Interview - Bing, du moteur de recherche à la plateforme de données

Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore, Rédacteur en chef adjoint.
Publié le 07 octobre 2013 à 18h34
Microsoft revendique aujourd'hui une part de 30% sur le marché de la recherche en ligne aux États-Unis et doit faire face à la rude concurrence de Google. De passage à Paris, Duane Forrester, responsable du développement de Bing chez Microsoft, revient sur les stratégies du groupe et les travaux en cours, tandis que Anne-Sophie Dubus, directrice de Bing Europe, présente les défis du marché local.

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Clubic.com : Pourquoi les nouveautés implémentées au sein de Bing ne sont-elles pas simultanément déployées dans tous les pays ?

Duane Forrester : Nous sommes très au fait du marché américain. Nous connaissons mieux les intérêts des internautes et nous avons accès aux données. Nous essayons des nouvelles fonctionnalités et testons de nouvelles choses. Certains recevront une version tandis que d'autres en recevront une différente et nous sommes en mesure d'effectuer des analyses afin de déterminer les éléments qui plaisent ou non.

L'un de nos principaux défis, lorsque nous sortons des États-Unis, c'est la loi qui diffère dans chacun des pays. Aux États-Unis, une seule loi gouverne quelques centaines de milliers de personnes. Pour une population aussi importante en Europe, il y aura une vingtaine voire un trentaine de pays avec leurs propres lois ou leurs propres régulations. Ce qui est acceptable chez nous ne l'est pas forcément en Europe, comme en Allemagne. C'est par exemple le cas de la fonctionnalité Snapshot proposant une intégration plus poussée de ses connexions sociales.

En outre, nous avons besoin de solutions extensibles mais cela nécessite d'y dédier un certains nombre d'ingénieurs pendant 6 mois, de planifier le projet pendant 3 mois et enfin de collecter les données nécessaires pendant les trois mois suivants, cela fait donc un an tout juste après la disponibilité d'une nouvelle fonctionnalité déployée aux USA. Et c'est sans compter la connaissance des problématiques locales.

Quels sont les défis de Microsoft en Europe ? Comment promouvoir un service avec si peu de parts de marché ?

Anne-Sophie Dubus : Cela dépend du type de marché dont nous parlons. Concernant bing.fr, bing.de ou bing.it, les parts de marché sont ce qu'elles sont mais ce n'est qu'un aspect du marché. Par contre il est intéressant d'observer la manière dont les nouveaux usages ont véritablement déplacé les frontières. Aujourd'hui nous effectuons des recherches depuis Office ou depuis Windows. Cela ouvre des possibilités incroyables, le gâteau est plus large et nous présentons Bing à un nombre plus important d'utilisateurs.

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Intégration de Bing dans Microsoft Office et Xbox


Et ces nouvelles tendances affectent-elles la part de marché ?

AS.D : Cela a impact sur la quantité de requêtes effectuées puisque le nombre de points d'entrée pour faire une recherche est démultiplié depuis 18 mois.

Cela signifie-t-il qu'un jour je serais exposé à des annonces publicitaires directement au sein de Microsoft Office. Après tout l'objectif reste la rentabilité...

AS.D : C'est une question qui se pose. Google articule environ 97% de sa stratégie sur la publicité mais chez Microsoft, c'est l'inverse. La recherche doit amener de la valeur à l'utilisateur qu'il soit sur Office ou Windows. Microsoft est complètement prêt à rogner sur son chiffre d'affaires publicitaire pour optimiser l'expérience de ses produits.

Reste qu'aujourd'hui Bing ne fait pas d'argent et Microsoft devrait bientôt accueillir un nouveau PDG, sentez-vous la division menacée ?

D.F : Non pas du tout, le département des services en ligne est probablement l'un des groupes les mieux positionnés. Tout le monde essaie de comprendre la manière dont les gens consomment les données et Bing est très bien placé sur ce milieu. Nous constituons la couche de données, nous sommes la réponse à toutes les questions. Nous devenons une fondation de plus en plus importante pour d'autres services, comme la recherche au sein de Xbox.

De plus en plus de gens consomment des données en situation de mobilité, notamment en Afrique ou le téléphone est le principal outil. Mais ces gens veulent tout de même prendre connaissance de l'actualité, de la météo ou des résultats sportifs et Bing est la plateforme qui permet d'accéder à ces données.

