La capsule Starliner s'approche de la Station Spatiale Internationale. Crédits NASA
La capsule Starliner s'approche de la Station Spatiale Internationale. Crédits NASA

Issue du fameux contrat public-privé « Commercial Crew », Starliner est la capsule spatiale habitée de Boeing. Sélectionnée en 2015 pour transporter des astronautes vers la Station spatiale internationale, elle a souffert d'important retards et de problèmes techniques… Mais la NASA en a besoin.

Elle a réussi son premier aller-retour vers l'ISS en 2022.

Starliner : les origines

Le programme CST-100 de Boeing nait en 2010, lorsque la NASA demande aux industriels américains de proposer de nouvelles solutions pour transporter ses astronautes vers et depuis la Station spatiale internationale. En effet, les navettes spatiales coûtent trop cher, présentent trop de risques et sont envoyées à la retraite. L'agence américaine doit alors se reposer sur son partenaire russe pour s'occuper des transports, avec des factures qui s'alourdissent et un message politique désastreux : les Etats-Unis ne peuvent même plus envoyer leurs astronautes en orbite. Boeing présente alors sa solution avec Bigelow Aerospace, avant de poursuivre les travaux seul en 2012. « CST » signifie Crew Space Transportation, et le « 100 » est en référence à la fameuse frontière de l'Espace, la ligne de Karman à 100 km d'altitude… Mais plus tard, la capsule sera renommée « Starliner ».

Starliner en haut de son lanceur Atlas V. Crédits ULA
Starliner en haut de son lanceur Atlas V. Crédits ULA

En septembre 2014, la NASA choisit SpaceX et sa capsule Crew Dragon, ainsi que la capsule CST-100 Starliner de Boeing comme deux seuls gagnants du chapitre final du contrat « Commercial Crew ». Le géant de Seattle, qui a bonne réputation et dont le dossier obtient la meilleure note grâce à une grande expérience dans le domaine spatial, obtient un chèque de 4,2 milliards de dollars (auxquels il faut ajouter 570 millions déjà reçus les années précédentes). Et pourtant, la NASA considère aujourd'hui que c'est un développement bon marché ! Néanmoins, les retards s'accumulent entre la sélection des industriels, officiellement en janvier 2015, et la production du matériel. Boeing finit par être encore plus en retard que son concurrent, et sa capsule Starliner rencontrera plus de problèmes.

Starliner, c'est quoi ?

Starliner est donc une capsule spatiale de 13 tonnes tout compris au lancement et 4,56 m de diamètre. Elle se compose d'une partie conique habitable et réutilisable équipée d'un bouclier thermique, d'un système d'airbags pour atterrir et de parachutes ; et d'une autre partie qui doit être remplacée à chaque vol : le module de service. Dans sa configuration normale, la CST-100 peut embarquer 4 astronautes vers et depuis la Station spatiale internationale, mais à sa conception il était prévu de pouvoir emmener jusqu'à 7 occupants en orbite. Starliner décolle grâce à une fusée Atlas V (ULA), dans une configuration particulière nommée N-22, et qui restera son lanceur de référence à moins que la NASA décide d'acheter plus de 6 missions de rotations d'astronautes vers l'ISS. Au besoin, Boeing et United Launch Alliance ont déjà prévu une possible certification de Vulcan, lanceur plus moderne et moins cher.

Starliner est l'ensemble entre la capsule pressurisée (en gris) et son module de service (en blanc). Crédits NASA

Boeing a décidé de regrouper sur la Space Coast l'ensemble des activités de Starliner, avec un centre dédié à la conception, l'assemblage et la réutilisation de ses capsules dans un ancien grand hangar dédié à la navette spatiale et situé au Centre Spatial Kennedy. Elles n'ont du coup que quelques kilomètres à parcourir pour rejoindre le site de lancement. Le site de lancement habité est le LC-41 sur la base de Cape Canaveral, équipé depuis 2017 d'une tour et d'un bras d'accès pour les astronautes.

