On ne présente plus la NASA. En l'espace de quelques décennies, l'agence spatiale américaine est devenue l'organisme le plus prolifique dans le domaine. À chaque mission, elle repousse un peu plus les frontières de l'exploration spatiale et fait preuve d'une ambition hors norme pour tenter de percer les mystères de l'Univers.
De la Lune à Ultima Thulé, retour (non exhaustif) sur les événements les plus marquants de l'histoire de la célèbre agence gouvernementale, sur ses différentes activités, et sur ses futures missions.
1958 : la NASA voit le jour
La création de la NASA, acronyme de National Aeronautics and Space Administration, remonte au 29 juillet 1958, alors que les États-Unis et l'Union soviétique se livrent, depuis déjà plusieurs années, une véritable « course à l'espace ».Après les échecs successifs du programme américain Vanguard, dont le premier vol eut lieu en 1956, et suite à la réussite soviétique de Spoutnik 1, le tout premier satellite artificiel lancé en 1957, le président américain Dwight D. Eisenhower décide d'enclencher la vitesse supérieure en signant le National Aeronautics and Space Act. Cette loi va poser les fondations de l'agence spatiale, remplacer le NACA - National Advisory Committee for Aeronautics - et avoir une portée civile, et non militaire.
Les créateurs d'Explorer 1, le premier satellite artificiel placé en orbite par la NASA, brandissent fièrement la maquette quelques minutes après la réussite du lancement en 1958 © NASA
Bien que le premier satellite artificiel placé en orbite par les Américains, Explorer 1, soit lancé le 1er octobre 1959 grâce à l'Armée de Terre et aux équipes de Wernher von Braun (ancien ingénieur allemand sous le régime nazi), les objectifs de la NASA seront bel et bien dénués de fins militaires. La loi permettant la création de l'agence stipule par ailleurs « consacrer les activités spatiales à des fins pacifiques dans l'intérêt de toute l'humanité ».
Echo, le premier satellite de communication de la NASA placé en orbite en 1960 était constitué d'une toile gonflable en Mylar de 30 mètres de diamètre © NASA
Malgré tout, outre la reprise des différents centres de recherche du NACA comme les réputés Ames et Langley, la NASA reprendra également des programmes auparavant gérés par l'Armée et continuera de développer des solutions militaires. C'est ainsi que le Jet Laboratory Propulsion (JPL) est rattaché à la NASA en 1960 et changera ensuite de cap pour passer du développement de missiles balistiques militaires à celui de missions spatiales robotiques.
Le programme Apollo
Le programme Apollo est né dans un contexte très tendu entre les Soviétiques et les Américains, au cœur d'une guerre froide qui se prolongera jusqu'à l'effondrement de l'URSS en 1991.Ce climat de rivalité entre les deux superpuissances a, en quelque sorte, propulsé le secteur de l'aérospatiale. À cette époque, de la première sonde envoyée sur le sol lunaire le 14 septembre 1959, au premier homme dans l'espace - Youri Gagarine - le 12 avril 1961, seulement deux mois après l'élection de John F. Kennedy à la tête des États-Unis, la supériorité technique de l'URSS ne fait pas de doute.
C'est justement Kennedy qui va initier le programme Apollo. Avant son élection, Mercury, suivie par Gemini, sont les deux programmes spatiaux habités de l'agence. Mercury accumule malheureusement les échecs avant de parvenir à mettre le premier américain sur orbite, John Glenn, le 20 février 1962.
Entre temps, Kennedy déclare son intention d'envoyer des astronautes sur la Lune avant la fin de la décennie, lors d'un discours prononcé le 25 mai 1961. Cette annonce stupéfiante va requérir d'immenses efforts de la part des ingénieurs américains : c'est ainsi qu'est développé le programme Gemini, ayant pour but de préparer la réussite d'Apollo.
Assassiné le 22 novembre 1963, Kennedy ne verra cependant jamais le fruit de son ambition.
Le programme Apollo est développé rapidement, mais aussi avec un certain soin. Outre le programme Gemini, la NASA pense et déploie le lanceur Saturn, les sondes de reconnaissance Ranger et Lunar Orbiter, ainsi que la sonde Surveyor 1 qui se posera sur le sol lunaire le 2 juin 1966.
