Ces dernières années, et plus particulièrement en 2019, l'agence spatiale japonaise (JAXA) a beaucoup fait parler d'elle en étant à la Une des journaux avec l'ambitieuse mission de la sonde Hayabusa-2. Néanmoins, si le Japon est souvent considéré comme un petit gabarit dans le domaine spatial comparé à son voisin chinois (CNSA), ou à des agences comme la NASA et l'ESA, il demeure parmi les plus grandes nations apportant leur pierre à l'édifice.
Retour non exhaustif sur le programme spatial d'un pays à la pointe de la technologie, sur les activités de la JAXA, ainsi que ses missions en cours et à venir.
Un brin d'histoire
La JAXA, acronyme de Japan Aerospace Exploration Agency, est née en 2003 de la fusion des trois organismes japonais qui œuvraient jusque là dans le domaine spatial : l'ISAS, le NAL et la NASDA. Son objectif est alors de mettre en place la nouvelle politique spatiale japonaise qui consiste au développement de lanceurs et de satellites, aux missions d'exploration spatiales, mais aussi au programme spatial habité qui se résume au travers d'une importante participation au programme de la station spatiale internationale (ISS).Hideo Itokawa, le « Docteur Fusée »
Si la JAXA est relativement jeune, le Japon n'en demeure pas moins un pays disposant d'une large histoire dans le domaine et ayant apporté une contribution conséquente. Dès 1954, les Nippons ont développé une série de fusées-sondes sous l'égide de l'ingénieur Hideo Itokawa, un homme qui est sans nul doute le grand artisan du programme spatial japonais. Avec son équipe de l'Université de Tokyo, Itokawa crée des engins à ergols solides relativement petits, comme le nom des différentes versions - Pencil et Baby - nous l'indique.Au fil des années, le « Docteur Fusée » du Japon parviendra à mettre au point des fusées-sondes de plus en plus puissantes, mais les tentatives de lancements se solderont par des échecs. Avec l'aide des États-Unis, il mettra au point la famille de lanceurs « Lambda » qui permettra au Japon de placer (le 11 février 1970) son tout premier satellite artificiel en orbite : Ōsumi. Cette réussite avec Ōsumi place le Japon comme étant le 4e pays au monde à disposer de cette capacité.
Mitsubishi : le constructeur emblématique
Par la suite, le Japon continue d'exploiter des fusées à propergol solide avec la famille de fusées « Mu ». Celles-ci sont bien cependant bien plus massives et marqueront le commencement des missions scientifiques de l'ISAS. La NASDA est créée en 1969 avec d'ambitieux objectifs pour ses activités spatiales civiles. Après avoir confié l'assemblage des lanceurs à propergol liquide N-I et N-II (sous licence américaine, dérivée de la Delta) à Mitsubishi, le Japon évoluera doucement vers un engin résultant de sa propre conception avec les lanceurs lourds H-I et H-II, celui-ci étant le premier lanceur entièrement développé par la NASDA.H-II étant jugé bien trop coûteux par rapport à des lanceurs concurrents comme Ariane, il ne cessera d'être amélioré jusqu'aux versions H-IIA et H-IIB qu'on lui connait aujourd'hui. D'ici 2020, la JAXA entend présenter son tout nouveau lanceur H3, il aura pour vocation de remplacer H-IIA en diminuant le coût de chaque lancement pour ainsi être plus concurrentiel. Il devrait utiliser un nouveau moteur LE-9 développé par Mitsubishi, ainsi que le second étage de la fusée Epsilon.
Le virage JAXA
La création de la JAXA en 2003 marque un tournant dans la politique spatiale japonaise et est le début d'une grande réorganisation aussi bien au niveau des budgets alloués que des ambitions du pays, qui se précise plus que jamais dans ce domaine.Ainsi, certains programmes qui étaient jusqu'alors développés par la NASDA et le NAL sont abandonnés, à l'image du projet de navette spatiale HOPE, ou plus récemment du lanceur GX. D'un autre côté, l'agence spatiale japonaise scelle de nouveaux partenariats public/privé et, comme nous avons pu le voir lorsque nous avons abordé le sujet du lanceur H3, cherche à devenir efficace et concurrentielle sur le secteur commercial. Une tâche ardue si l'on regarde les efforts et les avancées d'entreprises comme SpaceX et Arianespace.
Malgré ses ambitions commerciales, la JAXA n'en oublie pas ses desseins scientifiques, ni même un éventuel programme spatial habité comme celui initié en Chine par la CNSA. Disposant d'un budget annuel d'environ 3 milliards d'euros, soit moitié moins que l'agence spatiale européenne (ESA), la JAXA se positionne aussi bien avec d'ambitieux programmes scientifiques comme Hayabusa, que sur le secteur des satellites de télécommunications, en recherche et développement, mais aussi avec sa large participation à la construction de l'ISS (12,8%) et son laboratoire spatial JEM Kibo.
