Le satellite Eutelsat Konnect, en préparation avant de partir pour l'orbite géostationnaire. Crédits Thales Alenia Space
Le satellite Eutelsat Konnect, en préparation avant de partir pour l'orbite géostationnaire. Crédits Thales Alenia Space

Quitter l'orbite basse, c'est entrer dans le monde particulier. Car ces zones sont l'apanage de constellations spécifiques, de satellites de haute capacité et de riches entreprises.

On y trouve des débris et des satellites aux usages bien particuliers !

Les orbites elliptiques : voir les pôles longtemps

Dans les années 60, lorsqu'il devient intéressant d'avoir des satellites en permanence au-dessus d'une zone pour relayer des communications, observer la météo ou même espionner de larges territoires, l'URSS s'est retrouvée dans une posture compliquée. En effet, une zone importante de son territoire est à une trop haute latitude pour être visible par un satellite en orbite géostationnaire.

Heureusement pour eux, la mécanique orbitale est bien faite. Avec une inclinaison particulière de 63,4 degrés et une orbite fortement elliptique (environ 1000 x 35000 km), non seulement un satellite fait exactement deux orbites par jour, mais en plus il va passer environ 20 heures sur 24 avec une visibilité sur le cercle polaire ! On nomme cette orbite après les satellites russes de l'époque, Molniya.

Quelques satellites sur des orbites Molniya sur le site Stuffin.space
Quelques satellites sur des orbites Molniya sur le site Stuffin.space

Cette opportunité qui ne trouvera pour l'instant aucun débouché commercial est utilisée par les militaires (intéressant quand on a des sous-marins sous la banquise, ou des marins dessus) ainsi que pour certains systèmes dits « de détection avancée », c'est-à-dire d'espionnage des lancements de différentes puissances. Il existe une version encore plus spécifique de cette orbite que l'on nomme Toundra. Avec une plus grande ellipse, le satellite ne fait plus alors qu'une orbite en 24 heures, mais il a un autre avantage : il passe toujours au-dessus des mêmes pays.

O3B, la constellation où il n'y a personne d'autre

Pour connecter les « Other Three Billions » (O3B) une constellation est en fonction sur une orbite moyenne à 8 063 km d'altitude. C'est assez particulier car elle est… la seule sur place. Sur l'équateur, ces satellites n'interfèrent pas avec d'autres services, et fournissent de la connectivité internet à des avions et des navires jusqu'à une latitude équivalent celle de la France. La constellation compte 16 satellites (13 actifs) répartis autour du monde pour une couverture continue. Au moins 7 satellites supplémentaires devraient décoller à partir de 2021. Le géant des télécommunications SES continue de croire à cette orbite… unique en son genre.

Zoom sur les 12 antennes orientables d'un satellite O3B. Crédits Thales Alenia Space

MEO, le royaume des constellations de positionnement

Vous n'avez plus vraiment d'excuse, en 2020, de ne pas utiliser de système de géolocalisation. Il y en a dans les voitures, dans les montres et autres objets connectés, et bien sûr, dans nos portables. Chaque puce de géolocalisation utilise une ou plusieurs constellations et récupère les données des satellites (en réalité leur position et la date exacte de leur horloge atomique). Et ces constellations, elles sont toutes situées grossièrement à la même altitude, autour de 20 000 kilomètres de la surface terrestre. Il n'y en a « que » quatre avec le GPS (USA), GLONASS (Russie), Galileo (Union Européenne) et Beidou (Chine), mais cela représente plus d'une centaine de satellites actifs et des dizaines d'unités déjà désactivées sur des orbites « poubelles » avec les restes des étages supérieurs qui les ont amenés sur place. A ces altitudes cependant, on considère pour l'instant que ce n'est pas un problème.