Le développement de ce programme spatial habité ne se fait malgré tout et malheureusement pas sans déboire et les trois astronautes constituant l'équipage d'Apollo 1 décèdent asphyxiés lors d'un essai au sol, entraînant ainsi un retard de nombreux mois sur le programme Apollo. Retard qui profita finalement à la fusée Saturn V, dont le développement fut un défi sans commune mesure : il s'agissait en effet d'un engin de 110 mètres de haut et présentant un diamètre de 10 mètres, pour une masse totale au décollage dépassant les 3 000 tonnes.
Plusieurs vols sans équipage ont eu lieu en 1967 et 1968, suivis de quatre vols habités préparatoires, avant que la mission Apollo 11 ne tienne la promesse du défunt président, le 21 juillet 1969, il y a déjà 50 ans ! Le programme Apollo prendra fin en 1972 après sept missions lunaires réussies ; les Soviétiques abandonneront également leur programme lunaire habité à cette période. La fusée Saturn V sera cependant encore utilisée pour mettre en orbite la première station spatiale américaine : Skylab.
La navette spatiale et l'ISS
À partir des années 1970, le budget de la NASA est en baisse constante malgré la volonté de l'agence à continuer de mener un programme spatial habité à la hauteur de ses ambitions. Ces restrictions budgétaires n'empêcheront pas pour autant le lancement sur l'orbite de Mars de la sonde Mariner 9, des deux sondes Viking qui se poseront sur la planète rouge, ou encore des missions Pioneer Venus.Malgré tout, le projet de navette spatiale, acté en 1972, mobilise une grande partie des ressources budgétaires de la NASA et retarde de nombreux projets comme celui de la sonde Galileo qui partira explorer Jupiter et ses lunes en 1989. Ces conditions forcent également l'agence à annuler certains projets.
La première des quatre navettes spatiales, Columbia, réalise son premier vol le 12 avril 1981. Si elle permet à l'agence de lancer de nombreux satellites commerciaux, elle montre vite ses limites en termes budgétaires. Malgré sa nature réutilisable, la navette spatiale ne permet pas de réduire les coûts, comme cela était espéré, et la cadence de tirs reste faible.
En 1986, le terrible accident de la navette Challenger, qui voit périr les sept membres de son équipage, bouleverse fortement le paradigme de l'agence. Après 32 mois d'arrêt, il est décidé que la navette spatiale ne lancera plus de satellites commerciaux, ce qui explique en partie le succès de la fusée européenne Ariane.
Cet accident a également retardé d'autres programmes, notamment celui du télescope Hubble qui sera finalement lancé en 1990 par la navette Discovery, ou encore celui de la Station Spatiale Internationale (ISS), lancée en 1998, soit plus de 15 ans après la naissance du projet.
L'ISS photographiée par l'équipage de l'expédition 56 à bord du vaisseau Soyouz, le 4 octobre 2018 © NASA / Roscomos
L'assemblage de l'ISS se révèle long et minutieux, et encore une fois entaché par un événement tragique, avec la désintégration de la navette spatiale Columbia le 1er février 2003, lors de sa phase de rentrée atmosphérique. Cependant, le projet de l'ISS marque un tournant majeur dans l'histoire de la conquête spatiale puisque pour la première fois, Russes et Américains collaborent sur ce projet, suite à l'éclatement de l'Union soviétique en 1991.
Considéré comme une impasse technologique, le programme de navette spatiale est définitivement arrêté en 2004 sous la présidence de George W. Bush. Ce sont les fusées russes Soyouz qui permettront alors d'envoyer du fret et des spationautes à bord de l'ISS. Depuis, le secteur privé, constitué par des acteurs comme SpaceX et Boeing a montré l'étendue de ses capacités. Le transport de fret a ainsi été confié à ces deux sociétés via le programme COTS, et elles devraient bientôt prendre la relève de Soyouz pour le transport d'astronautes avec le programme CCDeV.
Les projets en cours et à venir
Durant six décennies, la NASA a relevé des défis qui ont repoussé les frontières de l'exploration spatiale. Si le parcours de l'agence ne s'est pas fait sans difficulté, force est de constater qu'elle est pionnière dans son domaine, avec à son actif des missions audacieuses qui ont permis d'élargir considérablement notre connaissance de l'Univers et qui découvriront peut-être un jour des formes de vie sur une planète en dehors du système solaire, ou même en son sein.Il serait long de citer chaque mission réussie de la NASA et nous nous sommes pour le moment surtout concentrés sur la création de l'agence et sur ses programmes phares avec Apollo, Space Shuttle, et l'ISS. Les activités de la NASA sont en effet assez larges et ne s'arrêtent pas au programme spatial habité. Aujourd'hui son champ d'action couvre un large spectre dans le domaine des sciences, à commencer par l'étude de la Terre et de son climat avec des satellites comme Suomi NPP, CloudSat, ou encore ICESat-2.
