L'opérateur de la Principauté, Monaco Telecom, compte sur le lancement des iPhone 12 et 12 Pro pour accélérer l'adoption de la technologie de cinquième génération, notamment par le grand public.
Attendue en France dans les prochaines semaines, la 5G est déployée depuis un an et demi dans la Principauté de Monaco, où les abonnés à un forfait mobile de cinquième génération sont encore peu nombreux, la faute à un nombre de terminaux compatibles 5G jusque-là encore faiblard. Dans ce contexte, le lancement de l'iPhone 12 devrait permettre à la 5G de gratter quelques parts de marché sur place, permettant notamment de désengorger le réseau 4G d'un État qui, avec près de 20 000 habitants au kilomètre carré, est l'un des plus importants au monde en termes de densité de population.
Sur place, nous avons interviewé le directeur général de l'opérateur Monaco Telecom, Martin Péronnet.
L’interview de Martin Péronnet, directeur général de Monaco Telecom
Clubic : Monaco a lancé son réseau 5G très tôt, en juillet 2018. Où en est-on, un an et demi après le lancement ?
Martin Péronnet : C'est intéressant que vous posiez la question aujourd'hui, parce que j'ai presque l'impression que c'est un deuxième lancement de la 5G aujourd'hui. À Monaco, Apple a une très grosse part de marché chez nos clients. Le fait que l'iPhone 12 soit un iPhone 5G change déjà la perception du réseau chez les consommateurs. Il y a clairement un engouement depuis l'annonce d'il y a quelques jours. Pendant un an, en l'absence de terminaux, le réseau est resté peu utilisé, ce qui est tout à fait normal. Cette année et demi a été extrêmement importante. La 5G, c'est une nouvelle technologie, qu'il faut maîtriser, régler et bien comprendre.
On a aussi eu la chance de pouvoir attirer des start-up sur ce sujet-là. Et il y a également le service public des pompiers qui a décidé de s'appuyer sur des technologies plus fiables pour améliorer ses capacités d'intervention, la 5G répondant à ces besoins.
Avec la 5G, vous parliez notamment des pompiers, on assiste à une vraie bascule des usages. Il y aura évidemment un certain aspect pratique pour les utilisateurs, en ce qui concerne la latence, les débits etc., mais la différence avec la 4G est moins palpable pour eux que pour les professionnels, les industries...
On touche en effet un autre public. Pour les particuliers, ce qui est inexorable, c'est l'importance qu'a pris le mobile en tant qu'outil fondamental de loisir et surtout de travail. La hausse des débits et la baisse de la latence vont permettre de continuer à développer l'écosystème et les applications pour les particuliers, que ce soit au niveau personnel ou pro.
La 5G est un réseau qui va transformer assez profondément la vie et les usages en entreprise. On dit souvent que la 5G, c'est comme avoir la fibre, sans avoir un fil à la patte. Imaginez tout ce que vous pouvez faire pour automatiser un processus logistique ou des checks de maintenance sur des pièces lointaines... Qui nécessitent des temps de latence extrêmement faibles et beaucoup de débits pour avoir des images en temps réel ou de la réalité virtuelle. Imaginez donc tout ce que vous pouvez faire avec de la fibre, sans avoir de fibre optique. Je pense que tout cela ouvre un monde d'opportunité.
« Dans nos projections, d'ici deux ans, sur un Grand-Prix, si tout le monde est en 4G, il est certain que le spectre disponible ne suffirait pas »
Certains se disent que la 5G pourrait, à terme, nous pousser à réinventer le modèle de la box internet. Peut-on imaginer, que dans un futur plus ou moins proche, des foyers troquent leur box au profit d'une offre 5G, avec des répéteurs par exemple ?
À un niveau individuel, c'est tout à fait possible, et c'est même possible dès maintenant. Dans un milieu urbain, si on veut faire passer par le mobile tous les usages multimédias du foyer, le spectre actuel n'y suffirait pas. C'est pour cela que nous sommes montés dans les 3,5 GHz et que certains parlent, à terme, d'aller dans des ondes millimétriques. Je pense qu'aujourd'hui, dans les milieux urbains, la fibre reste indispensable, au moins pour les 20 prochaines années. Nous sommes aussi opérateurs à Malte et à Chypre. Dans ces pays-là, cela fait déjà un moment que nous faisons ce qu'on appelle du fix-mobile service : des gens ont de la 4G qui leur sert de connexion à la maison. Il apparaît clair que la 5G a un vrai avenir pour connecter les foyers dans ces zones périurbaines.
Aujourd'hui, combien de sites et d'antennes 5G retrouve-t-on à Monaco ?
Nous n'avons pas plus de sites aujourd'hui que ce que nous avions il y a un an. Nous comptons plus d'une vingtaine de sites au total, ce qui correspond à 47 antennes. Nous proposons une couverture sur toute la principauté. Notre réseau 4G compte près de 40 000 clients. C'est le potentiel que nous avons sur la principauté, sans compter les visiteurs, qui, s'ils sont moins nombreux pour cause des mesures liées à la COVID-19, reviendront j'espère.
