L'orbite basse permet une vue privilégiée sur les continents, mais aussi sur l'atmosphère. Crédits NASA
L'orbite basse permet une vue privilégiée sur les continents, mais aussi sur l'atmosphère. Crédits NASA

Rejoindre l'orbite est un exercice difficile. Mais que viennent y faire les Etats et les entreprises ? Entre 250 et 1 500 km d'altitude, nous voici en orbite basse. C'est une zone très hiérarchisée, qui peut servir à tout…

Et de préférence pas à n'importe quoi.

L'orbite très basse, au royaume des essais

On trouve très peu de satellites actifs à des altitudes oscillant entre 200 et 300 km d'altitude, et ce pour des raisons très simples : à cause des frottements des quelques particules atmosphériques qui restent à ces hauteurs, un satellite y est rapidement freiné et désorbité. Cela ne prendra que quelques semaines, voire quelques mois. Mais en réalité, pour une entreprise qui veut tester un nouveau capteur, une antenne innovante, un panneau solaire super-léger ou une électronique qui fonctionne mieux et moins cher que les autres, c'est parfois une super opportunité. Voire même pour essayer de quoi désorbiter rapidement un satellite, comme une voile solaire…

Les lanceurs légers comme Electron, ou les décollages en commun avec plusieurs dizaines de satellites sous la coiffe, s'arrêtent parfois à basse altitude pour y larguer ces petits satellites de test. Ils n'ont pas besoin de moteur, et s'ils tombent en panne rapidement, tant que l'essai de leur matériel a fonctionné, ce n'est pas bien grave. Certains viennent y tester aussi de nouveaux formats de satellites. Après l'avènement dans les années 2010 du CubeSat (un standard de satellite à partir de « briques » de 10 x 10 x 10 cm), différents concurrents testent leurs propres plateformes encore plus petites.

Le petit satellite CubeSat 3U Qarman, dont l'objectif est de tester un bouclier thermique et une rentrée atmosphérique. Crédits Von Karman Institut
Le petit satellite CubeSat 3U Qarman, dont l'objectif est de tester un bouclier thermique et une rentrée atmosphérique. Crédits Von Karman Institut

Il y a un véhicule assez célèbre qu'on retrouve à cette altitude, c'est la petite navette de la défense américaine construite par Boeing : X-37B. Mais elle dispose d'un moteur pour la ramener à une altitude plus « calme » si d'aventure l'atmosphère commence à trop la freiner.

A l'altitude des stations spatiales…

Si de façon générale, il est recommandé de prêter une grande attention au problème des collisions et des débris en orbite, il faut prendre particulièrement soin de celui actuellement à 425 x 428 km d'altitude et occupé par cinq astronautes, c'est-à-dire l'ISS. Des milliers de satellites et débris croisent son orbite chaque jour… Ce qui ne veut pas dire qu'elle est obligée de manœuvrer en permanence non plus ! L'ISS éjecte elle-même plusieurs dizaines de petits satellites chaque année, en support de programmes commerciaux, mais aussi de projets des agences qui supportent les universités ou des initiatives pour des états qui n'ont pas de gros budgets.

A environ 400 kilomètres d'altitude, la population de satellites est plus diverse. Il y a des CubeSats plus imposants, des satellites d'observation de la Terre, quelques « espions » dont la position est bien connue, mais les capacités jalousement gardées. Et quelques vieilles carcasses des années 70 et 80, sur leur lent chemin vers la désorbitation…

La station orbitale Tiangong-2, aujourd'hui désorbitée, évoluait à une altitude proche de celle de l'ISS. Crédits Xinhua/China Academy of Sciences/China Manned Space Engineering Office

Bienvenue au Far-Ouest

Entre 500 et 750 kilomètres d'altitude, on rencontre une multitude de satellites différents. Il y a tout d'abord ceux de la plupart des constellations en service ou en construction aujourd'hui : les communications Iridium, l'observation de la Terre avec les CubeSats de PlanetLabs (mais aussi beaucoup d'autres), la connectivité avec Starlink, les satellites de suivi des bateaux de Spire, les radars d'Iceye.... On retrouve des satellites de toutes les puissances spatiales et la « population » y est dense.

