La « cousine de Galileo » a marqué l'exploration vénusienne, en révélant la surface de la planète avec une précision inédite jusqu'alors. Si elle tarde à trouver un successeur, Magellan a produit des données qui sont toujours étudiées 25 ans plus tard.
La sonde fut la première mission interplanétaire à décoller de la soute d'une navette.
Sonde Galileo : en route pour Jupiter
Magellan, une mission au rabais ?
Même si l'on sait que la planète Venus a plusieurs caractéristiques en commun avec la Terre, il est intéressant de l'étudier… Ne serait-ce que pour comprendre comment elle est devenue un véritable enfer, avec son improbable atmosphère nuageuse de 90 km d'épaisseur, ses pluies d'acide sulfurique, ses pressions incroyables et ses vents dévastateurs. En quelques décennies de guerre froide, les soviétiques ont plutôt poussé leurs missions pour étudier son atmosphère, mais aussi pour se poser au sol : en ce sens les missions Venera sont des succès. La NASA elle, cherche, après une aventure réussie en 1978 (Pioneer Venus), à obtenir une vue d'ensemble de la surface de notre voisine. Pour cela, elle envisage d'embarquer une technologie émergente, qui fait à peine son apparition sur des satellites autour de la Terre : un radar à synthèse d'ouverture.
Magellan, à l'origine, s'appelait VOIR (Venus Orbiting Imaging Radar) : la mission devait cartographier la planète grâce à son radar mais aussi étudier son atmosphère, embarquer différents instruments et… Il ne sert à rien de lister la suite, puisque le projet a été annulé lorsque la NASA a vu son budget drastiquement réduit en 1982-1983.
Cela étant, l'étude initiale n'est pas restée sans effet. Pour ne pas être purement et simplement remise au placard, la mission va demander aux équipes en charge de déployer des trésors d'ingéniosité : un seul instrument, des éléments récupérés sur les doublons d'autres missions et un budget pratiquement divisé par trois.
Celle qui s'appellera un temps VRM (Venus Radar Mapper) est finalement approuvée et c'est Marietta, qui deviendra par la suite Lockheed-Martin, qui travaille sur la sonde pour la voir décoller en 1988.
Un voyage étendu pour cause de priorités…
Evidemment, Magellan doit quitter la Terre dans la soute d'une navette STS. Or le tragique accident de Challenger en janvier 1986 bouscule tous les agendas et les budgets. La mission vers Venus n'est pas une priorité, elle ne fait notamment pas le poids face à sa « cousine », l'impressionnante sonde Galileo. Les deux projets souffrent de l'arrêt du développement d'un moteur plus puissant pour quitter la Terre (Centaur-G)… Et la NASA se retrouve en plein dilemme : pour son trajet vers Jupiter, Galileo doit aussi survoler Venus.
Voici donc une seule « fenêtre » orbitale vers la planète-enfer, pour deux sondes à envoyer avec des navettes, à une période où les vols fréquents ne sont pas autorisés. La décision est finalement prise d'envoyer Magellan en premier, sur un trajet étendu, qui ne sera pas optimisé. La sonde décolle le 4 mai 1989 dans la soute d'Atlantis, et sera éjectée avant d'allumer son moteur quelques heures plus tard.
Le voyage vers Venus prendra plus d'un an, jusqu'au 10 août 1990, mais aucun incident n'est à signaler. Comme prévu, une fois larguée, Magellan allume son moteur et se place sur une orbite elliptique de 8 543 x 294 km d'altitude, inclinée à 86°. Lorsqu'elle commence sa mission, la sonde ne pèse plus qu'une tonne ! Son unique instrument est le radar, mais comme l'antenne est partagée avec le système de communication grand gain, elle ne peut échanger avec la Terre et prendre des mesures en même temps.
Les orbites, qui durent 3h08 minutes, sont donc découpées en deux phases : l'observation du sol lors du passage au plus près de Venus (périgée), et la communication des données vers le sol dans la deuxième phase.
