Le saviez-vous ? Avant d'envoyer un missile dessus, il y a plusieurs solutions pour éviter que votre satellite ne traine trop longtemps et ne se transforme en un encombrant débris sur orbite. Petit tour d'horizon pour se rappeler les bonnes pratiques et ne pas se poser les bonnes questions trop tard.
Même les Space Cowboys font ça mieux qu'un missile.
Assurance prévoyance
C'est vrai que le mieux reste quand même d'envisager le problème de la fin de vie de votre satellite au moment de sa conception afin d'éviter des cas de figure simples mais toujours gênants (le coup de la panne alors que vous comptiez sur les propulseurs pour désorbiter le satellite, par exemple). En réalité, c'est d'ailleurs moins simple qu'il y paraît : le satellite a besoin de beaucoup d'énergie pour aller sur la bonne orbite, de peu d'énergie (cela varie selon les cas de figure) pour rester sur la bonne orbite, et généralement en fin de vie, il lui reste très peu de carburant pour « laisser la place aux jeunes ». Pas question en effet de laisser les réservoirs à moitié ou au tiers pleins pour désorbiter un satellite qui fonctionne très bien parce que c'est la fin de sa durée de vie garantie. Alors que faire ?
En France, il vous faut respecter la LOS (Loi sur les Opérations Spatiales) qui vous impose un standard sur la désorbitation de vos satellites : 25 ans maximum pour ceux qui sont en orbite basse, ou bien une manœuvre vers une orbite dite « de cimetière » pour ne pas engorger les zones dignes d'intérêt (comme l'orbite MEO qui héberge les satellites de positionnement ou l'orbite géostationnaire). Dans ce dernier cas, il « suffit » de rallumer les moteurs pour gagner 300 ou 400 km d'altitude, avant de passiver votre satellite.
Passivez en paix
Quoi ? Vous ne connaissez pas la passivation ? C'est tout simplement la première étape qui vous évite de faire les gros titres : elle consiste à éteindre correctement le satellite pour la dernière fois, en évitant toute source de problème à venir. La séquence est généralement complexe et irréversible. Il faut vider les réservoirs d'ergols qui restent, s'assurer que le satellite n'entrera pas dans une rotation rapide et incontrôlée, éteindre les différentes unités de bord, avant d'enfin vider les batteries puis les déconnecter. Après la passivation, votre satellite n'est plus un satellite : c'est un petit astéroïde de métal. Ou un débris, tout dépend des points de vue.
Désorbitez dans le calme
Reste la difficile question de la désorbitation, utilisée en orbite basse (sous les 1 500 km). Là encore, il y a plusieurs moyens de s'y prendre. Le plus simple est, avant la passivation, d'utiliser un maximum d'ergols pour abaisser le périgée de l'orbite pour en faire une ellipse qui arrive dans des zones où le restant d'atmosphère va suffisamment freiner le satellite pour qu'il se désintègre… d'ici une durée raisonnable. Pour certains cargos ou étages de fusée, le point de rentrée est très contrôlé et leur orbite les fait entièrement rentrer dans l'atmosphère. Mais pour d'autres étages ou satellites, avoir un périgée sous les 250 km d'altitude suffit pour qu'ils freinent en quelques mois ou quelques années. Cela dit, pour faire cette manœuvre, il faut garder des ergols de côté et avoir des propulseurs qui fonctionnent toujours à la fin de vie du satellite. Pas gagné…
Sous les 500 ou 600 km d'altitude, une majorité des opérateurs, qu'il s'agisse des Etats ou des entreprises privées, se contentent bien souvent de passiver leurs satellites en fin de vie et de les laisser dériver jusqu'à ce qu'ils freinent d'eux-mêmes jusqu'à l'atmosphère. Selon leur surface, leur masse, leur altitude et l'activité solaire, cela peut faire grandement varier le temps qu'il faut pour que votre satellite cesse d'encombrer l'orbite basse. Il faut par exemple entre 5 et 10 ans à un CubeSat 3U de Planet pour se désintégrer depuis les 500 km d'altitude. Environ 5 ans aussi, voire un peu moins pour un Starlink à 550 km d'altitude (beaucoup plus grand). Mais au-delà, les plus petites plateformes vont voir les années se transformer en décennies… Cela concerne notamment les satellites sur des orbites basses polaires entre 600 et 800 km d'altitude, qui sont nombreux. Pour eux en revanche, on peut utiliser des solutions dites passives.
Passive, mais pas inutile !
Les solutions passives ont pour avantage de ne pas nécessiter d'énergie de la part du satellite une fois déployées. L'idée la plus communément utilisée est de générer des frottements avec les rares particules atmosphériques en offrant une plus grande surface. Aucun système n'est encore, au stade opérationnel, vendu « tel quel » pour n'importe quel satellite, mais de nombreux essais ont eu lieu pour déployer des voiles plus ou moins grandes en mylar (un peu comme un grand papier alu tendu entre deux poteaux). Il y a aussi eu des tentatives avec des voiles semi-rigides, des systèmes gonflables (oui, ça marche aussi) et même des idées avec un énorme ballon mesurant plusieurs fois la circonférence du satellite. Il existe aussi d'autres systèmes passifs plus élaborés, qui utilisent notamment un long câble électrodynamique. Ce dernier utilise le principe de Lorentz pour freiner, mais sa complexité a pour le moment surtout freiné le nombre de tests en orbite.
Qu'ils viennent me chercher !
Enfin, si vous avez de l'argent et que vos satellites en fin de vie ou en panne peuvent vous coûter très cher en carburant, vous pouvez passer un accord (ou mieux, un juteux contrat) avec une entreprise qui va aller désorbiter votre satellite pour vous. Northrop Grumman dispose actuellement de deux véhicules de service (MEV) en fonction en orbite géostationnaire, « collés » derrière des satellites de télécommunications. Lorsque ces derniers devront partir pour leur orbite cimetière, les MEV les y conduiront, avant de les laisser pour d'autres clients. OneWeb, qui vient d'annoncer la première panne inattendue de l'un de 358 satellites en orbite à 1 200 km d'altitude, devrait également recourir aux services d'un prestataire (très probablement Astroscale, ils ont un accord) pour qu'un véhicule vienne le chercher. Ce ne sera pas donné, mais ces solutions sont envisagées comme un futur business indispensable, en particulier pour éviter la congestion sur les orbites où les super-constellations sont actives. Reste qu'à part des démonstrations, il n'y a pas encore eu de véritable mission commerciale pour l'instant.
La solution à éviter, bien sûr, c'est d'envoyer un missile détruire votre satellite. Non seulement cela multiplie par mille (ou plus) le nombre de débris dans la zone, mais en plus ils ne rentreront pas plus vite se désintégrer dans l'atmosphère…