Dans nos projections, d'ici deux ans, sur un Grand-Prix, si tout le monde est en 4G, le spectre disponible ne suffira pas. Si, par contre, nous avons 20 à 25 % des visiteurs en 5G, nous pourrions continuer à délivrer une superbe expérience.
Avez-vous été sollicité par Xavier Niel (qui co-détient Monaco Telecom avec l'État monégasque via sa holding NJJ Capital) et le groupe Iliad (maison-mère de Free) pour avoir un retour d'expérience sur la mise en place et le déploiement du réseau 5G sur Monaco ?
Iliad et Monaco Telecom sont deux sociétés relativement séparées et ne travaillent pas directement ensemble. Xavier Niel est passionné de technologie, à chaque fois qu'il vient ici - il était là ces derniers jours - nous travaillons avec lui à propos de la 5G et des prochaines étapes de son développement. Nous avançons beaucoup grâce à lui, c'est certain. Il arrive à bien orienter les choses dans toutes les filiales dans lesquelles il travaille.
« Nous allons avoir des smartphones de milieu de gamme QUI SERONT 5G à partir de l'année prochaine »
A-t-on une idée du nombre de personnes qui utilisent la 5G sur Monaco aujourd'hui ?
Ce nombre était relativement faible jusqu'à maintenant, à peine quelques centaines. Cela s'explique par la faible part de marché des marques de terminaux disponibles jusqu'à la semaine dernière. Mais les choses vont changer rapidement d'ici la fin de l'année.
En juillet 2019, vous disiez que « d'ici deux ans, il serait difficile de trouver un terminal qui ne soit pas 5G ». Croyez-vous toujours en cette affirmation, en sachant que l'arrivée de l'iPhone va bouleverser le marché, ici à Monaco ?
En juillet 2019, je n'avais pas prévu la COVID-19. Je pense que la pandémie a effectivement retardé tous les déploiements 5G en Europe. À ce moment-là, nous pensions que la France ouvrirait la 5G fin 2019 ou début 2020. Il y a un gros retard pris dans beaucoup de pays.
Le Mobile World Congress de Barcelone a été annulé. Mais il est clair qu'aujourd'hui, les puces et autres composants 5G fabriqués par Broadcom ou autres se sont démocratisés, ce qui fait que nous devrions profiter de smartphones 5G de milieu de gamme à partir de l'année prochaine. Il arrive un moment où le coût d'une puce 5G est marginalement différent du coût d'une puce 4G. À ce moment-là, le marché bascule.
Il faut aussi prendre en compte la durée de renouvellement des smartphones. Celle-ci est en hausse, les utilisateurs renouvelant moins souvent leur équipement. Tant mieux, pour des raisons écologiques. Je pense que d'ici un an, les mobiles de milieu de gamme seront 5G.
« Avec la bande 3,5 GHz, nous sommes entre le Wi-Fi 2,5 et le Wi-Fi 5 GHz, des zones que l'on maîtrise. La 5G consomme moins d'énergie et émet moins d'ondes pour passer plus de données »
L'enjeu écologique et environnemental de la 5G, c'est un vrai débat. En France, des maires, écologistes notamment, se positionnement contre la technologie, et veulent des moratoires. Quel est votre avis sur l'aspect environnemental de la 5G, alors que la théorie veut qu'une antenne 5G soit moins consommatrice d'énergie qu'une antenne 4G ?
Nous essayons de caler la puissance des antennes pour être toujours en-deçà des normes édictées, qui sont ici bien plus drastiques et contraignantes qu'en France. Il y a d'abord un débat du type santé : les ondes électromagnétiques de la 5G sont-elles plus dangereuses que les autres ? Pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet, il faut savoir que les ondes sont les mêmes. Le type de spectre également. Avec la bande 3,5 GHz, nous sommes entre le Wi-Fi 2,5 GHz et le Wi-Fi 5 GHz. Ce sont des zones que l'on maîtrise.
La 5G consomme moins d'énergie et émet moins d'ondes pour faire transiter plus de data. Faire ce procès à la 5G, au regard de ce que les chercheurs, qui se penchent sur le sujet, disent, me fait arriver à la conclusion qu'il s'agit d'un contre-sens. Il vaut mieux arrêter la 2G, bien moins efficace, ou limiter l'usage de la 4G à terme, et avoir plus d'usages 5G.
Ensuite, il y a la question des ondes millimétriques. S'il y a un projet dans la bande 26 GHz, nous nous poserons la question, et d'ici-là, des études auront été faites sur le sujet. Selon les scientifiques, aujourd'hui, il n'y a aucun type d'incidence à utiliser du 26 GHz. Il faudra de nouveau avoir ce débat avec les associations.
D'autres considérations sont en jeu. Elles sont davantage culturelles, par exemple, est-ce que trop de communication tue la communication ? Est-ce que le fait de passer trop de temps sur son smartphone est bien ou pas pour les enfants ?
Tous ces débats sont liés à la nécessité pour les citoyens de se servir de la technologie, mais à bon escient. Il faut que l'on ait une réflexion sur le sujet. Ces débats sont très importants, parce que nous sommes en train d'inventer le monde de demain.