Vue d'artiste de la sonde Stardust. Crédits NASA
Vue d'artiste de la sonde Stardust. Crédits NASA

Une petite sonde avec une mission à rebondissements et même une presque-résurrection avant que le rideau ne soit abaissé ? C'est Stardust bien sûr, la première collecte d'échantillons de la NASA près de la comète Wild 2. Douze années d'une réussite qui ont inspiré de nombreuses équipes pour leurs aventures actuelles.

Le low-cost, ça marche aussi, parfois.

Stardust, c'est pas CRAF

Stardust, au début des années 90, ne devait pas exister. La NASA travaillait en effet depuis le milieu des années 80 sur un concept bien plus ambitieux nommé CRAF (« Comet Rendez-vous Asteroïd Flyby ») qui faisait aussi intervenir l'ESA, et en particulier l'Allemagne et l'Italie. Mais CRAF fut finalement abandonnée pour sauver sa « sonde sœur » Cassini, et les Européens ont bossé sur leur propre mission vers une comète : Rosetta. Résultat, les équipes scientifiques ont reçu l'habituelle et désagréable question : pouvez-vous faire autant, mais avec moins, beaucoup moins d'argent ? La réponse fut Stardust (pour une fois, ce n'est pas un acronyme), qui embarquait quatre instruments scientifiques et une capsule de retour d'échantillons, devait être prête en quatre ans et a coûté largement quatre fois moins cher (128,4 millions de dollars). Une mission « low cost » qui a toutefois bénéficié des études précédentes et d'un calendrier respecté à la seconde près.

Préparation de Stardust en Floride. Notez la présence de la capsule de retour d'échantillons sur le dessus. Crédits NASA.
Préparation de Stardust en Floride. Notez la présence de la capsule de retour d'échantillons sur le dessus. Crédits NASA.

Au moment où les équipes de Lockheed Martin commencent à plancher sur la sonde, il ne reste déjà pratiquement plus que 3 ans pour l'amener à Cape Canaveral… C'est la course contre la montre ! Avec une raison très simple : lorsqu'une mission est destinée à rencontrer un astéroïde ou une comète, il ne faut pas rater son rendez-vous. Wild 2 (ou 81p/Wild, du nom de l'astronome suisse Paul Wild) est d'ores et déjà l'objectif principal et l'intérêt scientifique est majeur, les équipes souhaitant étudier une comète dont la trajectoire l'a déjà amenée près du Soleil. Tout est prévu également pour que Stardust s'approche de Wild 2 sans avoir à patienter des années pour la rattraper, mais sans non plus la croiser à une vitesse trop élevée, sinon le système de collecte ne pourra pas fonctionner.

La "grille" avec les pavés en aérogel, prête à l'emploi. Crédits NASA

Stardust, petit équipement mais gros rendement

En plus de caméras et d'équipements pour détecter des particules, l'instrument principal de la mission Stardust est sans doute la « raquette » qui permet de récupérer des grains de matière lors de la rencontre avec Wild 2. Scientifiquement, c'est un défi : un matériau trop absorbant serait probablement traversé par les poussières compte tenu de la vitesse du survol (6,5 km/s), tandis qu'à l'inverse les particules rebondiraient sur une surface trop résistante. L'expérience « Stardust Sample Collection » utilise donc un matériau original : de l'aérogel solide avec une très faible densité et extraordinairement léger. Avantage direct : lorsqu'un grain de matière à très haute vitesse le percute, il le pénètre en laissant derrière lui une trainée distincte qui permet de remonter à une information de vitesse ! SSC sera déployé avant la rencontre avec la comète, puis tourné pour tenter de collecter un maximum de particules lors du survol.

Comète ? Astéroïde ? En route !