Dans ce domaine, trois missions sont actuellement en cours de développement et devraient être lancées d'ici 2022 : NISAR étudiera l'écosystème terrestre, SWOT les courants océaniques, alors que PACE portera son attention sur le cycle du carbone et l'étude du phytoplancton.
Astronomie spatiale
L'astronomie spatiale représente quant à elle l'un des secteurs d'activités les plus riches de l'agence, en termes de découvertes scientifiques, notamment dans le champ de l'astrophysique. Les piliers de la création. Cette célèbre image a été initialement capturée par Hubble en 1995 © NASA, ESA, and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA)
On pense bien sûr en premier lieu à Hubble dont les découvertes ont permis à la recherche de progresser à pas de géant sur des sujets comme l'existence des trous noirs, ou encore la formation des planètes, étoiles et galaxies. Mais Hubble ne travaille pas seul : les données qu'il collecte sont souvent complétées par celles des observatoires au sol, ainsi que par les télescopes à rayons X Chandra et à infrarouge Spitzer.
Le centre de la Voie Lactée, abritant Sagittarius A*. Une image obtenue grâce aux données de Chandra et du radiotélescope MeerKAT © Image credit: X-Ray:NASA/CXC/UMass/D. Wang et al.; Radio:NRF/SARAO/MeerKAT
Plus récemment, le télescope TESS a remplacé le prolifique Kepler dans le domaine de la recherche d'exoplanètes ; mais avant d'avoir consommé tous ses ergols, ce dernier est parvenu à détecter plusieurs milliers d'exoplanètes grâce à la méthode de transit.
De nombreux télescopes sont actuellement en cours de développement. Le plus ambitieux de tous est sans conteste le James Webb Space Telescope (JWST) qui devrait être le successeur d'Hubble. Maintes fois reporté, le développement de ce télescope aura nécessité un budget faramineux de près de 10 milliards de dollars, bien plus que ce qui était initialement prévu. Son lancement est désormais prévu pour mars 2021, date à laquelle il sera placé au point de Lagrange L2.
D'autres projets verront le jour dans les années qui viennent, comme SPHEREx et Euclid, mais c'est sans doute WFIRST qui porte le plus de promesses. Prévu pour 2025, ce télescope aura pour mission de recenser des exoplanètes, mais surtout d'étudier l'énergie sombre dont la nature reste encore un mystère.
Exploration spatiale
Ces dernières années, la NASA a surtout fait parler d'elle à travers ses missions d'exploration spatiale, et notamment son programme martien, qui a vu se succéder les lancements d'une dizaine d'instruments à destination de la planète rouge.L'exploration de Mars
Le développement de missions martiennes a été relativement rapide après la réussite du démonstrateur technologique Mars Pathfinder qui s'est posé à la surface de cette planète en juillet 1997. S'il a fallu attendre 2001 pour voir le lancement de la sonde orbitale Mars Odyssey, la NASA a néanmoins essuyé deux échecs en 1998 et 1999 avec les duos de sondes Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander. Par la suite, Mars a accueilli les célèbres rovers Spirit et Opportunity tous deux lancés en 2003, ainsi que l'atterrisseur Phoenix en 2007. Ces instruments ont ainsi permis de réaliser de belles découvertes, à commencer par la confirmation de la présence de glace d'eau dans le sol martien.Lancée en 2005, la sonde spatiale Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) remplit comme principal objectif la cartographie et l'étude de la surface de Mars ; elle emporte également un puissant système de télécommunication qui permet à l'agence de récupérer rapidement les données collectées par les différents instruments présents au sol. MRO est aujourd'hui encore en activité et devrait le rester jusqu'en 2020.
Plus récemment, la NASA a mis au point la sonde orbitale MAVEN, chargée de l'étude de l'atmosphère de Mars ; mais les deux projets qui retiennent le plus l'attention sont bien sûr le rover Curiosity, qui recherche des traces de vie sur la planète désertique, et InSight, qui s'est posé avec succès le 26 novembre 2018. Ce dernier embarque plusieurs instruments, SEIS et HP3, développés avec l'aide des Européens, qui permettront à InSight d'étudier en détail la structure interne de la planète.
Enfin, le rover Mars 2020 devrait être lancé, comme son nom l'indique, en 2020. Cet engin, copie perfectionnée de Curiosity, aura pour mission de rechercher des signatures biologiques sur Mars mais aussi d'analyser les conditions régnant à sa surface dans le but de préparer une éventuelle mission habitée. Le rover prélèvera également des échantillons qui pourront éventuellement être rapportés sur Terre par une mission de retour, encore hypothétique.
