Si vous n'avez pas suivi les annonces Google et le traitement qui en a découlé dans nos colonnes, vous pouvez rattraper votre retard avec notre diaporama des nouveautés d'Android 6.0. Il est toutefois un changement que nous ne pouvions pas montrer en image : l'autonomie.
Google a en effet assuré que les smartphones sous Android 6.0 profiteraient d'optimisations énergétiques de l'ordre de 30 % par rapport aux mêmes appareils exploités par Lollipop. Promesse électorale ou véritable évolution salutaire - et à saluer ? Nous avons entrepris une vague de tests pour en avoir le cœur net.
Entre consommation et efficacité, Google doze
Pour expliquer ce gain prétendu, Google avance deux dispositifs logiciels qu'il faut comprendre pour appréhender notre question initiale. Le premier s'appelle Doze, le second App Standby. Leur principe est expliqué notamment dans les pages dédiées aux développeurs Android. Doze est un mode d'économie d'énergie dans lequel va se placer le téléphone quand il va remplir trois conditions, au bout d'un laps de temps donné : rester stationnaire, avec l'écran éteint et non branché sur secteur. Dès lors, toutes les applications dites « optimisées » dans la section Batterie / Optimisation de la batterie, se verront appliquer des restrictions :
- accès au réseau interrompu ;
- contournement des mécanismes de blocage de la veille (wake locks) ;
- report des alarmes système standard (planification de lancement d'application) au prochain créneau de maintenance ;
- arrêt des balayages Wi-Fi du système ;
- suspension des synchronisations et de la fonction JobScheduler (planification d'actions au sein d'une application).
Ces restrictions portent essentiellement sur les accès au réseau et les petites tâches qui sollicitent le processeur. Mais le téléphone ne reste pas pour autant plongé dans une hibernation profonde : il profite de créneaux rapides et ponctuels pour opérer des maintenances (Google appelle ça « Maintenance window »). Toutes les activités alors suspendues ou différées pendant les temps calmes du mode Doze pourront alors être accomplies, avec accès au réseau. Puis le téléphone re-basculera en mode Doze. Ces créneaux ou fenêtres de maintenance s'espaceront au fur et à mesure que la période d'inactivité se prolongera. Le téléphone sort du mode Doze dès qu'on le branche sur secteur, qu'on le bouge ou qu'on allume son écran.
Crédits : http://developer.android.com
L'autre dispositif d'économie d'énergie s'appelle App standby, autrement dit, veille des applications. Son principe est simple : le système va jauger la fréquence d'activité des applications, pour déterminer s'il faut les mettre en veille ou non. En plus de constater une période d'inactivité, le système va s'assurer de trois paramètres :
- l'utilisateur n'a pas expressément lancé l'application ;
- l'application n'a pas de processus qui tourne en arrière-plan ;
- l'application n'est pas conçue pour générer une notification visible sur l'écran de verrouillage ou le volet de notifications.
Dès que le smartphone est branché sur secteur, le système sort les applications mises en état de veille. Si l'appareil reste au repos pendant très longtemps, les applications en veille disposeront tout de même d'un accès au réseau par jour pour conduire leurs éventuelles requêtes ou mises à jour.
Lumière faite sur ces deux dispositifs d'Android 6.0, le gain d'autonomie doit plutôt se percevoir sur les phases où le téléphone n'est pas utilisé, en veille. Ça tombe bien, c'est le premier poste « d'utilisation » dans le cadre d'un usage normal. Une étude GfK réalisée pour la marque espagnole BQ affirmait même qu'on n'était que 27 % en France à utiliser notre smartphone plus de 2 h par jour. Et 44 % à l'utiliser 1 h ou moins. Le reste du temps ? C'est essentiellement de la veille.
Etude GfK pour BQ
Nos mesures comparées d'autonomie
Pour déterminer si les progrès en matière d'autonomie tiennent de la réalité ou de la fiction, nous avons conduit deux phases de tests. Une première en usage normal, une seconde avec du logiciel de benchmark en continu. Les mesures ont été effectuées trois fois, pour Lollipop et Marshmallow, afin de s'assurer de la stabilité des résultats obtenus.