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Justement, vous avez de plus en plus d'applications sur Windows 8 ou Windows Phone, l'équipe de Bing est-elle amenée à remplacer celle de MSN ?

D.F : MSN est un produit très établi. Je ne peux pas trop parler de notre feuille de route mais en vérité MSN est une partie très importante de nos services en ligne. Nous réfléchissons actuellement à l'avenir de MSN et cela prend du temps. Je sais que l'équipe y travaille et qu'il y a un fort potentiel mais nous ne savons pas de quoi est fait l'avenir et n'avons finalisé aucun plan.

Cependant la société a connu une restructuration avec cette vision de « One Microsoft ». Les départements marketing ont été unifiés, tout comme certains autres groupes. Cela signifie que nous développons des produits d'une manière très spécifique et complémentaire.

Aussi, nous avons plusieurs accords avec beaucoup éditeurs au travers de MSN, lesquels nous permettent par exemple de retourner leurs contenus.

Êtes-vous en mesure de parler de Cortana, cette prochaine génération d'assistant vocal ?

D.F : Je peux vous dire que c'est un projet qui existe bien. Nous allons continuer à investir et à y travailler. Les projets de type Cortana ou Satori forment réellement les bases de la connaissance que nous essayons de construire.

Selon certaines statistiques en janvier ou en février 2014, les requêtes effectuées depuis un mobile, dépasseront pour la première fois celles des ordinateurs. Et il n'y aura pas de marche arrière. Il nous est donc très important de continuer les travaux sur ces bases de connaissance pour optimiser davantage la qualité du moteur de recherche où qu'il se trouve, Xbox, Windows, Windows Phone.

Lorsque quelqu'un pose une question, il nous faut comprendre le contexte et apporter une réponse de manière spécifique et pertinente après avoir compris l'objet précis de la requête.

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Vos travaux sont-ils d'une manière ou d'une autre influencés par ceux de Google, par exemple avec des mises à jour telle que Panda ?

D.F : Oui et non. Nous sommes une société indépendante, avec nos propres travaux et nos projets. Nous savons ce que font nos concurrents mais nous ne nous basons pas la-dessus pour prendre des décisions.

On me demande souvent si les changements d'algorithmes chez Google seront également implémentés au sein de Bing. C'est un sujet important. Mais la réponse est : non. Il n'y a aucune raison de bloquer des données et certainement pas pour des raisons de sécurité comme avancées par Google, puisque n'importe qui achetant des mots-clés spécifiques au sein de AdWords pourra accéder à celles-ci.

Pourquoi ne pas avoir continué la (très controversée) campagne Bing It On pour en apprendre davantage sur les requêtes des internautes et la pertinence des résultats retournés ?

D.F : Tout d'abord cela ne devait pas être une campagne à long terme. C'était une initiative purement marketing. Cela a très bien fonctionné pour nous aux États-Unis. Cela a permis à certaines personnes d'ouvrir les yeux. Mais c'était adapté au marché américain et il y aurait certainement eu une réception différente en Europe.

De quelle manière testez-vous les nouveautés implémentées au sein de Bing ?

Nous analysons les données derrière chacune des requêtes et les comparons à d'autres recherches. Il nous arrive de faire une douzaine de tests par jour mais c'est toujours de manière très subtile, par exemple l'ombrage porté sur un lien, l'emplacement d'un élément, le nombre de liens par page, le nombre de vidéos suggérées...

Au début, nous faisons des tests sur environ 2% de nos utilisateurs, soit quelques centaines de milliers d'internautes et s'ils approuvent, nous élargissons le test à 10%, puis à 50%. A 100%, il faut faire attention parce que l'internaute peut aimer une nouveauté le jour J mais ne pas y prêter attention par la suite. Le test est alors suspendu quelques mois avant d'être relancé pour être sûr de l'approbation des internautes.

Tout est effectué de manière très attentive et très lente. Nous ne faisons jamais de grosses mises à jour.

Comment imaginez-vous Bing dans une quinzaine d'années ?

AS.D : Je pense qu'on en fera abstraction. Ça sera tellement passé dans les usages qu'on n'y fera sans doute plus référence. Dans quinze ans, je pense que Bing deviendra un élément très intégré aux usages.
Guillaume Belfiore
Rédacteur en chef adjoint
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