Notre série Science et Fiction s'intéresse aux prouesses technologiques aperçues dans le cinéma, à la télévision ou dans la littérature, et se questionne sur le positionnement, possible ou non, dans la réalité.
H.G. Wells, déjà à l'origine de L'Homme Invisible, a écrit La Machine à explorer le temps en 1895. Dans ce roman fantastique, un voyageur du temps, coincé en l'an 802 701 sur une Terre d'apparence paradisiaque, part à la recherche de sa machine à voyager dans le temps dans des souterrains habités par des créatures peu amicales. L'intrigue, que Wells a mis de nombreuses années à peaufiner, tient plus de la critique de l'époque victorienne que d'un véritable roman de science-fiction, et les détails concernant la manière dont le voyageur temporel se déplace à travers les époques ne sont que très vagues. Mais l'idée est là, et elle va se développer par la suite à travers des dizaines d'œuvres de tous types.
L'une des plus célèbres est bien évidemment Retour vers le Futur, trilogie cinématographique dans laquelle un savant aussi génial que déjanté, Emmett Brown, parvient à transformer une DeLorean en machine à voyager dans le temps. La voiture est équipée d'un convecteur temporel alimenté au plutonium. Lorsque la voiture franchit la vitesse des 88 miles par heure, elle peut voyager dans le temps... Le film balance quelques explications scientifiques, mais là encore, la technique utilisée n'est rien d'autre qu'une invitation à l'aventure. Du côté des comics, on peut citer Flash, super héros de DC Comics capable de voyager dans le temps mais également dans les dimensions alternatives en faisant vibrer les molécules de son corps à des fréquences spécifiques.
Récemment, la question du voyage dans le temps, abordée de façon scientifique, a été mise en scène dans le film Interstellar, de Christopher Nolan. Dans le film, les personnages évoquent fréquemment les trous de ver, qui formeraient un raccourci dans l'espace-temps, un endroit où une dimension se plie et où il serait donc possible de voyager très rapidement d'un point A à un point B. Mais l'histoire mise en scène dans le film est purement fictionnelle, puisque les trous de ver sont, à l'heure actuelle, totalement théorique : leur existence a été suggérée en 1935 par Nathan Rosen et Albert Einstein, sans pour autant être prouvée par la suite, malgré de très nombreuses recherches durant les dernières décennies.
Les trous de ver sont présents dans de nombreuses oeuvres de fiction : c'est un peu un deus ex machina du voyage dans le temps, un moyen de justifier avec une explication scientifique qui reste aujourd'hui théorique que des personnages passent d'une époque à l'autre. Le trou de ver est ainsi au coeur de l'intrigue de la bande dessinée Universal War One, dans le film Donnie Darko, dans Stargate ou encore dans Star Trek. Si le trou de ver n'est pas toujours associé au voyage temporel, il est l'occasion de voyager dans des dimensions alternatives, comme dans Sliders ou dans Fringe et fait tout de même largement partie du folklore.
On passe, bien évidemment, sur la multitude d'œuvres qui évoquent autrement le voyage dans le temps, qu'il s'agisse du franchouillard Les Visiteurs ou de L'Armée des 12 Singes de Terry Gilliam, inspiré du court-métrage La Jetée, de Chris Marker. La liste est immense, mais de façon générale, on a rarement une ébauche des possibilités réelles de voyage temporel. Certains scientifiques se sont pourtant penchés sur la question, mais la réponse va probablement décevoir ceux qui aimeraient aller jeter un petit coup d'oeil dans le futur ou dans le passé...Voyager dans le temps est un concept qui intéresse les scientifiques depuis des décennies. Mais la perspective concrète de voyager à travers les époques est, avouons-le d'emblée, bien faible en dépit de la quantité d'études menées. Les lister prendrait des heures.
Il faut, par ailleurs, distinguer les études qui évoquent un voyage temporel via l'Espace de celles, via la surface du globe. Quand on parle des théoriques trous de ver, cela nécessite de quitter la Terre. Si l'on prend en considération la richesse du folklore autour du voyage dans le temps, on est bien loin de la machine dans laquelle on rentre pour aller se promener à une autre époque. Il faut aussi différencier les recherches qui visent à proposer un retour au voyage temporel, et celles qui sous-entendent que le voyage serait sans retour.
La théorie de la relativité restreinte d'Einstein, ainsi que celle de la relativité générale, évoquent d'une certaine façon le voyage dans le temps : en partant du principe qu'un voyageur pourrait se déplacer dans l'Espace à une vitesse proche de celle de la lumière, celui-ci voyagerait plusieurs heures, tandis que sur Terre plusieurs années s'écouleraient. On est bien dans le cas d'un voyage dans le temps. Néanmoins, on reste dans la théorie car rien ne permet de voyager aussi vite à l'heure actuelle. De plus, un tel voyage serait à sens unique : aucun retour dans le passé ne serait possible. Cette théorie est expliquée par le paradoxe des jumeaux, présenté pour la première fois en 1911 par Paul Langevin. Il a été observé, dans une mesure bien moindre, par les jumeaux astronautes Scott et Mark Kelly. Scott Kelly est devenu l'astronaute ayant passé le plus grand nombre de jours dans l'Espace, soit 342 jours. « Le temps passera légèrement plus lentement pour Scott que pour moi, parce que je voyagerai à une plus grande vitesse relative pour moi. » expliquait en 2015 Mark, le frère resté sur Terre. Scott Kelly serait donc revenu sur Terre plus jeune que son jumeau de l'ordre de 10 millisecondes... Paradoxalement, son voyage dans l'Espace a également rendu Scott plus vieux en raison de l'influence des effets cosmiques sur son organisme.
