Ce Jeudi 12 Mars se tient la Journée Nationale de l'Audition, journée un peu chamboulée par les événements actuelle mais permettant de mettre en avant quelques études sur la santé auditive des français et son évolution dans le temps. Nous n'évoquerons pas en détails cet événement, faute de temps, pour mieux nous concentrer sur ce qui ressort des différentes études et des campagnes de préventions. Comme d'habitude, le jeune est la cible principale, une cible plus exposée au bruit et pourtant la moins bien informée en la matière.
La JNA, c'est quoi ?
La JNA (journée nationale de l'audition) est une association loi 1901 dont l'objectif est "la prévention et la diffusion d'informations dans le domaine de l'audition". Si la journée nationale de l'audition en tant qu'événement est l'occasion de faire un travail de prévention de terrain, à travers de nombreux points d'accueil (test d'audition gratuit, conférences, rencontres avec ORL, etc), l'association JNA est active toute l'année et permet, grâce à son site officiel très complet, de proposer :- Une rubrique déjà assez complète expliquant les bases du décibel sonore, les différents seuils et durées à respecter, informer sur les différents problèmes auditifs et renvoyer vers une liste de professionnels et d'associations.
- Des enquêtes en libre accès (ici publiée en Février 2020) sur les habitudes d'écoutes, l'évolution des problèmes d'audition et les attentes
L'enquête publiée en Février 2020 est par ailleurs l'une des bases de travail pour la suite, permettant d'analyser ce qui va et ce qui ne va pas en France. Petit tour d'horizon de cette étude réalisée par l'IFOP pour JNA, menée auprès d'un échantillon de 1003 personnes de tous âges (15 ans et plus), sexe et de professions diverses.
Comment est votre tympan ?
La première partie de cette étude, assez courte, met en avant plusieurs points :- 91% de la population pense qu'une bonne audition est un gage de bonne santé
- Seulement 48 % des gens se sentent bien informés sur les problèmes de surdités et d'acouphènes. Ce chiffre grimpe à 74% chez les 15-17 ans, 73% chez les 18-24 ans, et 67 % chez les 25-34 ans. Seule la population senior (plus de 65 ans) se considère bien informée (77 % de réponses positives)
- Malgré ce manque d'information, 37 % de cet échantillon se dit inquiet des risques de surdités et d'acouphènes, un chiffre qui arrive en deuxième place des problèmes de santé derrière les AVC, mais loin devant les problèmes d'addiction ou de dépression.
- Au cours des 12 derniers mois, seuls 21% de cette population a recherché des conseils et des informations concernant l'audition.
Ainsi si ce problème semble être une préoccupation, la population se sent à la fois peu informée, et peu enclin à se renseigner toute seule. Des chiffres montrant clairement que nous sommes un terrain est vaguement connu, mais pas suffisamment mis en avant.
La seconde partie tient compte des comportements d'écoute. Sans trop de surprises, le combo smartphone + écouteur/casque classiques arrive assez largement en tête, l'utilisation d'enceintes (bluetooth ou non) suit d'assez près. L'utilisation de casques et écouteurs à réduction de bruit ne concernent pour le moment que 16 % des utilisateurs de smartphones.
Parmi ceux qui écoutent au casque, soit 48 % de l'échantillon ciblée, environ 80% déclare ne pas l'utiliser plus de 2 h par jour. Seul 3 % dépasseraient les 4 h. Parmi ce même échantillon, 25% déclare écouter à un volume sonore plutôt élevé. De manière assez surprenante, la cible 25-34 ans est avec 43 % des sondés celle qui écouterait le plus à volume élevé.
Troisième partie et les répercussions sur la santé :
- 25% de cet échantillon déclare ressentir des acouphènes de manière occasionnelle, et 12 % régulièrement, soit un total de 37 %. Pour rappel, ce chiffre n'était "que" de 31 % en 2017. Rapporté à la population totale, cela représenterait 20 millions de français ayant déjà ressentit des acouphènes, dont 6 millions de manière régulière. Parmi cette population 51 % des 15-17 déclarent avoir eu ce problème après une écoute prolongée à fort volume.
- Chiffres assez stables : la difficulté de suivre des conversations suivant les milieux (cafés, école, repas de famille, dans la rue, etc) peut arriver pour plus de la moitié des sondés. Cela n'indique pas nécessairement un problème de surdité, mais au moins un volume sonore ambiant trop important.
- Ces nuisances sonores peuvent constituer pour la moitié de la population une perte de la concentration, de la fatigue voire de l'irritabilité, que 10 à 12 % décrivent comme importantes.