Un grand cône gris sur fond blanc…

Avec un volume intérieur de 11 mètres cubes, Starliner est un peu plus spacieuse que sa concurrente Crew Dragon, même si cela est compensé par un panneau de commandes qui n'est pas rétractable. Avantage pour les uns, faute de style pour les autres, la capsule de Boeing repose également moins sur des interfaces tactiles, avec de nombreuses commandes directes et la possibilité de manœuvrer « au joystick » lors d'une approche manuelle de la Station spatiale internationale. Un scénario qui ne devrait se présenter que de façon exceptionnelle, car Starliner vole selon un programme automatisé, de son décollage jusqu'à l'amarrage. Elle utilise sur l'ISS l'un des deux ports IDA (International Docking Adapter), comme Crew Dragon et la future navette cargo DreamChaser. A bord, l'équipage est habillé de combinaisons pressurisées particulières, avec un design qui les différencie de la génération précédente utilisée sur les navettes, comme de celles minimalistes du concurrent SpaceX. Elles autorisent surtout une grande liberté de mouvement et fournissent un large champ de vision.

Le mannequin "rosie" à l'intérieur de la capsule Starliner pour son vol de test. Il est équipé de la combinaison de boeing, et se tient devant les commandes de la capsule. Crédits Boeing

Quelques hoquets

Le développement final de Starliner ne fut pas de tout repos. Il fallut d'abord l'alléger, puis l'adapter au lanceur après découverte en soufflerie en 2015-16 que la capsule placée sur Atlas V pourrait générer des perturbations importantes des flux d'air… C'est la raison pour laquelle, à son décollage, Starliner est équipée de grilles de stabilisation et d'une jupe aérodynamique. Puis il y eut, en 2018, des premiers problèmes de vannes liées au système de propulsion. En novembre 2019, la capsule de Boeing réussit son premier vol depuis le site de White Sands : elle teste son système d'évacuation d'urgence, qui la propulse loin de la fusée et de son pas de tir en cas de problème avec la fusée juste avant le décollage, ou pendant la phase de montée. Mais en plus de ses retards, Starliner s'attire déjà beaucoup de critiques : lors de cet essai, l'un des trois parachutes de la capsule ne s'ouvrent pas…

Le long chemin vers la Station spatiale internationale

Six semaines plus tard, le 20 décembre 2019, Starliner décolle pour son premier vol orbital, OFT-1 (Orbital Flight Test). La capsule, inhabitée, devait rejoindre la Station spatiale internationale, et montrer ses capacités pour s'amarrer automatiquement, avant de retourner sur Terre une semaine plus tard. Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. L'horloge principale de la capsule est désynchronisée, et Starliner une fois en orbite se met à manœuvrer au mauvais moment. Le temps que les équipes reprennent le contrôle, il n'y a plus assez de carburant pour rejoindre l'ISS en toute sécurité. Et deux jours plus tard, au moment d'éjecter le module de service (seule la partie pressurisée est équipée d'un bouclier pour rentrer dans l'atmosphère), les deux parties de Starliner séparées manquent de très peu de se percuter. Même si l'atterrissage se passe bien, la NASA et Boeing lancent un long processus d'enquête.

Starliner atterrit sur des airbags, dans le désert du Nouveau Mexique. Crédits NASA

Il faudra du temps pour que toute la lumière soit faite sur les problèmes de Starliner, et les organismes d'audit n'épargnent ni Boeing et sa mauvaise gestion du projet, ni la NASA qui avait à sa charge une partie des tests logiciels autorisant la capsule à voler vers la station internationale. En 2020, l'industriel prend les devants et annonce autofinancer une mission inhabitée « à l'identique », OFT-2. Mais là encore, il faudra beaucoup de temps pour revoir Starliner décoller. En août 2021, sur le site de lancement, le tir est annulé à cause de nouveaux problèmes de vannes coincées dans le circuit de propulsion. La capsule doit être démontée, et le module de service part pour plusieurs mois d'inspections. OFT-2 n'aura finalement lieu qu'au mois de mai 2022.

Starliner, dans les starting-blocs !

Le 22 mai 2022, pour la première fois, Starliner s'amarre avec succès à la Station spatiale internationale. La mission OFT-2, qui dure quasiment six jours, n'est pas impeccable (après tout, malgré ses retards, la capsule est encore en développement) mais réussit à démontrer avec succès tous les aspects importants du vol. La NASA en profite pour réaffirmer son soutien au projet, ainsi que Boeing et United Launch Alliance, qui se préparent pour le dernier vol de la campagne de test : la mission de démonstration habitée, nommée « CFT » pour Crewed Flight Test.

Cette dernière est pour l'instant prévue au dernier trimestre 2022. Si elle réussit, Starliner devrait ensuite voler une fois par an au service de la NASA, et emmener ses équipages de 4 astronautes pour des rotations longues de 4 à 6 mois.