Grâce à Ariane 5, l'Europe a pu envoyer des "grappes" de 4 satellites Galileo à la fois. Crédits ESA

Les satellites géostationnaires, la haute noblesse

Historiquement, ce sont les rois des satellites. A un tout petit peu moins que 36 000 km d'altitude, une orbite circulaire d'un satellite l'amène à tourner à la même vitesse angulaire que la surface terrestre. Conséquence directe : vu du sol, le satellite est un point fixe au-dessus de l'équateur. Sur le plan pratique, c'est extraordinaire, puisqu'en lui envoyant un signal à diffuser, il peut émettre vers quasiment la moitié du globe en même temps ! Ou bien, relayer des communications. Ou observer la météo sur un continent tout entier. Cela fait depuis 1964 qu'on ne cesse de trouver des utilités à l'orbite géostationnaire, et les « places » sur l'équateur sont chères !

C'est la zone de prédilection pour les satellites commerciaux de grands opérateurs de télécommunications (SES, Sky, Intelsat, Eutelsat, InmarSat, JSAT…) de diffusion de télévision par satellite, de services de connectivité aux zones isolées. Mais les armées y ont aussi de grands relais pour leurs communications chiffrées… Ainsi que quelques satellites espions qui vont écouter leurs voisins. On a même vu des satellites de chiffrement pour des banques. Certains satellites, avec un nombre record de transpondeurs et des matériaux de très haute technologie, sont de véritables pièces d'horlogerie de plus de 6 tonnes. Leur prix à l'achat, jalousement gardé, dépasse parfois les 500 millions de dollars…

Le très grand satellite Intelsat-39 en préparation au Centre Spatial Guyanais. Crédits ESA/CNES/CSG/Arianespace/P. Baudon

Il existe une toute petite famille de satellites à une altitude équivalente à l'orbite géostationnaire, mais qui ont une inclinaison d'une trentaine de degrés, que l'on appelle IGSO (Inclined GeoSynchronous Satellites) et qui servent à couvrir eux aussi les régions à hautes et basses latitudes. En raison de leur orbite, comme ils survolent toujours les mêmes méridiens, depuis le sol cela donne l'impression qu'ils se déplacent sur un axe Nord-Sud. Ils sont le plus souvent utilisés pour affiner les mesures des constellations de positionnement (Beidou en Chine, QZSS au Japon pour améliorer les données GPS).

Au cimetières des étages de fusée, l'orbite GTO

Pour rejoindre l'orbite géostationnaire, il est très rare qu'un satellite soit directement éjecté près de sa zone opérationnelle (seuls certains lanceurs sont en mesure de fournir ce type de service). Ils sont donc éjectés sur une orbite que l'on appelle « de transfert géostationnaire », ou GTO. Seule leur apogée est située autour de 36 000 kilomètres, il faut donc qu'ils utilisent leur propre carburant pour rejoindre leur orbite finale.

Il existe plusieurs stratégies pour y arriver : propulsion chimique (c'est rapide), propulsion électrique-ionique (c'est très efficace donc économe en carburant et en masse), utilisation de lanceurs avec de meilleures orbites que d'autres… Un décollage sur Ariane 5 fait « économiser » environ 300 m/s grâce à une inclinaison plus faible qu'un lancement en Floride. Mais il existe aussi des décollages en orbite « supersynchrone » qui envoient les satellites à des altitudes flirtant parfois avec les 70000 kilomètres. Contrairement à ce que l'intuition nous dicte, les manœuvres à cette altitude nécessitent moins de carburant pour faire varier une orbite.

Orbites des débris résultant des vols Ariane depuis 40 ans. La majorité d'entre eux seront détruits dans moins de 20 ans. Crédits stuffin.space

Les satellites quittent donc à leur propre rythme l'orbite GTO. Mais les étages des fusées qui les y amènent, eux, restent souvent longtemps sur ces interminables ellipses. Un grand nombre d'entre eux, issus des décollages de ces 40 dernières années, resteront des débris encore plusieurs décennies.