Il y a près de 30 ans déjà, en septembre 1992, les joueurs SEGA enviaient comme jamais les joueurs Super Nintendo, avec le lancement de Zelda : A Link to the Past. Quelques années plus tard, ces mêmes joueurs Mega Drive vont profiter d’un certain Soleil, mais aussi (et surtout), de La Légende de Thor, considéré alors par certains comme « le Zelda » de la console de SEGA.
Aux antipodes de la bataille des téraflops, de la 4K et des 60 fps, NEO•Classics vous propose un retour vers les origines du jeu vidéo. Du titre 2D en gros pixels au moins lointain jeu à la 3D hésitante, cette chronique vous invite à (re)découvrir les pépites vidéoludiques qui ont ouvert le monde au 10ème art...
Au début de l'année 1995, les joueurs SEGA Mega Drive (et les autres) font donc la connaissance d’une certaine Légende de Thor. Un titre qui place le joueur dans la peau du prince Ali (oui c’est bien lui), lequel met rapidement la main sur un bracelet magique capable d’invoquer les esprits élémentaires (mais pas que). Ce dernier ne sera pas de trop pour faire un peu d’ordre dans le royaume d'Oasis, et accessoirement remettre à sa place le détenteur du bracelet argenté, le tout sur fond de vengeance personnelle après l’assassinat du père d’Ali et la disparation de sa sœur (d’Ali, pas de son père, sinon ce serait sa tante). Ambiance…
L'un des jeux emblématiques de la génération Mega Drive
Dès les premiers instants de jeu, à l’époque comme aujourd’hui, difficile de ne pas voir en La Légende de Thor le jeu d’aventure/action que toute une génération de joueurs SEGA attendait. D’une beauté assez impressionnante, le jeu laisse très vite le joueur libre de ses mouvements, et on découvre ainsi un Ali capable de se battre à coup de poignard… mais aussi à coups de pieds.
À ce sujet, la palette d’actions du héros est assez incroyable, et outre ses attaques, Ali peut courir, marcher, se baisser, sauter… On est bien loin alors de la rigidité de ce pauvre, mais néanmoins vaillant, Link.
Malgré son orientation « Aventure », La Légende de Thor est un titre résolument hybride. En effet, le jeu se veut un action-RPG, avec un personnage qui évolue au fil des ennemis occis, avec un vrai côté « aventure » donc, mais il a également en lui quelque chose de Tennessee Streets of Rage.
En effet, les combats dans leur ensemble rappellent les classiques « beat’em up » de l'époque, et pour cause, le studio à l’origine du jeu, à savoir Ancient, était aussi à l’œuvre sur… Streets of Rage 2 ! Ca ne s'invente pas. Ainsi les combats débordent littéralement d’énergie et c’est un vrai régal que d’occire toute forme ennemie qui ose se présenter à l’écran, avec des bruitages façon « Les Liaisons vachement Dangereuses ».
Evidemment, au-delà de son aspect technique (le jeu est sorti en fin de vie de la Mega Drive), La Légende de Thor impressionne également par son background. En effet, le jeu demande au joueur d’aller retrouver, et dompter, pas moins de quatre esprits, à savoir Dytto l’esprit de l’eau, Shade l’esprit de l’ombre, Bow l’esprit des plantes et enfin, celui qui sera élevé au rang d’icône par Final Fantasy VII quelques années plus tard, Efreet, l’esprit de feu. Via son bracelet, Ali peut invoquer un esprit en lançant une boule de feu sur l’élément en question.
En bref ce n'est pas pour rien qu'en mars 1995, le magazine Mega Force présentait La Légende de Thor comme son « Coup de Coeur », lui attribuant la note de 91 %. Seule la maniabilité « parfois délicate » était à classer parmi les défauts du jeu.
Une tuerie incontestable… Même pour un fanboy Super Nintendo
Autant dire qu’à l’époque, La Légende de Thor est une sacrée claque, déposée avec perte et fracas sur les joues potelées, et parfois surmontées d’un élégant duvet, des jeunes pré-ados que nous étions. À cela s’ajoute un autre élément assez extraordinaire pour l’époque : le jeu est intégralement traduit en français !
