Adr1ft : quand Gravity rencontre le jeu vidéo, on dérive en solitaire dans l'espace

Pierre-Alexandre Conte
Publié le 08 avril 2016 à 13h37
Connu pour être l'un des jeux les plus prometteurs compatibles avec les casques de réalité virtuelle, Adr1ft s'avère intéressant à bien d'autres égards. Sa capacité à plonger le joueur dans une profonde et oppressante solitude, en fait un titre singulier sur lequel il n'est pas vain de s'attarder.

Il arrive que des titres bénéficient et pâtissent à la fois de leur aspect innovant. Si ce dernier leur permet d'être sous le feu des projecteurs, il monopolise aussi l'attention de tous, réduisant par ailleurs le potentiel global du jeu. Adr1ft entre directement, et en bonne place, dans cette catégorie. Une faute incombant en premier lieu aux développeurs, qui ont souvent présenté leur création sous l'angle le plus vendeur. A savoir sa compatibilité avec les casques de réalité virtuelle. En particulier l'Oculus Rift, dont la mise en vente correspondait à la date de sortie de la production signée Three One Zero, soit le 28 mars. Pourtant, Adr1ft a bien d'autres atouts à mettre avant.

« Flying simulator »

Adr1ft s'inscrit pleinement dans son époque puisqu'il fait partie des « walking simulators », ces jeux qui promettent avant tout une exploration lente et fluide d'un univers donné. L'accent y est systématiquement mis sur l'ambiance. Or, le titre de Three One Zero excelle dans cet exercice, celui d'immerger le joueur dans un environnement inconnu, en l'occurrence, l'espace. Cette découverte s'effectuera seul, au sens le plus strict du terme.

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Comme vous, Alex Oshima n'a pas réellement eu le choix. Lorsqu'elle s'éveille brusquement, en bien fâcheuse posture, aux alentours de 14 heures le 8 juillet 2037, la station spatiale au sein de laquelle elle travaillait est partie en lambeaux. L'astronaute américaine paraît d'ailleurs être la seule rescapée de ce qui ressemble fort à un terrible accident. Reste à comprendre pourquoi et à découvrir ce qu'est devenu l'équipage, avant de tenter de rallier la Terre, qui nargue désormais l'héroïne en affichant, à des milliers de kilomètres de là, la splendeur de ses couleurs. Sans personne pour aider Alex Oshima dans son entreprise, la tâche s'annonce dangereuse.

Seul contre l'espace

Cette solitude, vous ne pourrez vous en départir. Seules des voix provenant la plupart du temps d'audiologs ou de votre combinaison sophistiquée, vous sortent occasionnellement de votre torpeur. Car, des films comme Gravity l'ont parfaitement mis en évidence, l'espace se montre des plus silencieux. Alex Oshima n'a par ailleurs aucun compagnon de route avec lequel progresser. Ce qui rend l'environnement, aussi beau soit-il, particulièrement mortel. La moindre petite erreur vous conduit à une asphyxie certaine.

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Dans Adr1ft, votre seule réelle obsession : alimenter votre combinaison en oxygène, car vous consommez votre réserve lors de chacun de vos déplacements - quoiqu'il s'agisse ici d'un bien grand mot. En réalité, avec la gravité, vous dérivez plus que vous ne bougez. Il s'agit donc de rectifier sans cesse la trajectoire pour atteindre le prochain objectif qui prend très souvent la forme d'une petite capsule remplie d'O2. De vie en somme. Une mauvaise trajectoire et Alex Oshima risque d'agoniser sous vos yeux.

Adr1ft joue ainsi la carte de la survie, de manière plutôt habile. L'ennemi n'a pas ici l'enveloppe d'un monstre. Il prend l'apparence de l'espace. Mais si au départ, le gameplay vous demande un temps d'adaptation, il n'a pas vocation à se montrer difficile. Par cette volonté de vous placer en situation de faiblesse, il renforce simplement l'impression de solitude et l'angoisse qui naît de celle-ci.

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Un gameplay au service de l'angoisse

Le jeu de Three One Zero dispose bien d'un tutoriel pour apprendre à naviguer tel un astronaute en herbe. Toutefois, les premières minutes passées après cette introduction vous étreignent comme rarement. Les repères sont brouillés par l'impossibilité de vous déplacer à votre convenance. Il n'y a plus de sol ni de plafond. Plus de droite ni de gauche. Mais un espace au sein duquel il faut apprendre à dériver. La nécessité de trouver en permanence des réserves d'oxygène appuie ce sentiment d'étouffement. Il ne faut jamais réellement lâcher les contrôles. Les moments de répit se font rares. Et on se prend à inspirer profondément en même temps que son héroïne pour l'aider à avancer, voire à paniquer, comme elle, dans les situations les plus critiques.

Il apparaît néanmoins assez clair qu'il s'agit d'un gameplay clivant en raison de l'extrême lenteur à laquelle le personnage se déplace, dérive dans l'espace. Un défaut qui n'en est pas un si l'on considère qu'il joue pour beaucoup dans l'immersion. Cependant, à l'évidence, certains joueurs pourraient se sentir frustrés. Notamment ceux qui sont habitués aux fast-FPS. Car Adr1ft fait une utilisation radicalement différente de la vue subjective.

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Gravity-like

La narration s'avère assez classique dans sa forme. A mesure qu'Alex Oshima progresse doucement au sein des débris de la station spatiale, elle glane des informations, notamment sur ses anciens partenaires. Vous êtes alors amenés à lire des échanges de mails, différents écrits ou des extraits sonores permettant, petit à petit, d'assembler les différents éléments du puzzle. Le scénario se dévoile ainsi via des bribes d'informations disséminées dans le décor.

Comme souvent avec ce type de jeux, Le travail autour du son est important. Et il est ici réussi. La plupart du temps, le silence règne autour de vous. Seules des voix, souvent porteuses d'indications vitales viennent le rompre. Lorsque la situation devient très critique, la respiration de l'héroïne se fait également entendre, de plus en plus fort, accroissant alors ce sentiment d'oppression déjà omniprésent. La musique est, elle, relativement discrète. Elle survient brusquement pour souligner un moment fort.

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Mais Adr1ft est aussi une jolie prouesse visuelle, nécessitant d'ailleurs un PC correct (le jeu sortira aussi sur consoles, à une date encore indéterminée). Il ne s'agit pas uniquement d'une beauté de surface. Elle permet l'affichage d'un espace immense, à la fois terriblement séduisant et dangereux. Un peu comme l'avait montré ces dernières années des films comme Interstellar ou - on y revient - Gravity. Adr1ft n'évitera d'ailleurs pas les comparaisons avec le film d'Alfonso Cuarón, avec lequel il partage plus d'un point commun. Joli parallèle pour un jeu qui ne devait servir qu'à accompagner l'avènement des casques de réalité virtuelle.
Pierre-Alexandre Conte
Par Pierre-Alexandre Conte

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