Les grandes nations y ont d'ailleurs certaines unités dont la mission n'est pas publiquement révélée (radar, espionnage électronique, satellites « visiteurs », etc.). C'est à ces altitudes qu'il est le plus probable que dans un futur proche, une collision ait lieu… Probablement entre de vieux satellites désactivés. Car au-delà de 500 km d'altitude, les frottements avec les molécules atmosphériques sont faibles, et il faut souvent plusieurs décennies pour qu'un satellite ou un étage de fusée soit désorbité.

On y retrouve aussi Hubble !

Le satellite Angels, qui suit les balises Argos, est en orbite à un tout petit peu plus de 500 km d'altitude. Crédits CNES

Héliosynchrones, suivre le Soleil

Il y a des orbites basses plus recherchées que les autres. Par exemple, pour une constellation de communication ou bien d'observation de la Terre, il est utile de survoler l'ensemble du globe. Ce qui a l'air facile… Mais requiert ce qu'on appelle une inclinaison polaire : au décollage, le lanceur s'oriente vers le Pôle (en pratique, un peu à côté pour éviter les risques de collision). Mais il y a encore mieux : la « Rolls » des orbites basses, l'orbite polaire héliosynchrone, entre 700 et 1 000 km selon l'inclinaison. Car non seulement vous survolez l'ensemble de la Terre, mais peu importe l'endroit que vous survolez, votre satellite progresse à la même vitesse que le Soleil autour de la Terre. Résultat, sur les continents que l'on survole, il est toujours la même heure ! Comme midi (pratique, il n'y a pas d'ombre) ou dix heures, par exemple (pratique, les ombres sont toujours orientées pareil).

Ces orbites, qui sont les plus recherchées pour l'observation terrestre comme les constellations LandSat américaines, Copernicus de l'Europe ou Gaofen chinoises. On y retrouve aussi des satellites météorologiques. Pour économiser les places sur ces orbites, certaines agences forment des « trains », c'est-à-dire s'arrangent entre elles pour que plusieurs satellites se suivent sur la même orbite. De cette façon, non seulement ils ne se dérangent pas, mais leurs données peuvent plus facilement être comparées et échangées.

Vue d'artiste d'un satellite de la constellation OneWeb, dont l'altitude opérationnelle est à plus de 1200 km d'altitude.Crédits OneWeb.

Et au-delà ?

Il y a beaucoup moins de satellites actifs au-delà de 850 km d'altitude, même si on y retrouve de nombreux débris des débuts de l'exploration spatiale : les satellites avaient peu de ressources pour manœuvrer, donc être à 800 km d'altitude représentait la possibilité d'être sur une orbite stable très longtemps. Même si cela veut dire qu'aujourd'hui, ils représentent des débris pouvant rester plusieurs siècles en orbite. C'est le cas de Vanguard-1, le deuxième satellite américain, ou d'Asterix-1 le premier satellite français, toujours présents en orbite. Bien entendu, cette région étant « peu peuplée », elle est vue par certains comme une zone propice pour établir leurs constellations. C'est le cas de OneWeb qui, bien qu'actuellement en faillite, prévoit d'envoyer plus de 600 satellites à environ 1250 km d'altitude.

On considère qu'au-delà de 1 000 km et jusqu'à 12 000 km à l'équateur, la présence de la ceinture intérieure de Van Allen peut perturber des mesures et surtout réduire la durée de vie de l'électronique de bord. Mais sa répartition (centrée autour de l'équateur) n'est pas uniforme selon l'altitude.

Bien sûr, il reste beaucoup d'autres orbites intéressantes… mais bien plus hautes !