Doom : gore et violence, la recette du FPS à l'ancienne

Pierre-Alexandre Conte
Publié le 20 mai 2016 à 18h15
Présenté depuis toujours comme un « reboot » de la série, Doom a longtemps laissé penser qu'il ne serait pas à la hauteur de ses ancêtres. Mais id Software a réussi à déjouer la quasi totalité des pronostics en livrant au final un FPS de qualité, fidèle à ses origines.

Parmi les titres qui ont marqué l'histoire du jeu vidéo, Doom tient une place de choix. Le FPS développé par id Software, qui a vu le jour en 1993, n'a pas seulement laissé une empreinte dans l'esprit des joueurs, il a aussi établi - fait rare - les bases d'un genre. A tel point qu'il était devenu tradition de parler de Doom-like pour évoquer les productions reprenant la vue à la première personne et les mécaniques de la création qui a fait la réputation de John Carmack et John Romero.

Si depuis le milieu des années 90, la série Doom a nettement perdu de son aura, il existe encore autour d'elle une forme d'enthousiasme inaltérable, de nostalgie. Nostalgie dont tout le monde, l'éditeur américain Bethesda Softworks en tête, a parfaitement conscience. Ce n'est donc en rien un hasard si Doom, celui qui est sorti il y a tout juste une semaine, le 13 mai dernier, est présenté depuis le début comme « un reboot ». Soit un retour aux sources que de nombreux joueurs attendent depuis de très (trop ?) nombreuses années. Reste que les premières sorties de ce FPS ont peiné à se montrer convaincantes. Et qu'un doute plus que palpable entourait de ce fait le dernier né de chez id Software.



Doom-like

Ces doutes, id Software parvient à les dissiper très rapidement, une fois la campagne solo lancée. Il faut une poignée de minutes pour comprendre que le développeur américain a réussi là où de nombreux autres studios échouent régulièrement chaque année. L'action, frénétique, s'avère hypnotisante pour le joueur, qui se retrouve, sans réfléchir, à enchaîner une à une les pièces pour réduire en miettes les monstres qui osent afficher une quelconque résistance. La fluidité des mouvements frôle la perfection, tout comme le feeling lié à l'utilisation des armes. Le constat est là, implacable. Le plaisir brut, celui qui faisait la force de l'épisode initial, est bien présent. La férocité des affrontements aussi.

Car Doom ne fait pas dans la finesse. Le jeu est extrêmement cru dans sa manière de mettre en scène la mort des ennemis. Ces derniers explosent littéralement sous les balles, laissant des parties de leurs corps décorer les murs après votre passage. C'était évidemment déjà le cas en 1993 mais la différence technique joue un rôle dans l'aspect impressionnant des combats. Il y a toutefois un parallèle assez clair entre les deux jeux, dans cette brutalité faisant appel à vos plus bas instincts.

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Il ne faut de toute manière pas compter sur Doom pour délivrer autre chose que cette expérience de FPS vif et viscéral. Il n'y a pas réellement ici de scénario. Le mot est en tout cas beaucoup trop fort. Juste un vague prétexte que l'on aura tôt fait d'oublier pour passer d'une salle à une autre sans faire attention aux hologrammes délivrant de temps à autre des messages sans grand intérêt. Id Software a tout fait pour que l'action reste centrale dans l'expérience, qu'elle ne soit pas parasitée par une narration envahissante. Un choix payant.

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Un level-design tortueux

Dans la construction des niveaux, id Software a également réussi à rester fidèle à l'esprit des premiers épisodes, en donnant malgré tout une autre envergure à l'ensemble. C'est d'autant plus flagrant dans la première partie du jeu qui fait la part belle aux couloirs un brin labyrinthiques et aux vastes salles où vous êtes invité à ôter la vie à des vagues de monstres qui proviennent des quatre coins du lieu. Le tout, avec un savoir-faire que l'on ne peut que saluer.

Le level-design, tout comme le reste d'ailleurs, est moins séduisant dans la seconde moitié du jeu, qui propose un séjour « bucolique » en enfer. Si celui-ci n'a rien de très réjouissant, c'est en grande partie parce qu'id Software a eu la drôle d'idée de stopper là de manière assez nette votre progression, en ne proposant pas de réel nouveau challenge et en enchaînant ad nauseam les affrontements sans saveur contre les mêmes ennemis. Étonnant, d'autant que le studio américain avait réussi jusque-là une démonstration, faisant monter en puissance l'expérience avec une grande maîtrise.

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Il est également possible de voir dans ce Doom un hommage appuyé à son ancêtre au niveau des couleurs employées. Mais tout cela apparaît plus involontaire qu'autre chose. Le marron côtoie en effet l'orange et le gris dans des environnements qui manquent, à ce niveau, de variété. Dommage car les qualités techniques du titre sont absolument indéniables, lui qui affiche en premier lieu une rare fluidité.

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Admirez ce camaïeu d'orange

Des mécaniques old-school

Mine de rien, à l'ère des jeux de tir en vue subjective qui ne cessent de copier les mêmes recettes pour séduire le public le plus large possible, Doom affiche un parti pris audacieux. Audacieux car raccord avec les volets originaux de la série. Cela peut paraître anecdotique mais votre personnage possède une barre de vie, qui ne se recharge pas toute seule. Celle-ci se vide d'ailleurs assez rapidement et il devient vite essentiel de doubler votre résistance en récoltant des armures vertes - qui rappelleront forcément des souvenirs aux « vétérans » - disséminées dans les niveaux.

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Autre choix que peu de jeux font de nos jours : la possibilité de porter sur vous toutes les armes que vous trouvez en route. Inutile d'en laisser une pour en prendre une autre, votre personnage est une mule. Et ce n'est pas exagéré d'affirmer que cela donne un tout autre visage aux affrontements, en plus d'apporter un certain confort aux joueurs.

Comme un symbole, l'une des mécaniques centrales de ce Doom - non existante le siècle dernier - s'avère être un choix de design des plus contestables. Après avoir affaibli l'ennemi, le jeu vous offre la possibilité d'aller à sa rencontre pour l'exécuter de manière spectaculaire. Spectaculaire mais aussi utile, dans la mesure où ces « Glory Kills » - puisque tel est leur nom - vous permettent d'obtenir quasiment à coup sûr de quoi vous soigner et des munitions. Le problème, c'est qu'id Software contraint par ce biais le joueur à multiplier ces actions. Ce qui confère un côté extrêmement répétitif au gameplay. Il aurait certainement été préférable de laisser à chacun la liberté de jouer la partition de son choix, plutôt que d'obliger tout le monde à embrasser celle voulue par les développeurs.

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Un FPS de qualité avant tout

La filiation avec les premiers épisodes de la série est donc ici évidente. Mais au-delà de ces considérations - certes importantes -, Doom est un FPS de grande qualité qui a troqué toute ambition narrative pour proposer un gameplay centré sur l'essentiel : les affrontements. Et si le multijoueur, très ordinaire, a tout du « mode de jeu pour cahier des charges », la campagne solo possède de solides arguments justifiant à eux seuls ce compliment. Id Software a donc réussi son pari. Peut-être le plus difficile depuis ceux pris au début des années 90.

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