Les missions en cours
Depuis 2003, la JAXA a connu quelques échecs, mais a aussi réalisé de belles prouesses. Si ses plus importantes missions sont liées à l'ISS avec le développement du vaisseau cargo Kounotori (HTV) en collaboration avec la NASA, ainsi que celui du laboratoire spatial Kibo, l'agence spatiale japonaise s'est aussi démarquée par des projets scientifiques comme Hayabusa et d'autres missions d'exploration du système solaire avec entre autres l'orbiteur vénusien Akatsuki.Composé de deux orbiteurs développés par l'ESA et la JAXA, BepiColombo est aussi une ambitieuse mission relevant de grands défis techniques. Lancés en octobre 2018, les deux orbiteurs ont pour mission d'étudier Mercure, la planète la plus proche du soleil, sous toutes ses coutures (surface, atmosphère, exosphère, etc.). Les orbiteurs MPO et MMO devraient arriver à destination et se placer en orbite autour de Mercure d'ici 2025. Il s'agit seulement de la troisième mission à destination de Mercure après les sondes de la NASA Mariner 10 et Messenger.
La mission la plus marquante de la JAXA est cependant sans conteste Hayabusa-2. Après une première mission à destination de l'astéroïde Itokawa (en l'honneur de vous savez qui) forte en enseignement, la JAXA a lancé sa deuxième mission de retour d'échantillon d'un astéroïde avec Hayabusa 2.
Lancée en 2014 à destination de Ryugu, Hayabusa-2 est la première mission de retour d'échantillons d'un astéroïde de type C, un objet susceptible de contenir des matériaux organiques. Nous avons suivi avec attention son déroulement, du largage de ses deux micro-robots et de l'engin Mascot, de son projectile explosif lui permettant de récolter des poussières de surface, ou encore de son second touchdown lui autorisant cette fois-ci à collecter quelques roches provenant du sous-sol de Ryugu. Une mission forte en émotions qui devrait s'achever avec le retour sur terre de la sonde en 2020.
Hayabusa-2 pourrait devenir la 2e sonde à rapporter de la poussière d'astéroïde sur Terre
En parallèle, la JAXA entretient d'autres programmes non moins décisifs. L'agence spatiale japonaise dispose ainsi de plusieurs télescopes et observatoires spatiaux comme Hinode, Suzaku, et plus récemment SPRINT-A et SPRINT-B. Le Japon dispose également de nombreux satellites météorologiques et d'observation de la Terre, ainsi que son propre système de positionnement satellite nommé QZSS, sans oublier les satellites de télécommunication civils et militaires, dont la conception et l'assemblage sont généralement confiés à des entreprises privées. Enfin, la JAXA met également le cap sur la recherche, c'est par exemple le cas avec sa voile solaire IKAROS lancée en 2010 et qui fonctionne sur le même principe que LightSail 2.
Les missions à l'étude et en développement
Malgré un budget relativement petit par rapport à d'autres agences spatiales, la JAXA fait preuve de belles intentions comme nous l'avons vu avec le lanceur H3 en cours de développement. L'agence nipponne élabore également de nouvelles missions d'exploration spatiale. On peut par exemple citer le projet SLIM - Smart Lander for Investigating Moon - dont l'objectif est d'atteindre un meilleur niveau de précision pour un atterrissage planétaire. Actuellement en développement, la sonde DESTINITY+ aura quant à elle pour mission d'étudier les poussières cosmiques, qu'elles soient interplanétaires ou interstellaires. Elle devrait être lancée d'ici 2022.Forte de la réussite de ses missions de retour d'échantillons d'astéroïdes, la JAXA entend continuer sur cette voie et étudie actuellement deux éventuelles missions du même acabit. MMX (Martian Moons Exploration) entend, comme son nom l'indique, étudier les deux satellites naturels de Mars. Elle se contentera d'une étude à distance de Déimos, tandis qu'elle ira explorer Phobos en y prélevant des échantillons in situ dans le but de les rapporter sur Terre. Le calendrier de l'agence prévoit un lancement pour 2024 et un retour d'échantillon d'ici 2029.
La sonde spatiale OKEANOS pourrait quant à elle s'envoler à destination des astéroïdes troyens de Jupiter pour y effectuer des analyses in situ avec éventuellement un retour d'échantillons. Elle pourrait ainsi être une mission complémentaire au projet Lucy de la NASA dont la sonde sera, en 2027, le premier engin à s'approcher de ces objets célestes « fossiles » selon le Modèle de Nice.
En parlant de fossile, l'observatoire LiteBIRD récemment sélectionné par la JAXA pourrait être lancé d'ici 2027. Son objectif sera d'étudier le rayonnement fossile, aussi appelé le fond diffus cosmologique, à l'aide de deux télescopes et plus de 2 000 détecteurs !
Pour en savoir plus sur le programme de la JAXA, son calendrier et ses missions, ainsi que ses projets en développement ou à l'étude, l'agence spatiale nipponne dévoile en détail de nombreuses informations sur son site web auquel vous pouvez accéder en cliquant ici.