Des sondes aux confins du système solaire
Si la NASA a repoussé les frontières de l'exploration en envoyant des Hommes sur la Lune, les sondes de l'agence ont peut-être atteint des limites qu'il sera difficile de franchir à nouveau. Les sondes Voyager 1 et 2 lancées en 1977, par exemple, ont d'abord survolé les géantes gazeuses de notre système solaire, ainsi que leurs lunes, avant de se voir attribuer une nouvelle mission : le voyage interstellaire. Un périple incroyable qui dure depuis bientôt 42 ans !Parallèlement aux missions les plus importantes, celles à petit budget ne sont pas forcément dénuées d'intérêt, comme le prouve la sonde New Horizons. Cet instrument, lancé en 2006, a d'abord survolé Jupiter avant de se diriger vers son objectif : Pluton, un objet lointain et encore largement méconnu. Les données collectées par la sonde ont ainsi permis d'en apprendre beaucoup sur les objets transneptuniens et la ceinture de Kuiper, et les photographies de Pluton resteront sans aucun doute gravées dans l'histoire de l'exploration spatiale.
Photographie de Pluton capturée par New Horizons lors de son survol le 13 juillet 2015 © NASA / Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory / Southwest Research Institute
Et la mission ne s'est pas arrêtée là, puisque New Horizons s'est ensuite dirigée vers un objet de la ceinture de Kuiper, 2014 MU69, plus connu sous le nom d'Ultima Thulé. Le 1er janvier 2019, New Horizon est ainsi devenue la première sonde à visiter un objet si lointain, situé à environ 6,4 milliards de kilomètres de la Terre.
Des records et des premières
Les différents programmes de la NASA ont donc une portée et des retombées scientifiques énormes. L'agence, qui entend bien envoyer des Hommes sur Mars un jour, est pionnière dans le domaine de l'exploration spatiale. Bien d'autres projets valent la peine d'être cités, à l'image de la sonde Parker, lancée en 2018. Elle sera la première à se rapprocher autant du Soleil, son objectif étant d'étudier la couronne solaire afin de mieux comprendre le phénomène de vent solaire. Image d'un jet coronal capturée par Parker Solar Probe. La tache lumineuse au centre n'est autre que Mercure ! © NASA/Naval Research Laboratory/Parker Solar Probe
La sonde OSIRIS-REx est quant à elle l'une des premières missions de collecte et de retour d'échantillons d'un astéroïde, en l'occurrence Bennu. Cette mission, à l'instar d'Hayabusa2 de la JAXA, pourrait permettre aux chercheurs d'approfondir leurs connaissances à propos de la formation du système solaire.
Enfin, parmi les missions en développement, Europa Clipper est devenue l'un des grands objectifs de la NASA depuis que Galileo a permis de démontrer qu'il existe très probablement un océan sous la surface glacée de cette lune de Jupiter. Sa mission sera donc de s'assurer de la présence d'eau et préparer l'éventuel lancement d'un atterrisseur en cartographiant la surface d'Europe. Si des formes de vie existent dans notre système solaire, Europe est en effet le meilleur prétendant pour les abriter.
Le programme Artemis
Né de l'aspiration du gouvernement Trump, le programme Artemis concentre aujourd'hui la majeure partie des efforts de la NASA. 50 ans après Apollo 11, et 37 ans après les derniers pas de l'Homme sur la Lune, l'agence spatiale américaine met actuellement au point un ambitieux programme pour retourner sur notre satellite naturel dans un délai relativement court puisque la date de 2024 a d'ores et déjà été annoncée. En outre, le programme Artemis devrait être le premier à voir une femme fouler la surface de la Lune.Néanmoins, beaucoup d'incertitudes demeurent encore autour de ce projet ; si la capsule Orion semble prête, le lanceur SLS accumule les retards et rien ne dit qu'il sera effectivement prêt pour la date butoir. Bien entendu, nous ne manquerons pas de vous tenir informé quant à cet exploit que les États-Unis souhaitent réitérer.
De la Lune à Ultima Thulé, la NASA a ainsi parcouru un très long chemin, jonché de quelques mésaventures, mais aussi d'incroyables découvertes. Un voyage passionnant à la découverte de l'origine de la vie et de l'Univers dont nous ne sommes, en fin de compte, pas près de voir la fin !