L'astronaute Scott Kelly serait désormais 10 millisecondes plus jeune que son frère jumeau Mark
Le voyage dans le futur sans retour possible n'est clairement pas ce qui fait le plus rêver. Pourtant, c'est ce qui reste le plus réalisable d'un point de vue technologique et physique. Le voyage vers le passé s'avère très complexe à imaginer et flirte même avec l'impossible, dans la mesure où chercher à aller dans une direction déjà passée impliquerait qu'elle existe encore : il s'agit d'une violation du postulat de causalité, qui sous-entend que l'effet doit avoir obligatoirement lieu après la cause. C'est ce qu'on appelle plus communément le paradoxe temporel.
On peut illustrer cette situation avec le paradoxe du grand-père : un voyageur retourne dans le passé et tue son grand-père avant que ce dernier n'ait pu avoir d'enfant. De fait, le voyageur ne peut pas exister puisqu'il n'a pas été enfanté. Comment expliquer alors qu'il ait pu faire ce voyage et tuer son grand-père ? Ce genre de paradoxe se retrouve dans de très nombreuses oeuvres de fiction, à commencer par Le Voyageur imprudent de Barjavel. Dans Retour vers le Futur, Marty McFly est menacé de ne plus exister lorsqu'il comprend que sa mère, alors adolescente, est en train de tomber amoureuse de lui plutôt que de son futur père ! D'autres oeuvres partent d'un principe différent : on ne peut pas remettre la causalité en question et ce qui s'est déroulé s'est bien déroulé, changer le passé revient à construire un futur alternatif.
La preuve ultime de l'impossibilité du voyage temporel ?
On l'aura compris, voyager dans le temps n'est pas une mince affaire, et les données actuelles sont totalement théoriques. Les rares inventions qui sont présentées comme des machines à voyager dans le temps sont globalement farfelues, à l'image de celle de Ali Razeghi, un Iranien qui prétendait en 2013 en avoir inventé une. Au final, il s'agissait surtout d'une machine supposée voir dans le futur, un système prédictif à base d'algorithmes complexes. « Ma machine se glisse facilement dans une sacoche d'ordinateur et peut prédire en détail les 5 à 8 prochaines années de la vie de ses utilisateurs. Elle ne vous fera pas voyager dans le futur mais vous apportera le futur. » D'accord. Avoir les résultats du loto à l'avance, c'est possible ?Au risque de paraître rabat-joie, il faut probablement se faire à l'idée que le voyage dans le temps ne sera jamais possible, en tout cas, pas dans le futur : le physicien Stephen Hawking a entrepris de le démontrer en 2009, le 28 juin de cette année-là, précisément. Il avait organisé, à Cambridge, une réception visant à accueillir un seul et unique type d'invités : les voyageurs temporels, venus du futur. Pour faire en sorte qu'eux seuls viennent à l'événement, il avait pris soin de lancer l'invitation après la date effective de la fête, pour que seuls les voyageurs du futur puissent s'y rendre en voyageant dans leur passé... mais personne n'est venu !
« Cette expérience prouve que le voyage dans le temps est impossible » a déclaré par la suite le professeur Hawking. A moins, bien évidemment, qu'aucun voyageur du futur n'ait eu son invitation à temps, ou que le Docteur ait été retenu ailleurs ce jour-là (et tous les autres). Stephen Hawking s'intéresse cependant à la question du voyage dans le temps mais défend la théorie du voyage à une vitesse proche de celle de la lumière, « avec un vaisseau allant 2000 fois plus vite que les 40 000 km/h d'Apollo 10 et capable de transporter une grande quantité de carburant, de voyager durant six ans à la vitesse de la lumière. Le vaisseau prendrait progressivement de l'accélération : en une semaine, il atteindrait des planètes distantes. En deux ans, il atteindrait la moitié de la vitesse de la lumière et serait très loin du système solaire. Quatre ans après son décollage, à 48 billions de kilomètres de la Terre, le vaisseau commencerait enfin à voyager dans le temps. Pour chaque heure passée dans le vaisseau, deux s'écouleraient sur Terre. Attendez encore deux années, à 99% de la vitesse de la lumière, pour un jour à bord, il s'écoulera un an sur Terre. Le vaisseau volerait ainsi réellement dans le futur. »
Un plan qui pourrait fonctionner, mais qui nécessiterait d'envoyer des naufragés volontaires dans un avenir plus ou moins lointain, sans espoir de retour. Voilà qui demande réflexion... ça tombe bien, on a le temps.