Emblématique, unique, ambitieuse : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier cette station orbitale née d'une collaboration étroite entre les grandes organisations spatiales et avec la participation de 16 pays. En orbite depuis plus de 20 ans et occupé en permanence, ce véritable laboratoire scientifique qui joue un rôle crucial dans plusieurs domaines arrive cependant en fin de vie et pourrait être désorbité entre 2024 et 2028. Zoom sur un programme vers lequel les regards du monde entier se tournent régulièrement.
Naissance de l'ISS : un jeu de Lego spatial
L'ISS - International Space Station - est un projet qui a de quoi surprendre et même si aujourd'hui, en 2019, nous commençons à être habitués aux annonces ambitieuses et autres projets titanesques, la Station spatiale internationale demeure, plus de 20 ans après son lancement, l'objet le plus considérable construit par l'Homme à graviter autour de la Terre.Cette aventure qui a débuté durant le siècle dernier a constitué un sérieux défi pour les différentes agences spatiales qui ont participé au programme (NASA, ESA, JAXA, Roscosmos, ASC) : l'ISS est en effet un véritable Lego spatial qu'il a fallu assembler module par module et non sans difficulté. Les challenges imposés par ce puzzle ont d'ailleurs revêtu presque autant de complexité lors du lancement de la construction en 1998, de l'assemblage de la station jusqu'en 2011 (sans compter les extensions qui ont suivi), que dans l'historique de ce projet développé par la NASA qui a finalement mené à la collaboration de 16 nations avec un budget total estimé à 115 milliards de dollars.
Théorisé dès les années 60 par la NASA, le concept de station orbitale polyvalente permettant de mener à bien des programmes scientifiques divers et variés (biologie, observation terrestre et météorologie, physique, astronomie, etc.) et éventuellement de servir de base relais a vite vu le jour en 1973 avec le lancement de la station spatiale Skylab. En raison de finance limitée à la suite du programme Apollo et avec le développement subséquent de la navette spatiale Enterprise OV-1010 en 1972, Skylab subira quelques désagréments et ne sera malheureusement occupée que par trois équipages successifs durant 6 mois (le dernier équipage établira tout de même un nouveau record en y séjournant 84 jours) et se désintégrera dans l'atmosphère en 1979.
Skylab a malgré tout lancé les prémices de ce que sera l'ISS près de 30 ans plus tard, mais c'est aussi le contexte de compétition entre l'URSS et les États-Unis qui favorisera le développement d'autres programmes ambitieux, à commencer par les stations russes Saliout et Almaz dès 1971, puis la station Mir en 1986.
Les déboires de la NASA à la fin des années 80, notamment avec la terrible désintégration en vol de la navette spatiale Challenger seulement 73 secondes après son décollage, emportant avec elle ses sept membres d'équipage, ralentiront grandement le développement de l'ISS. Il faudra finalement attendre le début des années 90 pour voir la Russie rejoindre le programme et apporter son expertise acquise grâce à Mir, ainsi qu'une manne financière indispensable. Cette collaboration marque également le début d'une nouvelle ère entre les États-Unis et la Russie après l'effondrement de l'URSS.
Un assemblage long et minutieux
La construction et l'assemblage de l'ISS débutent en 1998. Une démarche qui ne sera pas sans effort, puisqu'il faudra effectuer une quarantaine de vols à l'aide de la navette spatiale américaine ainsi qu'avec le lanceur russe Proton pour mettre en orbite à environ 400 km d'altitude des dizaines de composants pour une masse totale qui avoisine les 400 tonnes. Malgré cet assemblage long et minutieux qui se terminera en 2011, le premier équipage à partir à destination de l'ISS s'envolera le 31 octobre 2000, battant par la même occasion le précédent record en séjournant 136 jours consécutifs dans l'espace ! Malheureusement, un autre accident entachera et ralentira le programme avec la désintégration de la navette spatiale Columbia le 1er février 2003 lors de sa phase de rentrée atmosphérique. Les sept membres de l'équipage périront lors de cet accident.Les vols reprendront 2 ans plus tard, en 2005, et la NASA prendra la décision de lancer son programme COTS pour prendre la relève de la navette spatiale dont l'arrêt est programmé pour 2011, à la fin de l'assemblage de la station, qui comportera alors 13 modules pressurisés.
Par la suite, la NASA signera plusieurs contrats dans le cadre du programme COTS avec des acteurs privés qui sont régulièrement placés à la Une des médias du monde entier. Il s'agit bien entendu de SpaceX, Boeing, ou encore Orbital Sciences. Ce programme permet à la NASA de confier le transport de fret au secteur privé.
La relève après l'arrêt de Space Shuttle
Il sera suivi en 2010 par le programme CCDeV (Commercial Crew Development) à laquelle de nombreux candidats répondent : Sierra Nevada Corporation, Boeing, Blue Origin, United Launch Alliance, etc. Le CCDeV a pour but de transporter les astronautes américains jusqu'à l'ISS depuis le sol américain, et ainsi de se passer des services du Roscosmos et de sa fusée Soyouz. En 2014, SpaceX et Boeing remportent tous deux le contrat. Leurs deux vaisseaux, le Dragon Crew et le CST-100 Starliner, seront financés par la NASA.À l'heure actuelle, la NASA a prolongé son contrat avec le Roscosmos pour l'expédition d'astronautes jusqu'à l'ISS. Les vaisseaux de Boeing et SpaceX devraient cependant être prêts dans les mois qui viennent. La société d'Elon Musk a par ailleurs obtenu sa certification pour effectuer des vols habités suite au succès de son décollage avec Crew Dragon, mais une récente défaillance lors d'un test statique pourrait repousser encore l'échéance de cette première mission entièrement américaine de plusieurs mois. Une échéance qui s'avère pourtant pressante pour restaurer la grandeur spatiale Américaine, et bien que le vaisseau Soyouz soit encore l'un des plus sûrs, l'incident qui s'est déroulé en octobre dernier soulève des questions et aurait bien pu tourner au drame.
Une station en fin de vie ?
La plupart des composants de l'ISS ont été conçus pour une durée de vie de 15 ans. La NASA et ses différents partenaires ont d'ores et déjà programmé la fin de vie de la station entre 2024 et 2028, année où elle soufflera ses 30 bougies.Seulement, son rôle et ses objectifs scientifiques sont nombreux puisqu'ils permettent notamment d'étudier la physiologie humaine en orbite, de faire des recherches sur la physique et la science des matériaux, des études biologiques, mais aussi d'observer la Terre et l'espace grâce à ses multiples instruments.
La perte de l'ISS serait donc énorme, d'autant plus qu'il s'agit ici d'un programme collaboratif auquel de nombreux pays participent et nous espérons bien revoir Thomas Pesquet à l'œuvre ! Néanmoins, plusieurs projets sont actuellement en train de voir le jour pour remplacer l'ISS. La NASA entend ainsi mettre en place une plateforme qui orbitera cette fois-ci bien plus loin, autour de la Lune avec la Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G).
Le Roscomos ainsi que l'agence spatiale chinoise ont eux aussi leurs projets. Les Russes entendent développer un nouveau projet nommé OPSEK - Orbital Piloted Assembly and Experiment Complex - qui se situera en orbite basse terrestre, tout comme l'ISS. L'Empire du Milieu ambitionne quant à lui de devenir une superpuissance spatiale et outre ses projets de colonisation de la Lune, la CNSA compte lancer dès 2020 son « Palais Céleste » Tiangong.