Enfin, la dernière partie se concentre sur les attentes de la population :
Pour commencer, 1 français sur 2 n'a jamais fait de bilan auditif. Plus étrange encore, 36 % des personnes ayant déjà ressenti des acouphènes n'ont jamais fait ce bilan.
Ces attentes portent notamment sur la sensibilisation du problème par les pouvoir publics pour 33% des gens. Viennent ensuite la demande d'applications dédiées à l'audition avec possibilité de test auditif à 29%, la possibilité de téléconsultation d'un spécialiste (23%), la mise en place d'informations régulières sur un site dédié (22%), des informations ciblées sur les réseaux sociaux (11%), ou encore l'ouverture d'une ligne téléphonique dédiée (7%). Relevons également que 5% proposent d'autres outils ou services, dont la mise en place de tarifs ORL moins élevés. Enfin, 19% considèrent qu'aucun des services cités ne serait utile. (plusieurs choix étaient possibles, d'où le cumul dépassant les 100%).
D'une manière générale, cette étude montre que bien peu de choses ont évolué depuis quelques années. Si la peur en matière de santé auditive est là, si les nuisances sont bien ressenties, cela ne suffit ni à changer les habitudes, ni à mettre en avant des outils de prévention efficaces. La part d'acouphéniques a augmenté en quelques années, et si quelques solutions (dont les casques antibruits) se développent, les réponses venant des pouvoirs publics sont assez faibles ou mal adaptées.
Mais évoquons ici l'un des points les plus mis en avant dans les diverses études et pourtant un mal peu connu et reconnu.
Acouphène, le mal du siècle ?
Vous nous excuserez par avance de ne faire qu'effleurer le sujet. Mais même en l'effleurant, parler d'acouphène ou d'hyperacousie pourra éviter à pas mal de gens d'y être confronté, l'un et l'autre n'étant pas souhaitable à votre pire ennemi.Que sont exactement les acouphènes ? Pour celui qui en est victime : un son perçu en permanence dans une ou deux oreilles (de manière égale ou différente), un sifflement plus ou moins aigus ou grave ou un bourdonnement, résultant d'un dysfonctionnement de l'appareil auditif. Dans l'extrême majorité des cas, ces acouphènes sont dits subjectifs, ils n'existent que dans le cerveau du patient et ne sont pas la captation d'un vrai son. Les acouphènes objectifs existent, souvent causés un problème de flux sanguin ou de spasme musculaire, mais sont très minoritaires.
Difficile d'avoir des statistiques à ce sujet, mais l'étude publiée dresse donc ce bilan assez triste : 20 millions de Français ressentent ou on déjà ressentit des acouphènes, dont 6 millions de manière régulière.
Selon Audika, 1 millions d'entre eux présenteraient même des acouphènes prononcés, voire handicapants, un handicap pourtant méconnu et qui n'est pas vraiment reconnu comme tel.
Imaginez simplement un sifflement régulier, constant, qui ne vous quitte plus jamais. Un sifflement encore supportable si masqué par un bruit de fond comme une foule ou une musique, mais devenant omniprésent au moment de se s'endormir. Le silence n'existe tout simplement plus pour celui qui en souffre. L'idéal est encore de rester dans un environnement pas trop bruyant pour ne pas augmenter davantage les symptômes, ni trop calme pour ne pas que le cerveau, seul avec le silence, n'augmente tout seul la place prise par cette sonorité en se focalisant dessus. Un cas célèbre d'acouphénique est Beethoven. Bien que sa surdité soit plus connue, les acouphènes dont ils souffraient étaient décris comme bien plus handicapants. Le compositeur allait même jusqu'à évoquer le suicide dans certaines de ses correspondances.
Les acouphènes ne se guérissent pas (à moins d'être bénins), ne se soignent pas vraiment non plus, au mieux peuvent s'atténuer avec le temps et un travail patient du cerveau, quelques aides auditives très ciblées (dont certains générateurs de bruits blancs et bruits roses), ou simplement la prise en charge par quelques unités spécialisées.
Dans ces cas extrêmes, et pourtant loin d'être rares, trouver le sommeil alors que le crane siffle devient une épreuve. Bruit de fond, méthode de relaxation et parfois somnifères lourds, antidouleurs allant jusqu'aux médicaments opiacés, surtout dans le cas d'hyperacousie en plus. Un cas assez célèbre également, mais plus récent, est celui du rappeur Roméo Elvis, ne trouvant le repos qu'avec la weed et composant des chansons sur ce mal précis. Un artiste qui a contribué à faire connaitre ce problème à un jeune public bien plus que n'ont jamais pu le faire les services publics.
