Perchée sur son lanceur du même nom, la capsule Vostok 3KA est celle qui a emmené le premier humain vers l'orbite, le 12 avril 1961. Un décollage pour l'Histoire, au sein d'un véhicule robuste et bien conçu. Mais au fait, c'était comment, Vostok ? Pas bien confortable, mais en avance sur son temps !
Le plus compliqué pour les ingénieurs soviétiques : penser à tout ce qui pouvait mal tourner…
Pas encore tout confort
Dès les premières réussites du programme orbital, les équipes du bureau principal du spatial soviétique (le très célèbre OKB-1) ont eu à travailler sur la possibilité future de vols habités. Et dès la réussite du vol de la chienne Laïka, puis de l'augmentation de performances permettant la mise en orbite du 3e satellite soviétique, ce n'était plus qu'une question de temps. Il fallait donc améliorer le lanceur pour qu'il puisse emmener les 4,7 tonnes de la capsule Vostok… Et un véhicule orbital qui puisse être assez léger pour remplir sa mission ! Accueillir un humain à bord n'est pas chose aisée. Il faut de quoi arriver en orbite, le maintenir en vie, puis le ramener sur Terre (si possible là où il est facile de le récupérer). Sans oublier de penser en bonus aux commandes de vol, aux communications, à la gestion de la température, et éventuellement à quelques hublots.
Bien à l'abri dans la sphère
Vostok est donc une capsule spatiale composée d'un compartiment de descente, où peut prendre place un unique cosmonaute (ou astronaute, rappelons que les deux termes sont universels), et d'un module de service. Commençons par ce dernier, qui mesure 2,6 m de diamètre et est de forme conique. Il comprend les réservoirs, les batteries, le moteur principal qui ne sert qu'à freiner pour quitter l'orbite, et les petits propulseurs d'attitude qui permettent d'orienter le vaisseau. Pas de panneaux solaires, pas de compartiment orbital comme il y en a aujourd'hui sur Soyouz : tout est conçu pour protéger un maximum la sphère du compartiment de descente et assurer la survie de son passager, qui reste sanglé dans son siège tout au long du vol. Le module de service n'est pas conçu pour résister à la traversée de l'atmosphère, et doit donc être éjecté un peu avant. Lors du vol de Gagarine, cet équipement fonctionne mal et le module se désintègre alors qu'il est encore attaché à la sphère de Vostok.
La grande sphère qui compose le compartiment de descente mesure 2,3 mètres de diamètre et pèse seulement 2,4 tonnes. Elle est intégralement recouverte d'un bouclier thermique externe relativement léger mais efficace, composé de plastique et de tissu renforcé à l'amiante, avec en sus une couche réfléchissante pour la protection à la chaleur et contre les radiations (un système intérieur de contrôle de la température ajuste en permanence une ventilation). A l'intérieur, il était initialement prévu d'avoir une atmosphère à 100% d'oxygène, architecture la plus simple… Mais l'accident mortel de Valentin Bondarenko (à l'entrainement) convainc les autorités de changer pour un système de support vie avec une atmosphère peu ou prou égale à celle disponible au sol. La capsule est équipée d'antennes, et les équipes au sol peuvent ordonner un certain nombre de manœuvres si jamais l'astronaute est dans l'incapacité de les mener.
Cosmonaute et pilote de capsule ?
Toutefois l'occupant de la cabine a tout un panneau de réglages et d'indications sous les yeux. Chronomètre précis, température, pression intérieure, niveaux de carburant et de réserves d'air, tout le nécessaire pour interpréter un problème en quelques secondes. Un globe est aussi à disposition, centré sur la position estimée de Vostok par rapport à la surface terrestre. Un réglage permet même de montrer au cosmonaute où il pourrait atterrir s'il activait immédiatement son moteur de freinage ! Il y a deux hublots conventionnels : un sur l'écoutille et un sur la droite de l'occupant… Ainsi qu'un hublot équipé de lignes d'horizon et de graduations, situé directement devant le cosmonaute et dédié au pilotage. A l'aide d'un joystick, le cosmonaute peut ainsi orienter Vostok par rapport à la courbure de la Terre et sa trajectoire au départ de Baïkonour.
Sauter pour mieux se poser
L'un des éléments les plus particuliers de la capsule Vostok est son siège éjectable. Car oui, comme mentionné plus haut, il fallait trouver un système qui permette de garder à tout prix son occupant en vie. La capsule sphérique est une très bonne avancée, mais Vostok utilise déjà toutes les capacités de sa fusée… Il n'est donc pas possible de rajouter un système d'éjection de sauvegarde, comme ceux qui permettent aux capsules modernes de s'envoler en quelques fractions de secondes loin d'une potentielle catastrophe. D'où l'idée d'un siège éjectable. Une solution contestable, surtout lorsque la fusée vient d'allumer ses moteurs… Heureusement, pour de nombreux experts, que Vostok n'a pas eu un tel scénario catastrophe, sans quoi son cosmonaute aurait eu peu de chances de survie avant que la fusée soit à quelques kilomètres d'altitude.
Mais le siège éjectable ne servait pas qu'en cas d'urgence, il était un élément prépondérant de l'atterrissage. Les calculs indiquaient en effet que même si Vostok était équipée d'un grand parachute, le choc avec le sol serait trop important à supporter : Gagarine et ses successeurs ont donc attendu d'être à environ 7km d'altitude pour s'éjecter. Une méthode restée un certain temps confidentielle… Pour des questions de prestige, mais aussi pour obtenir ses « ailes d'astronaute », car il fallait officiellement atterrir avec son véhicule !
La capsule qui a battu les Américains
Vostok est une capsule immédiatement pensée pour l'orbite. Elle dispose donc de réserves en conséquence. Jusqu'à 12 jours en orbite ! Ce qui peut paraître beaucoup (énorme même, par rapport aux capacités de Mercury), mais répond aussi à une situation d'urgence : si jamais le moteur de freinage ne s'allumait pas pour désorbiter la capsule, il faudrait probablement entre 9 et 11 jours pour qu'elle rentre dans l'atmosphère quoi qu'il arrive… Quelque part au-dessus du globe (là encore un scénario qui n'est pas idéal, considérant la possibilité d'arriver et de devoir s'éjecter au-dessus de l'océan). Néanmoins ce cas de figure ne se présentera jamais, et Vostok restera comme une petite merveille technologique de son époque avec ses 6000 transistors, 800 relais et 56 moteurs électriques.
Elle volera cinq fois dans des configurations prototypes en 1960 (subissant 4 échecs), avant deux réussites du système complet (mais toujours sans astronaute) début 1961, et six vols habités relativement impeccables entre avril 1961 et juin 1963. Une pionnière… Dont le design sera repris pour une série de satellites photographiques de reconnaissance, et qui servira dans une version améliorée aux vols suivants du programme soviétique, avec la capsule Voskhod !