage, après la bataille d'Endor.Dans cette optique, on pourrait presque considérer Battlefront comme une expérience cross-média. Mais ce serait sans doute exagéré, dans la mesure où la démarche résonne davantage comme un petit rouage d'une stratégie marketing bien ficelée. L'éditeur délivre même l'expérience gratuitement : c'est certes sympathique pour les joueurs ayant acquis le jeu, au contenu dont on fait assez vite le tour, mais en faisant ce choix, il appuie un peu plus le statut quasi-publicitaire de ce « bonus » qui rappelle que l'Episode VII sort bientôt.
Il y a fort à parier que le contenu, payant cette fois-ci, des prochains DLC fera la part belle à la nouvelle trilogie. On pourrait pointer du doigt le timing maîtrisé de la sortie du jeu, mais ce serait oublier que lorsque les deux premiers Battlefront sont sortis, la seconde trilogie cinématographique était au cœur de l'actualité, L'Attaque des Clones étant sorti en 2002. Seulement, à l'époque, le développeur Pandemic Studios et LucasArts avaient dû abattre leurs cartes dès la sortie des jeux, les season pass n'étant pas d'actualité.
Si l'expérience Battlefront semble incomplète à ce stade, c'est fort probablement parce qu'elle ne l'est pas. Comme beaucoup de jeux qui sortent aujourd'hui, le titre de DICE garde des atouts payants dans sa manche. A 50 euros le season pass, ils ont intérêt à être convaincants et cohérents avec la logique du titre. Il faut, en tout cas, s'attendre à voir débarquer Kylo Ren, Rey et d'autres nouveaux personnages de la franchise cinématographique : il serait étonnant qu'Electronic Arts s'en prive. Et si ça devait être le cas, alors le jeu pourrait bien s'avérer plus surprenant qu'attendu. A ce stade, la surprise est sans doute ce que l'on peut espérer de mieux, et il ne tient qu'aux amateurs de multijoueur et/ou de Star Wars de succomber dès maintenant à Battlefront, ou à patienter jusqu'en 2016 pour découvrir quel sont les plans pour le titre sur le long terme.