Les acouphènes ne trouvent pas nécessairement leur sources dans le bruit. Ainsi la simple dégradation de l'appareil auditif liée à la vieillesse, une maladie ou une infection, une phase de stress, certains médicaments ou simplement un bouchon de cérumen au mauvais endroit peuvent déclencher ce phénomène.
De mauvaises habitudes d'écoute à fort volume, enchaîner les concerts sans protections auditives, mais également un seul événement (concert) traumatisant, voire un son de très forte intensité comme des intra ou casque poussés à trop fort volume l'espace d'un dysfonctionnement (rare mais possible). L'oreille est un organe beaucoup plus fragile qu'on ne pourrait le penser.
Vivre sans le silence
Sans sombrer dans le pathos, nous avons simplement demandé quelques témoignages de personnes atteintes par ces problèmes. Il va de soi que je compte sur la bonne foi des intervenants et de leurs témoignages.Si les causes de ces acouphènes (ici seulement à cause d'un trauma sonore) sont nombreuses et les degrés divers, il revient en permanence un lexique assez parlant pour décrire la vie avec : allant de l'irritabilité à la dépression (par phase ou chronique) légère ou profonde, d'une modification des habitudes à un isolement parfois total.
Le témoignage de @ElVietto13 est l'un des plus sérieux, celui d'une accumulation, très probablement (selon lui) déclenchée par une successions de concerts auparavant, puis du concert à fort volume de trop (2016) déclenchant les symptômes. Une base peut-être mal prise en compte, une accumulation ayant entraîné des acouphènes mais également une hyperacousie, c'est-à-dire une hypersensibilité sur certains sons. Pour donner un exemple (que Elvietto13 ne cite pas, mais pour illustrer) : Une cuillère qui tombe sur un carrelage de cuisine est un son assez fort, mais qu'une oreille normale régule très bien. Une hyperacousie va rendre ce simple son insupportable, trop fort et très douloureux. Et puisque le monde est mal fait, l'hyperacousie peut rapidement augmenter les acouphènes dans des milieux bruyants, ou simplement semi-bruyants.
Dans ce cas, le problème du peu d'informations a sans doute été déterminant. Ne prenant pas tout de suite la mesure du problème, celui-ci s'est accentué au fil de quelques soirée jusqu'à devenir ce qu'il décrit clairement comme un calvaire, mélangeant à la fois une impossibilité de se confronter au moindre son un peu élevé voire modéré, et un sifflement de constant dans les oreilles. Un handicap lourd teinté de quelques rares périodes de mieux, mais surtout une prise en charge hospitalière régulière. Si ce cas est particulièrement lourd, il n'est pas rarissime pour autant.
Un témoignage comme celui de @Nask présente une facette légèrement différente, celui d'un véritable événement déclencheur, sans (a priori) excès antérieurs. Un concert (en 2001) à volume beaucoup trop élevé : "Lorsque je suis rentré du concert ma tête bourdonnait et mes oreilles sifflaient fort. Le bourdonnement s'est dissipé, le sifflement de l'oreille gauche également, mais mon oreille droite n'a juste pas arrêté de siffler". Nous ne sommes pas tous égaux face aux bruits de fortes intensité, et cela peut même varier d'une oreille à l'autre.
Nask va surtout mettre l'accent sur le fait que ce n'était alors qu'un problème parmi d'autres, une phase émotionnellement compliquée constituant un terreau idéal pour les acouphènes. Avec, de très nombreuses années et une certaine habitude, le problème n'est pour lui plus si handicapant "ça fait partie du décor en quelque sorte, un peu comme on ne fait pas vraiment attention au fait qu'on voit son nez, ou qu'on respire sans y penser." Son cas évoque plus celui d'une sorte de rémission, puisqu'il ne considère plus, presque 20 ans plus tard, ces acouphènes comme handicapants, mais en parle toujours avec une certaine angoisse. Son expérience lui a également permis de faire plus attention à son audition.
Le cas de Hervé (nom modifié) est assez proche de celui de ElVietto13. Des acouphènes liés à trop grand nombre de concerts, à la fois en tant que spectateur et en tant que musicien, principalement dans les années 80, le tout accompagné d'une surdité à 50% et non d'une vraie hyperacousie. Si la surdité est toujours plus compréhensible par le grand public, Hervé décrit clairement les acouphènes comme plus handicapants, en tous cas plus durs à vivre. "La surdité ça peut isoler, mais on vit à peu près avec, les acouphènes c'est un truc qui te lâche jamais". Avec le temps, le problème s'est amélioré pour lui, ne les décrivant pas sévères au point de l'empêcher de vivre. On parle d'une époque (années 70 et 80), où la mode était à celui qui fera le plus de bruit, une époque qui a sans doute fait bien plus de dégâts qu'on ne peut le penser.
