L'agence spatiale européenne (ESA) entend bien participer et trouver des solutions innovantes face aux débris spatiaux qui orbitent autour de la Terre.
En s'accumulant en orbite depuis les débuts de la conquête spatiale, les débris spatiaux sont devenus, au fil du temps, une problématique incontournable en raison des risques qu'ils engendrent pour les engins en activité et les futures missions. Les différentes agences spatiales, ainsi que les acteurs privés de ce secteur, se doivent de trouver des solutions pour minimiser au mieux les menaces d'impacts.
Une situation préoccupante
Si les pannes et autres pertes de matériels causées par des débris spatiaux restent à l'heure actuelle encore peu fréquentes en orbite, la situation pourrait rapidement s'envenimer compte tenu de la fin de vie programmée de nombreux satellites, ainsi que du lancement de programmes d'ampleur tels que les constellations de satellites OneWeb (plus de 600 satellites), ou encore le projet Starlink de SpaceX qui entend constituer un réseau de près de 12 000 satellites ! En outre, les capacités de certains pays émergents à abattre des satellites, comme l'a fait l'Inde en avril dernier avec la mission Shakti ou encore la Chine en 2007 avec Fengyun-1C, ne font qu'aggraver une situation déjà préoccupante.Une menace bien réelle
Particulièrement dangereux en raison de leur énergie cinétique élevée, les débris spatiaux sont susceptibles d'entrer en collision avec des engins en activité avec une vitesse moyenne de 10 km/s. À cette allure, un débris de moins de 1 cm est en mesure de perforer et dégrader des équipements, ce qui peut entraîner la panne, ou la perte de l'engin dans le pire des cas. En outre, ces collisions engendrent de nouveaux débris plus ou moins gros qui deviendront à leur tour une menace. Bien que les probabilités qu'un débris de grande taille vienne percuter un engin en activité, ou un autre débris de grande taille, comme le malheureux Envisat - le plus gros débris en orbite actuellement avec ses 8 200 kg - soient relativement faibles, les conséquences d'une telle collision seraient désastreuses et ne feraient qu'accélérer ce problème jusqu'à un point de non-retour, soit une réaction en chaîne, sorte « d'effet boule de neige ».Jan Woerner, directeur général de l'ESA, affirme par ailleurs que l'agence spatiale européenne doit « très régulièrement modifier le cap de ses satellites pour éviter les objets les plus volumineux ».
Selon lui, à l'instar du changement climatique « personne ne peut nier que ces débris sont là » ; il estime qu'il est nécessaire de prendre des mesures et que tous les acteurs de ce secteur y soient sensibilisés. Jan Woerner explique : « Imaginez que lorsque votre voiture ne fonctionne plus, vous soyez autorisé à la laisser 25 ans au milieu d'un passage à niveau, ce serait totalement stupide. Ce n'est pas possible. [...] l'espace est quelque chose comme ça - comme une route, une rue. C'est une infrastructure et nous devons la nettoyer »
Minimiser les risques
Bien que l'ESA ne soit pas seule dans son effort visant à résoudre les problèmes liés aux débris spatiaux - la NASA ou encore Airbus sont également sur le coup - l'agence spatiale européenne compte bien prendre le taureau par les cornes avec son initiative Clean Space.Jouant sur plusieurs tableaux, cette initiative ne vise pas uniquement à « nettoyer l'espace », mais aussi, et surtout, à faire en sorte de produire le moins de débris spatiaux possible dans un futur proche. Ainsi, plusieurs projets sont actuellement en cours pour endiguer cette hausse des débris spatiaux afin d'éviter l'effet boule de neige dont nous parlions un peu plus haut.
Tout d'abord, le projet e.Deorbit étudie la possibilité d'une mission « d'enlèvement des débris ». Elle consistera à capturer en orbite basse un satellite abandonné de l'ESA afin de l'amener vers une rentrée atmosphérique contrôlée de manière à ce que l'engin brûle dans l'atmosphère terrestre.
L'ESA a par ailleurs réalisé il y a quelques temps un test permettant aux chercheurs de mieux comprendre pourquoi certains instruments ne se consument pas lors de leur rentrée atmosphérique. Les chercheurs ont en effet brûlé un magnéto-coupleur - un instrument particulièrement robuste permettant d'orienter certains satellites dans l'espace - dans la soufflerie à plasma du DLR German Aerospace Center de Cologne. Outre le fait de regarder cet instrument se consumer de manière spectaculaire, l'agence espère ainsi étudier et aider à concevoir des instruments qui ne représenteraient pas une menace, aussi bien pour les personnes et les biens que pour la faune et la flore, en tombant du ciel.
Si cette initiative de l'ESA n'en est encore qu'à ses balbutiements, elle porte néanmoins la volonté de sensibiliser le public ainsi que les politiciens à une problématique qui ne fait que s'amplifier et devrait logiquement continuer de s'accroître au fil des années. Des vies humaines (risque au sol après une rentrée atmosphérique incontrôlée, ISS, vols habités, etc.) sont en jeu, et de nombreux instruments scientifiques coûteux et difficiles à développer sont menacés par les débris spatiaux : il est donc nécessaire d'agir rapidement et l'ESA compte bien montrer l'exemple grâce à son initiative Clean Space.