En conditions réelles, nous avons lancé Battery Log, un petit utilitaire qui se contente de relever l'heure à chaque fois que la charge de la batterie évolue. Les mesures ont toujours été initiées entre 7 et 8 h du matin et en semaine, pour éviter de biaiser les résultats avec des variations d'usage trop importantes. Elles ont été stoppées à 10 % de batterie restante. Notre cobaye : un Nexus 5 acheté le 31 octobre 2013. Nous avons opéré des installations propres des deux OS, en calquant les paramétrages suivants :
- Wi-Fi et NFC activés, Bluetooth désactivé ;
- luminosité d'écran par défaut (environ 2/3) avec adaptation automatique ;
- veille réglée sur 30 secondes, voyant de notifications actif ;
- localisation haute précision ;
- sécurité avec schéma et Smart Lock avec deux lieux de confiance ;
- Cloud Print désactivé ;
- échelle d'animation des fenêtres et transitions désactivées, échelle de durée des animations à 0,5 X (dans les options pour développeurs) ;
- quatre comptes Gmail paramétrés, dont un en synchronisation totale avec notifications ;
- un compte Exchange en synchronisation horaire avec notifications ;
- comptes Facebook et Twitter sans synchronisation ni notification ;
- détection du mot "Ok Google" désactivé, cartes Now activées ;
- applications lancées en mémoire : SFR Répondeur+, Facebook, Messenger, Battery Log, applications système.
Le verdict est clair : sous Lollipop le Nexus a tenu entre 27 h 35 et 27 h 58, sous Marshmallow entre 36 h 26 et 38 h 17. Notre plus petit écart représente un gain de 30,3 %, le plus grand atteint 38,8 % ! En échelle de temps circadienne, notre Nexus 5 tient la journée dans les deux cas, mais il s'arrête vers midi sous Android 5.1 alors qu'il pousse jusqu'à 20 h - 21 h sous Android 6.0. La promesse de Google est tenue, bravo !
La nouvelle version d'Android a-t-elle également un impact sur l'utilisation pure et dure ? Pour répondre à cette question, nous reprenons nos configurations à l'identique et utilisons le benchmark d'autonomie de PC Mark pour Android. C'est celui que nous utilisons d'ordinaire pour nos tests de smartphones. La seule différence ici, c'est que nous calibrons l'écran sur 200 cd/m² pour obtenir les résultats les plus précis possible. Les scores corroborent nos intuitions : il n'y a pas d'évolution significative, voire pas d'évolution du tout. 4 h 46 en moyenne avec Lollipop, 4 h 40 avec Marshmallow. Six minutes d'écart, autant dire la marge d'erreur, l'aléa impondérable. Il n'y a donc bien que sur les temps de veille du téléphone qu'Android 6.0 a été optimisé.
A gauche le plus faible score obtenu avec Marshmallow, à droite le plus faible score avec Lollipop
Conclusion
Quand un constructeur assène des promesses aussi généreuses, il éveille forcément les soupçons. Les X pourcents plus puissant, plus rapide ou plus autonome sont bien souvent assortis de conditions très particulières rendant le propos vain une fois la théorie transcrite dans la pratique. Dans le cas d'Android 6.0, il n'était pas nécessaire de chercher les astérisques, mais juste de prendre le temps de comprendre le fonctionnement du mode Doze et de l'App Standby. Deux dispositifs qui visent à profiter des phases d'inactivité pour réduire intelligemment la consommation du réseau et du processeur. Et comme la veille représente le plus gros morceau dans une journée d'utilisation normale - sauf à dormir trois heures par jour et à rester scotché à son smartphone - le gain entre Android 5.1 et 6.0 atteint bien les 30 %. La promesse est donc tenue !Notez qu'il s'agit d'un gain moyen : quelqu'un qui utilisera son smartphone plus intensivement descendra sous les 30 % et retrouvera possiblement une consommation identique, mais quelqu'un qui a un usage plus modéré - comprendre qui laissera davantage son téléphone veille - pourra dépasser les 30 %. Nous sommes montés à quasi 40 % lors de nos tests, Google annonce que sa veille seule peut aller jusqu'à un gain de 100 %. L'intérêt est alors limité, mais ça montre bien la portée de l'optimisation.
S'il nous faut complimenter Google pour le travail accompli - ce n'est pas tous les jours qu'une mise à jour de système d'exploitation fait gagner 30 % d'autonomie -, rappelons tout de même au passage que ces optimisations ressemblent énormément à celles mises en oeuvre dans le mode Stamina des Xperia de Sony ou une partie de celles apportées dans le mode Ultra économie d'énergie de Samsung. Autrement dit, Google n'a pas inventé grand-chose. En revanche, sur Android 6.0 le dispositif actif par défaut a le mérite d'être totalement intégré au système et donc transparent.