Flowie présente un cas encore différent, celui d'un traumatisme sonore aigu survenu en 2017, qui plus est sur son lieu de travail : un bruit soudain sur son casque audio (travail de téléconseillère), casque n'étant pas équipé d'un limiteur, qui plus est dans un open space déjà bruyant. Ici un autre problème est mis en avant, le non-respect manifeste des normes en matière de santé au travail de la part de cette entreprise.
Ce traumatisme très important, même si de courte durée, a rapidement déclenché des vertiges, pertes d'équilibre, une sensation nauséeuse, et après examen ORL un tympan qu'elle décrit "sanguinolent". Même après cet examen le mal était déjà fait : une hyperacousie et des acouphènes combinés. Un traumatisme extrêmement violent et soudain, comparable à ce qui peut arriver à proximité d'une explosion.
Là-aussi, après un longue période les effets sont décrits par Flowie comme supportables. Mais avant que cette période n'arrive, une très longue phase marquée par un isolement presque total, d'irritabilité parfois extrême, l'abandon de toute forme de lieux bruyants, mais surtout un sentiment d'abandon face à un problème que même peu d'ORL semblent aptes à traiter, un problème qui n'est vraiment bien pris en compte que dans quelques centres de grandes villes et, surtout, qui n'est pas vraiment considéré comme un handicap pour le système de santé. "Tout le monde a des acouphènes, c'est le mal du siècle" pour simple réponse des services de santé.
Un grand merci à eux pour ces témoignages.
Une vraie reconnaissance ?
Dans tous les témoignages recueillis, il ressort plusieurs points :- Le manque d'information et de prévention par l'état ou par les services de santé, on ne découvre bien souvent les acouphènes (et l'hyperacousie) que lorsque le mal est déjà fait.
- La non-application des réglementations sonores dans les lieux public, salles de concert (mais aussi les groupes), et également sur les lieux de travail. Une non-application étant la cause, si l'on met l'éthique de côté, du peu contrôle en la matière, et de sanctions risibles, n'allant pas plus loin que quelques amendes.
- L'absence de distribution de protection d'oreilles devant les lieux bruyants, chose qu'il serait souhaitable de rendre obligatoire
- Une prise en charge mal adaptée à ces problèmes par les professionnels de santé
- La reconnaissance difficile (voire l'absence) du statut d'handicap
Se protéger
Avant d'espérer que la réglementation soit vraiment appliquée, le plus simple reste encore de se prendre en main tout seul. Pour cela il n'y a pas 36 solutions, se protéger les oreilles avec des outils adaptés, des embouts venants obstruer le canal auditif.Si les fameuses boules quies ou les embouts en mousse à mémoire de forme - toujours bon à avoir sous la main- permettent de très bien atténuer le son, ce qui est le plus important, nous pouvons tout de même vous conseiller d'investir dans une protection plus élaborée. En effet, ces deux type d'embouts atténuent fortement, mais de manière un peu déséquilibrée (sabrent beaucoup plus les aigus que le reste). De plus, ce sont des produits à usage unique, en tous cas pas destinés à durer dans le temps.
Nous vous conseillons, surtout pour les habitués de boites et de concert, de se tourner vers des marques spécialisées type Earsonics, ACS, Alvis, ou encore Etymotic (dont c'est le vrai cœur de métier).
Les différents embouts de ces marques spécialisées, moulés à l'oreille de l'utilisateur ou universels, permettent d'atténuer le son de manière importante et un peu plus régulière.
Ces protections permettent d'atténuer le son, suivant les modèles, entre 6 et 30 dB, ce qui équivaut à diviser la pression exercée sur le tympan entre 4 fois (-6dB) et 1000 fois (-30 db). 6dB est assez peu adapté aux concerts car trop faible, un minimum de 16dB permet d'éviter les problèmes. Néanmoins certains excès sonore sont si importants avec certains groupes (coucou rammstein), qu'il est parfois raisonnable de taper plus haut encore pour ne vraiment courir aucun risque. Certains modèles permettent même une semi-adaptabilité, avec l'utilisation de filtres plus ou moins isolants.
Si les applications sonomètres (mesure du son en dB) de smartphones n'ont pas la précision de vrais sonomètres, ils restent suffisamment efficaces pour donner une bonne indication. Rappelons qu'au-delà de 80 dB, il est nécessaire de reposer régulièrement ses oreilles. Le seuil de danger étant malheureusement plus bas que le seuil de la douleur, ce n'est pas votre oreille qui vous préviendra toute seule.
Pour le reste, le site de la JNA est particulièrement complet en la matière.