Le 7 février 1999 à 22h05 (Paris), Stardust décolle de Cape Canaveral avec l'une des fusées les plus fiables de sa génération, Delta II. Tout se passe bien, mais il faut démarrer par une grande dose de patience, parce que deux années durant, il ne va rien arriver. Le 15 novembre 2000, la sonde repasse près de la Terre pour gagner un peu de vitesse sans avoir à utiliser trop d'ergols. C'est important, car elle ne pèse au final que 390,6 kg, dont pratiquement 20% de carburant de manœuvre (80 kg) ! Le 18 avril 2002, toujours aucune rencontre mais Stardust dépasse un record inédit pour son époque en devenant le véhicule le plus lointain alimenté par panneaux solaires (record plus tard battu par Rosetta). 2002 est une année riche pour les équipes, en particulier pour les scientifiques qui se préparent pour leur « répétition générale » avant Wild 2 : un survol proche de l'astéroïde 5535 Annefrank. Le 2 novembre 2002, la sonde prend ses photos et passe à un peu plus de 3 000 km de la surface sombre de l'astéroïde de 4,3 km de diamètre environ.

Wild 2 en approche ! Crédits NASA

La campagne de mesure d'Annefrank est un véritable succès, même si les équipes doivent encore attendre plus d'un an pour que l'approche de Wild 2 arrive dans sa phase finale. Lors de l'approche de la comète, les responsables décident qu'il faut prendre un maximum de précautions pour éviter de se faire bombarder par des morceaux de comète : la distance du survol est allongée de 150 à 237 km ! Le survol mobilise les équipes pour le réveillon 2004, puisque l'approche au plus près a lieu le 2 janvier à 21h21 (Paris)… et tout se passe exactement comme prévu. Les images du noyau sont rapidement envoyées sur Terre, et la capsule de retour d'échantillons est scellée. Il ne reste plus qu'à la ramener ! Il faudra deux années de trajet, au cours desquelles la sonde se comporte encore très bien : le 15 janvier 2006 la capsule est éjectée de Stardust, et elle atterrit 4 heures plus tard dans le désert en Utah sous parachutes, avant d'être transportée au centre spatial Johnson.

La comète Wild 2 vue par la mission Stardust. Crédits NASA

Des ptits grains, des ptits grains, toujours des ptits grains

L'analyse des impacts de particules cométaires et interstellaires sur l'aérogel rapatrié sur Terre prendra beaucoup de temps. Grosso modo, la technique consiste à observer des suites de 40 images pour déterminer si oui ou non il y a une poussière collectée ou s'il s'agit d'une trace dans l'aérogel. S'agissant d'un matériau poreux et imparfait par nature, l'analyse des séquences est complexe, et les équipes scientifiques ne peuvent s'en charger seuls : 700 000 suites d'images sont mises dans une bibliothèque, qui deviendra l'une des premières à demander aux étudiants et aux internautes de participer à une recherche et une découverte grâce au programme « Stardust@home ». Les résultats ont été majoritairement publiés en 2014. Plus d'un million de particules cométaires ont été identifiées dans le gel, dont une dizaine dépassant les 100 µm !

Un échantillon d'aérogel contenant des poussières de comète à l'examen. Crédits NASA

Il en reste un peu, je vous le mets ?

Et la sonde ? Puisqu'elle était en bonne santé en 2006, l'équipe a pu la manœuvrer pour lui éviter de rentrer dans l'atmosphère à quelques kilomètres de sa capsule de retour (ce qui aurait assuré une désintégration). Il reste alors 20 kg d'ergols pour manœuvrer. L'extension de mission va faire longtemps débat, elle ne sera officiellement approuvée que le 3 juillet 2007. Cette fois, Stardust va survoler la comète Tempel-1, qu'elle rencontre en 2011. Il s'agit d'une opportunité unique : Tempel-1 a déjà été étudiée de près lors de la mission Deep Impact, qui a même envoyé un véhicule impacteur s'écraser dessus. L'opportunité est incroyable, puisque cela revient aussi à étudier les changements en surface d'une comète sur le long terme !

La comète Tempel-1 observée par Stardust-NEXT. Crédits NASA

L'extension de mission est appelée NEXT (New Exploration of Tempel-1), et le survol réussit, puisque Stardust passe à seulement 181 km de la comète le 15 février 2011. Une fois les données rapatriées, ce sera son dernier exploit. Il ne reste plus assez de carburant pour tenter autre chose, l'électronique de bord est fatiguée, les instruments sont limités et budgétairement, il faut faire de la place pour d'autres missions en extension sur Mars et ailleurs. Stardust est éteinte après la purge de ses ergols le 24 mars 2011.