Cerise sur le gâteau, la bande-son est signée d’un certain Yuzo Koshiro, déjà aux platines en ce qui concerne la saga Streets of Rage (encore elle). Et que dire de cette introduction animée qui a fait baver plus d’un irréductible de la Super Nintendo…
Alors certes, on est loin ici du J-RPG avec des combats stratégiques, une intrigue ultra-profonde et de nombreux lieux à visiter, mais quel plaisir de découvrir sur Mega Drive ce titre d’une classe assez folle. C’est simple, à l’époque, le fidèle défenseur de la Super Nintendo que j’étais (et qui s’apprêtait bientôt à revendre cette dernière pour la PlayStation) avait littéralement soudoyé son voisin pour se faire prêter la Mega Drive II avec La Légende de Thor (et le Roi Lion aussi, mais bon). En vain…
La légende de Thor jouissait donc d'un univers techniquement réussi, dans lequel chacun pouvait prendre plaisir à se défaire de ses ennemis à coups de poignard, à coups de pieds, et à coup de flèches explosives. Certes, la hitbox n'était pas d’une précision chirurgicale, et on avait parfois un peu de mal à bien se positionner par rapport à son adversaire (notamment les ennemis volants…), mais rien que ces sprites gigantesques et ces bruitages si caractéristiques suffisaient à faire le bonheur des joueurs.
Un jeu punchy et intelligent
Malgré une forte tendance beat’em up, La Légende de Thor offrait aussi des palais (oui, comme dans un Zelda) avec pas mal de références assez évidentes au jeu de Nintendo, tant au niveau des énigmes que de certains pièges. Le jeu de SEGA se payait le luxe d'une réelle subtilité, avec, par exemple, des ennemis que l’on pouvait s’amuser à piéger. Le titre profitait par ailleurs d'une difficulté parfaitement dosée, avec un système de sauvegarde ultra flexible et nombre de secrets, qui ont forcément échappé à pas mal de joueurs.
Côté durée de vie, ici encore La Légende de Thor tenait davantage du beat’em up que du RPG pur jus, le titre pouvant se terminer en 4 à 6 heures seulement.
Toutefois, comme évoqué plus haut, pas de blabla ici, pas de phase à rallonge, mais un plaisir de jeu explosif, et intact du début de l’aventure jusqu’à son terme. À noter au passage qu’aux Etats-Unis, le jeu fut publié sous l’appellation Beyond Oasis.
En 1996, c’est la SEGA Saturn qui accueille la suite de La Légende de Thor, avec The Story of Thor 2, une préquelle au jeu Mega Drive. Ce second épisode permettait alors de découvrir les origines du mystérieux bracelet d’or, et était à l’origine prévu pour débouler sur… 32X !
Profitant du succès de son prédécesseur, The Story of Thor 2 reprenait la recette de l’opus Mega Drive, en version « Plus » évidemment ; il n’a toutefois pas forcément connu la même destinée, les joueurs ayant, dans leur immense majorité, les yeux tournés depuis quelques mois déjà vers une certaine Sony PlayStation…
Alors pourquoi La Légende de « Thor » en fait ?
En effet, à l’époque, rien n'expliquait, dans le jeu, le pourquoi du titre, « Thor » n’apparaissant à aucun moment, et sous aucune forme…
« La Légende de Thor », découle en réalité de l’appellation japonaise, faisant mention de « Toa » (ou « Tor »), un lieu emblématique du jeu, qui a tout simplement été bien maladroitement traduit en « Thor ».
Idem du côté de Ruo, le héros de la version nippone, dont le nom a été modifié en « Ali » pour les autres régions. Des soucis de traduction comme il y en avait tant à l'époque… Et qui participent d'ailleurs aujourd'hui au « charme » de certains jeux, comme Dragon Ball ou encore Les Chevaliers du Zodiaque : La Légende d'Or sur NES.
Bref, loin d’être parfait, La Légende de Thor fait indéniablement partie de ces jeux exceptionnels de l’époque Mega Drive, à la fois explosif dans son gameplay, très flatteur pour la rétine et bigrement intelligent sur bien des aspects. Si vous ne saviez pas encore quoi faire en ce dimanche après-midi de novembre, (re)lancez donc La Légende de Thor…