Grosse frayeur six jours après l'arrivée en orbite, la sonde se met en position de sécurité et se bloque durant 17 longues heures…
Les cartes de Venus changent la donne
Chaque « phase » de la mission de Magellan est destinée à recueillir un maximum de données pour cartographier Venus, avec une résolution d'environ 100 mètres, dépendant de la latitude. Si cela peut paraître beaucoup aujourd'hui, ces mesures relèvent de l'exploit pour un seul véhicule avec une technologie issue de la fin des années 70.
La première phase dure 243 jours (une année vénusienne) jusqu'au 15 mai 1991, et dans cet intervalle de temps le véhicule va enregistrer 150 Go de données, soit plus que toutes les autres missions robotisées de la NASA combinées, à cette époque (dont le total des données s'élève à 112 Go).
Le 13 septembre 1992, la surface de Vénus est cartographiée à 98 % grâce au radar, qui est alternativement pointé vers la trajectoire avant ou la trajectoire arrière de la sonde, ce qui permet d'améliorer la teneur des données lorsqu'elles sont recoupées par les scientifiques, sur Terre.
Pour la première fois, les planétologues découvrent la surface de Venus en détails.
Magellan sera aussi utilisée pour cartographier la répartition des masses sur Venus, grâce à une étude très fine de ses variations de gravité, au fur et à mesure de sa position sur les orbites (mesures qui prennent du sens sur plusieurs milliers d'orbites) ; la sonde testera par ailleurs une méthode complexe mais cruciale pour l'avenir : l'aérofreinage, qui consiste à amener le point le plus proche de l'orbite quelque part dans les plus hautes couches de l'atmosphère, pour profiter d'une courte zone de freinage orbital sans pour autant générer trop de chaleur et endommager le véhicule.
Pour Magellan, cela va se traduire en une orbite finalement circulaire, à seulement quelques centaines de kilomètres de la surface de Venus… Et menant à une dernière campagne de données radar, qui permettront d'améliorer encore les cartes existantes. Magellan est rentrée dans l'atmosphère vénusienne (une dernière fois ce coup-ci) à la fin de sa mission, le 13 octobre 1994, pour s'y désintégrer.
Pas d'autre clé pour comprendre Venus !
Le problème avec les dizaines de kilomètres d'épaisseur de nuages de Venus, c'est qu'il n'y a pas d'autre moyen (à part une visite in situ) de comprendre sa surface, autrement qu'avec un radar. Même si plusieurs missions Venera avaient déjà retourné de bons résultats, les cartes de Magellan sont encore aujourd'hui un incroyable trésor de données. Elles sont d'ailleurs toujours étudiées, et pour certains détails, continuent de produire des résultats scientifiques, 30 ans après !
Le passé volcanique de Venus a notamment été prouvé grâce à cette mission, qui a révélé de nombreux volcans, dont certains que l'on hésite à qualifier d'éteints… Magellan a aussi montré un autre résultat inattendu : il n'y a pas de trace d'érosion à grande échelle, causée par les vents, et ce malgré leur violence.
Cela étant, la planète n'a été cartographiée au radar qu'avec une résolution entre 50 et 100 mètres, hors des pôles. À une telle résolution, des extraterrestres observant la Terre pourraient montrer qu'elle est habitée, mais ne sauraient absolument pas par quoi, ni à quoi ressemble notre société.
Pour connaître plus en détail ce qu'il se passe sur Venus, il faudrait de meilleurs radars. Et ça tombe bien, parce qu'en 35 ans, la technologie des radars à synthèse d'ouverture a radicalement évolué ! Reste à se décider pour financer une mission… Or, au regard de tous les autres objectifs plus accueillants dans le système solaire, un tel projet n'a jusqu'ici pas abouti. Ce n'est que partie remise… Il reste beaucoup à découvrir sur Venus !
Une voisine de la Terre, de la même taille, accessible en quelques mois de trajet ? Vous pouvez la retrouver facilement dans le ciel nocturne, c'est Venus bien sûr ! Lire la suite…